jeudi 31 août 2017

Concilier don de soi et respect de ses limites (3/3): à la lumière de la Foi

Il y a quelques jours j'avais initié une réflexion sur la compatibilité, pour un parent, entre le fait de se donner et le fait de veiller sur ses propres limites et besoins. Contradiction, compatibilité, lien étroit et nécessaire ? Vous trouverez la partie 1 ici, la partie 2 .
Je me suis beaucoup appuyée, dans cette réflexion, sur les mots libérateurs de Haim Ginott, notamment ceux rapportés par ces chères Faber & Mazlish dans "Parents Épanouis, Enfants Épanouis".

Aujourd'hui j'aimerais creuser davantage cette question en la considérant d'un point de vue chrétien. La Foi incite à se donner radicalement, alors, si je regarde tout cela sous l'angle de la foi, est-ce que ça change quelque chose?

Non, pas du tout !
Et oui, énormément !

1. Veiller sur nos propres limites, nos besoins ?
Oui!

L'amour sacrificiel est bien joli, mais il ne peut exister tout seul, nous rappelle l'encyclique "Deus Caritas est" : pour donner, il faut recevoir.
"l’homme ne peut pas non plus vivre exclusivement dans l’amour oblatif, descendant. Il ne peut pas toujours seulement donner, il doit aussi recevoir. Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don."
On peut voir cela comme en contradiction avec le fameux grain de blé qui, si il veut porter du fruit, doit mourir... Au pied de la lettre, hum, il est bon de se rappeler que les humains ne se multiplient pas par les mêmes canaux que les grains de blé, et que si la maman qui se prend pour un grain de blé crève, les bébés grains de blé sont mal partis...
Personnellement, je crois qu'en étant parent, on meurt toujours un peu, mais différemment :  on mue, on se détache de certaines besoins, on devient plus soi-même, on s'élève... Ce fameux temps libre dont je parlais dans ma toute première partie est partiellement remplacé par des choses qui ont bien davantage de sens. Ainsi le vois-je bien :
  • nos weekends de jeune couple sans enfants, nous les passions facilement à lézarder dans notre appartement, en mode couch potato (j'aime beaucoup cette expression anglo saxonne : pomme de terre de canapé, l'image en dit long); maintenant, nous passons bien davantage de temps dehors: la nécessité de sortir les enfants nous oblige à nous aérer, à prendre mieux soin de nous, finalement ! 
  • Idem pour la nourriture: nous mangeons bien mieux depuis que je dois aussi veiller à l'équilibre alimentaire des Bébous. 
  • Et enfin, dernier exemple: j'ai passé les dernières semaines de grossesse de F. allongée sur notre lit, à jouer à Age of Empires et aux Sims. C'était une époque!  Parfois je vois les CD rangés sur leur étagère et je me dis "ah je me ferais bien..." mais au fond, maintenant, les Sims ont été remplacés par des choses bien plus profondes et épanouissantes (genre écrire des billets de blog à rallonge).
Bref, être parent, c'est bien une vocation: un chemin qui nous rapproche du Seigneur, pas à pas, nous changeant petit bout par petit bout... nous reprogrammant, en quelque sorte ! Là où nous allions avoir besoin de nous divertir avec un spectacle humoristique, les mots craquants de nos zouaves deviendront une nouvelle source de rires, sans fin, et gratuite...


2. Se donner pour apprendre à notre enfant, et notamment lui apprendre à se passer de nous ?
Oh que oui!

Et c'est assez délicat.
D'un côté, il y a notre amour, qui doit être un signe de l'amour du Seigneur pour notre enfant... on le verrait bien sans limite, cet amour, à l'image de l'amour du Seigneur pour nous.
Mais de l'autre, l'autonomie de notre enfant demeure toujours une de nos premières missions de parents : nous lui donnons pour qu'il soit capable de nous quitter, "il quittera son père et sa mère...". A nous de donner d'une manière qui le rende libre, et non qui tisse des liens d'autant plus difficiles à rompre qu'ils seront invisibles.

J'irai même plus loin. 
"Je te comblerai au delà des désirs de ton cœur", nous promet le Seigneur. 
Que cette phrase est douce à nos oreilles! 
Mais ça, c'est le taf du Seigneur. Cette envie d'être comblé totalement, et d'être celui qui comble totalement un autre, vient de cette soif d'absolu qui nous pousse vers Dieu, elle ne doit pas nous en détourner / détourner nos enfants de Dieu.
Je m'efforce donc de garder en tête qu'On ne m'en demande pas tant, même si on me demande d'être le signe de l'amour de Dieu, et le vecteur de sa grâce. Durant la grossesse, oui, je comble plus ou moins totalement mon enfant, mais ensuite, c'est le début de sa marche autonome vers Dieu, vers un absolu qui le dépasse et dépasse mes faibles capacités.


3. Donner pour lui apprendre à vivre en société ?
Toujours, mais...

Il s'agit de bien davantage: en tant que parents chrétiens, notre mission n'est plus simplement de faire de nos enfants des individus biens dans leurs bottes et capables d'une vie harmonieuse avec leurs semblables. Non, la barre est placée un chouilla plus haut : faire de nos enfants des saints. Ouch.

Plusieurs interprétations possibles, du reste
  • je peux dire: ah ben tiens, vlam, voilà mes limites, comme ça tu apprendras très tôt à te sacrifier pour les autres
Pas très probant, si on part du principe que les enfants apprennent avant tout d'un modèle
  • alors, allons-y, hop, sacrifions-nous, donnons-nous à fond, comme cela ils auront un modèle sous les yeux
Hum, oui, mais quel modèle ?

Car les enfants ont envie d'imiter un modèle si celui-ci représente une voie perçue comme enviable....
Parmi les Saints "modernes" qui ont pu, à moi, me donner envie de la Sainteté, je pense à Mère Térésa. Sans blague, Mère Térésa, elle a un sourire jusqu'aux oreilles! Elle irradie de joie. Elle donne sans compter, mais elle donne d'une manière qui ne dégoûte pas de donner: quand on la voie, on a envie de faire pareil.
Dans le même ordre d'idées : parmi les bouquins dit "d'éducation" qui ont pavé mon chemin vers la parentalité positive, a figuré le "Transmettre l'amour" de Paul Lemoine... 
Transmettre l'amour, n'est-ce pas en effet le premier objectif de mon éducation ? Aimer mon enfant, lui apprendre à aimer.... Mais quel amour veux-je transmettre à mon enfant ? Je ne veux pas transmettre l' "amour souffrant" dont parle Haïm Ginott, je veux lui transmettre un amour joyeux.
  • Alors je peux souffrir en me collant un sourire jusqu'aux oreilles, mais non: nos enfants aspirent à nous connaître et à entrer en relation avec nous dans ce que nous sommes, pas à travers un masque.
  • En revanche, je peux donner beaucoup en me branchant sur la source de tout don, et témoigner ainsi à mon enfant de la source de ma joie.
Me brancher sur le Seigneur par la prière, pour pouvoir me donner ensuite...
Si on reprend la phrase de Haim Ginott : 
"on peut se montrer un peu plus gentil qu'on se sent, mais pas beaucoup plus".
Celle-ci demeure valable. Ce qui change, du fait du branchement sur le Seigneur, c'est le positionnement du curseur ... ceci dit, je me demande si ce n'est pas moins l'écart qui grandit (entre la manière dont je me sens, et le comportement que je suis en mesure d'adopter) que la manière dont je me sens qui change...


4. Me donner alors... d'une manière qui rend mon enfant libre, qui ne soit pas culpabilisante pour lui.

Me donner en vérité, avec mes faiblesses : comme vu dans la seconde partie, il s'agit de chercher à discerner là où je dois donner, comment je dois donner, quels moyens sont bons, lesquels sont mauvais. C'est une sacrée responsabilité! 
Et une responsabilité sacrée.
A ce sujet je suis vraiment heureuse d'avoir "rencontré" l'approche éducative qu'est la parentalité positive : j'apprécie énormément la manière dont elle reprend, pour moi, les valeurs de base de l'enseignement du Christ. A Paray, entendre au détour d'une conférence qu'on ne peut poursuivre une fin bonne par un moyen qui ne le soit pas, ça m'a parlé!  (un grand sourire pour la personne qui me retrouvera la citation exacte, j'ai omis de dégainer mon Bullet Journal à temps...). Cette exigence nous oblige effectivement à prendre un sacré recul sur notre éducation et les moyens que nous employons.

Une telle exigence implique beaucoup de travail.
Et c'est là où, par exemple, peut venir intervenir l'injonction de Jean-Paul II à exercer une paternité / maternité responsable, y compris dans le choix du nombre d'enfants.
C'est une vraie question, ça... si j'éduque mes enfants d'une manière qui entraîne chez moi une implication, un don accru de ma personne, peut-être y a-t-il bien une limite au nombre d'enfants que je suis capable d'éduquer ainsi, et peut-être ce nombre peut-il se révéler inférieur à ce que j'ai vu autour de moi, dans des familles à l'approche éducative différente.
Cette limite 
  • peut être provisoire : pour le moment, je suis occupée à grandir en tant que parent, et mes capacités me permettent tout juste d'être à l'écoute des besoins des enfants que j'ai, 
  • ou peut finir par devenir définitive. Non pas parce que je déciderais que "ça suffit, il est hors de question qu'on m'en demande plus, j'arrête de grandir dans ma capacité à donner", mais parce que ce n'est pas seulement la croissance du nombre d'enfants qui vient solliciter la croissance de ma capacité à me donner : il y a la croissance des enfants eux-mêmes (miam miam l'adolescence), il y a ma croissance / maturation / vieillissement à moi...

Une telle exigence implique nécessairement des erreurs.
Elles sont inévitables celles-là !  
En ce qui me concerne je trouve que l'éducation est un domaine dans lequel je suis amenée à faire l'expérience concrète de ce qu'est le péché originel, qui se transmet de génération en génération. Ainsi ai-je réalisé tout récemment que certaines émotions vécues pendant la grossesse de F. l'avaient probablement fortement impacté alors même qu'elles n'avaient rien à voir avec lui. Mais voilà, mes blessures d'adultes ont quand même réussi à se faufiler jusqu'à mon enfant, jusque dans mon sein, pourtant sensé être l'abri ultime.
Et même sans parler de grossesse : parce que, comme tout enfant, j'ai été blessée par mon éducation, je ne peux, malgré tous mes efforts, éviter de blesser mon enfant. Tel comportement normal de sa part mais me renvoyant à mes blessures suscitera une réaction disproportionnée chez moi et provoquera une blessure chez lui... qu'il transmettra d'une manière ou d'une autre à ses propres enfants.
Et pourtant, là encore, par mes erreurs, j'entraîne mon enfant sur le chemin de la sainteté: un chemin sur lequel on tombe et on se relève, ou plutôt, on tombe, on demande pardon, et on est relevé.

Donner avec la vérité de ce que je suis, un être limité et qui fait des erreurs, sans verser dans l'angélisme (noooon ça ne me dérange paaaas), c'est cela : la liberté vous rendra libres !
A mes yeux, il s'agit d'une sorte d'écologie de l'éducation : je plaide pour une réintroduction des limites parentales dans leur milieu naturel. Une réintroduction faite avec infiniment de patience et de miséricorde, les yeux toujours fixés sur notre Père à tous.

mardi 29 août 2017

"pour transformer une situation tendue en jeu..." - Petit Bout de Lawrence COHEN, Qui veut jouer avec moi? #6

Parfois le "drame" nous tombe dessus complètement par surprise, et on se retrouve en pleine troisième guerre mondiale avec son enfant avant d'avoir eu le temps de dire "ouf".
Mais très souvent, on voit bien qu'une situation est en train de prendre une mauvaise tournure, mais on se sait comment inverser la tendance, on manque d'inspiration, d'énergie...

Notre petit bout de Lawrence Cohen du jour vient nous fournir une planche de salut possible, sexy pour les deux parties en cause.

La citation du jour est:
"Je ne connais rien de mieux pour transformer une situation tendue en jeu que d'adopter un ton faussement outragé."

Issue du paragraphe suivant :

Lawrence COHEN, "Qui veut jouer avec moi ? - Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants", p143.


Ce paragraphe m'a tout de suite parlé.
Il m'a en effet remis en tête quelque chose que j'ai déjà testé une fois où mes chers enfants persistaient à marcher sur la rue au lieu de s'en tenir au trottoir : je m'étais tout bonnement mise à rugir (au sens propre du terme. Merci Le Roi Lion pour le modèle). 
Rigolade et retour illico presto des lionceaux Bébous sur le trottoir. 
  • Me plaindre en surjouant
    • grogner, 
    • onomatopées indistinctes, 
    • voix de pimbêche, 
  • singer une colère
  • hurler à la mort comme 
    • un loup, 
    • une hyène, 
    • un chacal, 
les possibilités sont nombreuses... 
Ce qui est chouette c'est que du coup, comme cela titille mon imagination, ça peut me donner envie d'y avoir recours même si je commence à bouillir par ailleurs. Un point crucial dans ces situations où l'exaspération fait passer toute envie de faire l'effort de se montrer constructif.

Vivement la prochaine situation tendue ?
Ou pas...


Petits Bouts de Lawrence Cohen publiés: 
1- Mettre un terme à un jeu violent
2 - Difficiles retrouvailles avec un enfant
3 - Une bonne manière de jouer à la guerre (?) 
4 - Une alternative aux câlins
5 - Déclarations enflammées 
6 - Transformer une situation tendue en jeu 
7 - Les enfants qui tentent de s'humilier les uns les autres 
8 - De l'importance de l'éducation émotionnelle des  garçons 
9 - Entraînement à la maîtrise de ses impulsions
10 - Les aînés face aux plus faibles
11 - Ne pas s'opposer trop vite 

dimanche 27 août 2017

5 Bidules en Parentalité Positive {#3}

Allez, c'est reparti pour quelques tranches de Parentalité Positive du quotidien!
Ça va bien... sauf quand ça va moins bien.

1.
Petite randonnée en Forêt-Noire, nous nous sommes un peu mélangés les pinceaux dans le repérage des panneaux, aussi le chemin parcouru est-il à la fois plus long et plus pentu que prévu.
F. dit sa fatigue à plusieurs reprises, mais marche tout de même vaillamment à nos côtés.
Au cachot, la Bébounette!
D'autant que nous l'encourageons régulièrement à coups de compliments descriptifs:
"Ouh ça monte fort, ça demande d'appuyer fort avec les jambes"
"En voilà des jambes qui marchent avec vigueur"
De lui-même il s'en décerne de temps en temps
"ça monte, mais j'ai de la force dans les jambes alors j'y arrive."
Non seulement il terminera la marche sans avoir réitéré la demande formulée dès la première centaine de mètres ("sur les épaules, Papa!"), mais en plus il sera encore motivé pour retourner explorer le château en ruines marquant le début et la fin du parcours, et déjà découvert avec passion avant le début de la balade.



2.
Dîner.
F.était plein d'appétit mais déclare soudain, alors que son assiette est encore à moitié pleine, qu'il "a fini".
Hum. En théorie je m'en fiche qu'il finisse ou non son assiette, cependant là je soupçonne que la faim est bel et bien là, mais qu'il est juste fatigué, ou que la suite lui fait très envie. Je suis donc persuadée que F. ne fait momentanément plus l'effort d'écouter sa faim, ce qui risque de nous poser problème ensuite.
Monsieur Bout fait la même analyse et intervient donc:
"Tu manges encore 3 bouchées."
Hum, un peu abrupt.
Cela nous vaut donc un "Non !" véhément.
Je laisse passer 1 minute puis je donne un choix:
"3 ou 5 bouchées ?
- 3 !"
Assiette presque terminée, nous passons à la suite.


3.
Bain en commun des Bébous pendant que je cuisine.
J'ai rappelé les règles comme d'habitude, dont l'une est 
"le bain doit être un moment agréable pour les deux".
Au bruit, ça m'a l'air bien agité. Et effectivement, rapidement des pleurs de Bébounette retentissent.
J'entends quelques petits efforts du Bébou pour rassurer sa sœur, mais pas très convaincants.
Alors je décris:
"F., j'entends que ça se passe mal !"
Ledit F. y met alors plus de cœur:
"Ca va bien se passer E. . Tu veux un câlin ?"
Arrêt des pleurs, rires, jeux.


4.
Depuis quelques jours F. passe son temps à jouer avec les robinets, faisant couler de grandes quantités d'eau, malgré explications, redirections, questions de curiosité, bains prolongés et j'en passe.
Ce matin, il insiste encore pour « nettoyer la baignoire » qu'il a déjà nettoyée hier soir. Je lui rappelle que cela n'est pas nécessaire mais qu'il pourra le faire le soir après le bain, et que là il s'agit de se préparer pour aller chez Ikea (sortie qu'il attend avec impatience). Il me dit « D'accord » d'un air innocent, je sors de la salle de bains pour aller m'occuper du linge et quand je reviens, je le trouve en train de faire couler un discret filet d'eau. 
J'exprime mon mécontentement:
"Je suis furieuse !
- Non, non, j'arrête, on va à Ikea maintenant !
- Là je suis en colère, je ne me sens pas gentille du tout, je n'ai pas du tout envie de te faire plaisir en allant chez Ikea.
Colère de F. qui insiste.
Je reste sur ma position mais donne un renseignement complémentaire.
- Quand quelqu'un nous en veut de quelque chose, cela peut aider si on répare. On peut faire quelque chose pour la personne, on lui rend un service, pour lui montrer qu'on regrette. As-tu une idée de comment tu pourrais réparer ?
- Non !
- Eh bien, par exemple, il y a des choses à aspirer sous le lit d'E., tu pourrais le faire pour moi.
Il sort l'aspirateur, le branche, s'absorbe longuement dans sa tâche puis clame
- c'est fini ! Je t'ai rendu service, là, c'est ça ?
- Oui, merci. Je me sens de nouveau prête à être gentille. Préparons-nous pour aller chez Ikea. »

Je ne sais pas comment c'est chez vous, mais amener F. à prendre en considération le tort qu'il cause à autrui, à le reconnaître, et à agir pour réparer: ce n'est pas de la tarte, et j'avance à tâtons…


5.
Fin de journée.
Une première colère de F. pendant que nous rentrons du jardin d'enfants où il a passé la journée. Qu'à cela ne tienne, la sérénité que je ressens de plus en plus souvent dans ce genre de situations ne m'abandonne pas, je gère la situation au mieux sans me démonter (ni démonter mon fils).

Une fois rentrés, je propose un bain, je rappelle les règles, mais ne me montre pas assez présente pour veiller à leur application.  Moralité, quand je remets enfin les pieds dans la salle de bains, je n'ai plus qu'à constater l'ampleur des dégâts : baignoire discrètement remplie jusqu'à ras-bord, de l'eau partout, le tapis de bain prêt à être essoré.
Du coup, plus aucune possibilité d'action hormis manifester mon mécontentement, ce que je fais, mais de manière particulièrement véhémente, et avec quelques "tu-qui-tuent" dans le tas. Mon incitation à réparer est également tout sauf douce et incitative, moi-même je n'aurais pas eu envie de coopérer avec...
Donc refus, 
donc insistance, 
donc rerefus et geste agressif quelconque, 
donc nouvelle hausse du ton de voix, 
donc refus encore plus véhément, 
donc menace, 
donc pleurs, 
donc re-colère, avec une Gwen qui insiste pour que les jouets soient rangés par les enfants, mais formule ses demandes d'une manière également inadaptée, et un Monsieur Bout qui arrive à ce moment et se retrouve vite contaminé.
La copine qui vient me chercher pour un dîner de filles entendra les pleurs de la rue (nous habitons au 4ème étage).

Ouais, y a du progrès, mais y a pas à dire, hein, c'est pas demain la veille que les ratés disparaitront!
L'avantage c'est que ces ratés viennent toujours me rappeler l'importance de ne pas lâcher mes outils.  La vie avec / la vie sans, ça n'a rien à voir...

Et maintenant, place à la Hotline!


jeudi 24 août 2017

"Des déclarations d'amour et d'affection comiquement exagérées..." - Petit Bout de Lawrence COHEN, Qui veut jouer avec moi? #5

Quand la situation ou la relation est tendue, exprimer de l'amour à son enfant en devient plus compliqué... alors même que c'est encore plus nécessaire !
Le dernier Petit Bout de Lawrence Cohen proposait déjà une voie détournée pour y parvenir tout de même, celui d'aujourd'hui nous fournit un outil supplémentaire.


La citation du jour est donc:
"Des déclarations d'amour et d'affection comiquement exagérées [sont] un bon moyen de remplir le réservoir [d'amour], la niaiserie de notre attitude incitant à baisser la garde."

Issue du paragraphe suivant :

Lawrence COHEN, "Qui veut jouer avec moi ? - Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants", p136-137.


Voici donc un conseil qui se rapproche du dernier, et que je trouve également très utile.
Je me le note avec d'autant plus de soin que je le suppose pouvoir s'appliquer à tout âge, et notamment à celui de l'adolescence où la pudeur et la volonté d'affirmer son indépendance vis-à-vis des "vieux" pourraient inciter notre enfant à repousser des mots d'amour trop "gnangnan".

Là, il s'agit d'en rajouter une couche, pour faire passer le message mais sous une forme plus inoffensive.

Hasard ? Coïncidence ? 
Depuis que j'applique ce conseil, j'ai l'impression que je récolte davantage de "je t'aime" et assimilés de la part de F. (à d'autres moments, et de manière sérieuse. Mais y aurait-il un effet déblocage?)

A noter que les deux conseils se marient merveilleusement bien entre eux : poursuivre F. à travers l'appartement, les bras grand ouverts, clamant que je meurs tellement d'amour pour lui que si je ne lui fais pas un énorme câlin dans la minute je vais tomber à la renverse, et en profiter pour entamer une bagarre...

Cette citation titille ma fantaisie, et j'aime bien ! (mais globalement c'est ce que fait ce bouquin: il m'incite à puiser dans ma c***erie sans fond pour enrichir ma relation avec mes enfants. D'où énorme potentiel)

Monsieur Bout et moi-même n'avons en revanche pas encore eu l'occasion de tester l'idée lue juste au dessus, et de nous disputer la dépouille les faveurs de notre fiston.  
Mais cela ne saurait tarder (hihihi)
Oui, décidément: je me marre à lire et mettre en pratique ce bouquin!


Petits Bouts de Lawrence Cohen publiés: 
1- Mettre un terme à un jeu violent
2 - Difficiles retrouvailles avec un enfant
3 - Une bonne manière de jouer à la guerre (?) 
4 - Une alternative aux câlins
5 - Déclarations enflammées 
6 - Transformer une situation tendue en jeu 
7 - Les enfants qui tentent de s'humilier les uns les autres 
8 - De l'importance de l'éducation émotionnelle des  garçons 
9 - Entraînement à la maîtrise de ses impulsions
10 - Les aînés face aux plus faibles
11 - Ne pas s'opposer trop vite 

mardi 22 août 2017

Un an de "panier bio": le bilan!

Parmi les quelques petits pas Zéro Déchet que j'ai pu faire cette année, a figuré le passage au panier bio. J'en parlais ici cet automne, et je vous ai régulièrement régalé(e)s de recettes ou d'anecdotes savoureuses sur le sujet...

Après une bonne année avec ce système, il est temps de me livrer à un bilan plus approfondi

Impact zéro déchet : incontestable
La part de mes courses de fruits et légumes couverte par ce panier n'a cessé d'augmenter jusqu'à atteindre quelque chose comme 95%, c'est-à-dire 
  • 100% en temps normal, 
  • mais quelques courses de compléments en cas d'imprévu et/ou d'assortiment insuffisant : les semaines où on ne ne me propose que des pommes et des prunes dans la catégorie fruits, je ne vais pas me nourrir exclusivement de ces deux espèces pendant une semaine. 
Quand je complète d'un sachet Picard ou de quelques fruits pris au Drive, je pleure devant le packaging.
En parallèle, ils ont arrêté de livrer cela dans un grand sac plastique et ont remplacé celui-ci par une cagette, que je rends la fois d'après. Demeure l'occasionnel sac en papier contenant les petits fruits ou protégeant les radis. Donc nous ne sommes pas à du ZÉRO Déchet proprement dit, mais à du moins de déchets, très clairement!


Impact sur l'alimentation : époustouflant.
  • D'abord nous mangeons davantage de fruits et légumes et quasi exclusivement du frais.  Alors qu'auparavant une grosse partie des légumes cuits provenaient du jardin de ce cher tonton Picard, ma consommation de légumes surgelés s'est écroulée pour en être réduite au simple sachet d'un légume jamais proposé dans le panier (fèves par exemple) pour me dépanner les soirs (ou les midis pressés de jours IEF) où j'ai besoin de pouvoir juste jeter quelque chose dans une poêle ou le tamis de mon vitaliseur sans passer par la case épluchage-coupage.
  • L'énorme diversification de notre alimentation, déjà remarquée dans mon premier billet, n'a fait que se confirmer. Je suis devenue de plus en plus audacieuse!
    • Des machins que je ne cuisinais jamais avant, sont devenus habituels, mis automatiquement dans le panier quand ils sont proposés : topinambour, navet, salsifis, patate douce, même les blettes, c'est dire!
    • J'ai testé mille variétés de chou : frisé, permanenté, plat, rouge, blanc, bleu, vert,
    • J'ai même failli tester le fenouil mais il se trouve qu'il n'a plus été reproposé depuis que vous m'avez submergée de recettes sensées lui ôter son goût immonde anisé. Quel dommage...


Impact régulateur : du rythme et une routine dans mes courses!
Le panier est à aller chercher le mercredi fin de journée ou jeudi: du coup je fais un drive pour compléter et je prends pour la semaine là où avant les jours de course variaient donc je faisais des stocks plus ou moins gros de manière aléatoire aussi. 
Cette nouvelle régularité a grandement diminué le gaspillage puisque j'ai pu peu à peu acquérir l'habitude d'acheter pour une semaine, et donc améliorer mon évaluation des quantités nécessaires. 
Le fait que le temps soit "borné" ainsi m'a également facilité la planification des menus (ce qui n'empêche pas qu'en ce moment la planification des menus soit tout de même dans les choux mais Flylady est globalement pas mal dans les choux en ce moment).


Impact financier ?  
Bon, c'est moins cher que le bio du drive. 
Et je suis passée en quasi tout fruits et légumes bio sans voir de vrai impact sur le budget mensuel.... peut être 50€ de plus. Ceci dit dans le même temps, j'ai également modifié notre mode global d'alimentation en augmentant considérablement notre consommation de fruits et légumes, et en rationalisant d'autres postes en parallèle: moins de viande, moins de friandises.
Un bémol par ailleurs : l'état des fruits et légumes. Est-ce du à une manutention pas toujours douce ? Mais les pêches ont très souvent été récupérées bugnées, et Monsieur Bout a rouspété plus d'une fois en soulignant avoir du ouvrir 3 pommes pour en trouver une correcte. Idem, parfois les courgettes sont vite moisies, et les aubergines nous arrivent un peu amochées. 


Impacts sur la voiture...: plusieurs
Vivement qu'F. conduise et puisse faire les créneaux à ma place...
Ne rigolez pas mais une fois que j'aie eu fini mon CDD, ce n'est plus sur mon lieu de travail (mon employeur ayant un accord avec l'entreprise du panier bio) que j'ai récupéré mon panier, mais chez un fleuriste à dix minutes en voiture de chez moi. Or j'ai eu des sueurs froides plus d'une fois: pas facile de se garer (selon l'horaire) et pour moi qui suis nuuulle en manœuvres en tous genres cela a représenté un réel stress
La voiture à donc fait les frais de cela, elle arbore quelques rayures supplémentaires du plus bel effet et j'ai également réussi à emboutir légèrement un autre véhicule en faisant une marche arrière. Pitoyable, je vous dis. Notre prochaine voiture sera à minima équipée d'un radar caméra de recul et j'avoue fantasmer sur les nouvelles fonctionnalités où la voiture fait son créneau toute seule comme une grande.


Avec le déménagement, nous allons bien entendu perdre l'accès au panier bio (ouais je sais, je suis une petite joueuse, je ne fais pas 6h de route pour aller faire mes courses... ce qui n'aurait plus grand chose de bio, du coup); encore une habitude de chamboulée !
Mais j'avoue qu'après cette expérience, je ne m'imagine plus du tout refaire mon plein en grande surface; un marché se tiendra à 10 minutes à pieds de chez nous trois fois par semaine, je verrai ce que je peux en faire... mais vraiment, surtout, je me mettrai en quête d'une possibilité analogue.
(même si je crains le truc pas top - au prix exorbitant car pour une clientèle bobochic).

dimanche 20 août 2017

"les enfants actifs réagissent mieux..." - Petit Bout de Lawrence COHEN, Qui veut jouer avec moi? #4

Un nouveau petit bout de Lawrence Cohen... aux implications multiples!

En effet, différentes idées se retrouvent et j'ai eu du mal à choisir la citation en tant que telle. Mais choisir il faut, et puis je vous rajoute le paragraphe complet donc rien ne se perd.


La citation du jour est donc:
"les enfants actifs réagissent mieux aux contacts physiques animés qu'à une étreinte passive sur les genoux des parents."

Issue du paragraphe suivant :

Lawrence COHEN, "Qui veut jouer avec moi ? - Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants", p180.

J'ai trouvé ce paragraphe très riche
  • Tout d'abord, utile rappel, ici appliqué aux câlins, mais proche de ce qu'on lit souvent en parentalité positive: c'est quand un enfant se comporte de la manière la moins aimable qu'il a le plus besoin d'être aimé. Puisque oui, les câlins constituent un puissant remède (préventif et curatif) aux comportements inappropriés. J'y étais attentive, je le suis encore davantage, et je saute le plus souvent possible sur F. pour lui faire un câlin, y compris et surtout quand une situation tourne au vinaigre...
  • Ensuite, cette histoire de préférence pour les bagarres : en tant que telle, je ne la constate pas forcément chez F.. Il adore les câlins. Ceci dit... 
    • je crois que si je regarde l'évolution sur les deux dernières années, il y a eu une époque durant laquelle c'était moins le cas, parce que probablement j'en donnais moins spontanément, et donc lui aussi venait moins en chercher... puis j'y ai été plus attentive et maintenant il en demande très facilement, très souvent. Je suppose donc que passer par la bagarre pourrait aussi être une manière de rétablir ce lien-là quand il a été un peu distendu.
    • il est vrai que quand l'ambiance est un peu survoltée, le passage au câlin n'est pas toujours facile, que ce soit pour moi (quand je suis trop énervée, difficile de me rappeler le point n°1, ou en tous cas pas grosse envie d'agir en fonction!) ou pour lui (besoin de bouger). 
    • Depuis ma lecture de cette page-là, j'ai eu plusieurs fois recours à un mix de câlin-bagarre, en mode "je suis une grosse pieuvre et je vais te manger" ou "hahaha, je suis une machine à câlins devenue folle!": je l'entoure de mes bras musclés et fais mine de le serrer très fort / le manger, etc, il se débat mais dans le même temps se fait câliner, nous rigolons, et nous finissons généralement sur un câlin plus calme. Cette bagarre constitue de fait une transition, et très efficace.
  • Quant à la pratique régulière de bagarres, je retrouve quelque chose de proche du pouvoir des guilis découvert en ateliers Faber & Mazlish (mais L. Cohen semble plus circonspect vis-à-vis des guilis... il faut que je creuse, ça tombe bien j'ai encore quasiment la moitié du bouquin devant moi), et c'est un conseil que je ne vais pas hésiter à appliquer! J'ai d'ailleurs retrouvé le conseil également donné en ateliers, d'avoir recours à des parties de karaté-chaussettes : à genoux, en chaussettes, chacun essaie de piquer les chaussettes de l'autre (pour les parents d'ados ou pré-ados qui me liraient: visiblement ceux des participants à l'atelier qui avaient des exemplaires de ces âges à la maison ont rencontré beaucoup de succès avec ce jeu-là).
D'autant que L. Cohen consacre ensuite toute une partie de son livre à la bagarre, en détaillant les points à prendre en compte pour qu'une bagarre porte vraiment du fruit. Mais ça, cela fera sans doute l'objet d'un autre billet ...

Allez, à l'attaaaaaque!


Petits Bouts de Lawrence Cohen publiés: 
1- Mettre un terme à un jeu violent
2 - Difficiles retrouvailles avec un enfant
3 - Une bonne manière de jouer à la guerre (?) 
4 - Une alternative aux câlins
5 - Déclarations enflammées 
6 - Transformer une situation tendue en jeu 
7 - Les enfants qui tentent de s'humilier les uns les autres 
8 - De l'importance de l'éducation émotionnelle des  garçons 
9 - Entraînement à la maîtrise de ses impulsions
10 - Les aînés face aux plus faibles
11 - Ne pas s'opposer trop vite 

vendredi 18 août 2017

Être parent et donner... ses limites (concilier don de soi et respect de ses limites, 2/3)

Dans la première partie du billet nous avons vu qu'en tant que parent nous nous retrouvons à faire de la satisfaction des besoins de notre enfant notre priorité, mais qu'il nous faut déjà nuancer cela puisque nous avons aussi pour mission de veiller à ne pas crever en route quand même. Un parent en état de fonctionnement constitue incontestablement un besoin de l'enfant.
Et puis j'ai évoqué le fait que peu à peu, il nous faut ajuster notre comportement en fonction de l'évolution des besoins de l'enfant.

Poursuivons sur ce point.

En effet, si on reprend ce que je listais comme évolutions des besoins de l'enfant, on retrouve le fait qu'au départ les besoins primaires de l'enfant ont besoin d'une satisfaction la plus rapide possible.
Mais ensuite... l'enfant a besoin d'autre chose que cela.

3. L'enfant se met à avoir besoin d'apprendre plein d'autres choses.

Il a besoin d'apprendre à attendre...
Pas pour le plaisir, pas pour ce bon vieux truc parfois transmis par les générations précédentes et qui sent bon le rapport de force "ça lui fera les pieds, il doit apprendre qu'il n'est pas le roi".
Non, il doit apprendre à attendre, il a besoin de faire l'expérience de l'attente, pour
  • pouvoir se rassurer sur le fait qu'attendre ne le tue pas, 
  • développer une sécurité dans le fait que différer une satisfaction ne le met pas en danger, 
  • développer une conscience de sa propre solidité et résistance
  • en fin de compte : développer son autonomie (je serais presque tentée de dire : au sens quasi mécanique du terme, comme l'autonomie d'une batterie de téléphone portable...).
Cela ne veut pas dire que je vais "m'amuser" à le faire attendre, dans une dynamique qui ressemblerait curieusement à un jeu de pouvoir ("je viendrai quand JE l'aurai décidé, ce n'est pas un marmot qui va me dicter ma vie").
Cela signifie qu'à certains moments, et de plus en plus, je me permettrai de le faire attendre pour satisfaire d'abord un autre besoin. 
Je terminerai ma phrase avant de lui répondre, je terminerai une discussion avec ma voisine de banc avant d'aller le pousser sur la balançoire, je prendrai ma douche avant de lui lire une histoire, je finirai de lire ma page avant de me jeter sur le tapis pour une partie de ce qu'il voudra.

De la même manière : il a besoin d'apprendre à dormir.
Je dois toujours un billet sur le sommeil, mais pour moi les deux parties ont besoin de dormir. 
Certes, dans les premiers temps notamment, des besoins de l'enfant peuvent venir limiter le sommeil nocturne desdites deux parties: manger, être changé, être câliné. Mais un autre besoin de l'enfant est de pouvoir se sentir en sécurité dans son sommeil; et à mes yeux un besoin à moyen terme est de se sentir autonome dans son sommeil, de percevoir son lit comme un lieu rassurant.
En ce qui me concerne, c'est l'importance que j'accordais à ce besoin de sécurité à moyen terme qui a fait que j'ai préféré sacrifier d'autres choses (mon planning de la journée, ma liberté d'action : entre poussette et écharpe, c'est pourtant facile d'emmener un nourrisson partout) pour permettre à mes tout jeunes nourrissons de dormir autant que possible dans leur berceau en journée durant leurs premières semaines de vie.
Mon objectif était qu'ils puissent au maximum se familiariser avec et qu'ils s'y sentent ensuite en sécurité pour quelque chose d'un peu plus angoissant : le sommeil de nuit.
Ces quelques lignes ne se veulent PAS une condamnation du cododo. Mais doivent plutôt venir souligner que si le besoin du parent est autre / d'y mettre un terme, ce n'est pas forcément contradictoire avec les besoins de son enfant... et notamment ses besoins d'apprentissage et de prise de confiance.
Par ailleurs je ne pense pas qu'on puisse clamer avoir trouvé ZE manière, seule bonne, seule acceptable, pour accompagner son enfant vers l'autonomie vers le sommeil...ne serait-ce que parce que ces sales mioches se mêlent de ne pas tous fonctionner exactement pareil!! Les affreux. C'est un complot j'vous dis.

Ce besoin d'autonomie se retrouve partout,  et on retrouve la phrase célèbre de Haïm Ginott:
"l'amour d'un parent se mesure à ce qu'il est prêt à ne pas faire pour son enfant".
Habiller mon enfant, lui débarrasser ses affaires, lui gérer son linge... C'est l'aider, c'est se donner, mais en fait ?
Est-ce que je ne l'aiderais pas davantage en acceptant de ne pas me sentir utile directement, mais en lui donnant l'occasion de développer ses compétences, de les mettre à l'épreuve, de renforcer sa confiance dans ses capacités à s'assumer lui-même ?
On retrouve là le dicton sur donner un poisson, ou apprendre à pêcher...


4. Il a également besoin d'apprendre à vivre en société

c'est-à-dire
  • apprendre à prendre en compte autrui, ainsi que les limites d'autrui
  • et apprendre à signifier à autrui ses limites à lui.
Et là-dessus, le premier autrui auquel il se confronte, qui est-ce, si ce n'est nous, ses parents?

Quand je faisais mes premiers pas en parentalité positive, que je cherchais mon chemin, et tâtonnais un peu partout, j'avais été un peu décontenancée par certains arguments rencontrés. Ceux-ci disaient que point n'était besoin, pour le parent, de rajouter des limites à l'enfant, il en rencontrerait suffisamment dans le vaste monde. 
Une argumentation que j'entends tout à fait, elle prend en quelque sort le contrepied de l'argument que j'adooore "ah ben autant qu'il soit confronté à la violence tôt, le monde est violent dehors." (on peut remplacer violence par injustice ou d'autres chouettes réalités).
  • J'ai trouvé l'argument intéressant. J'ai piétiné mes limites.
  • Puis, démoralisée, je me suis dit que l'argument était débile. J'ai posé des limites et cherché à les faire respecter tant bien que mal. Plutôt mal que bien, du reste.
Et puis chemin faisant, peu à peu a émergé chez moi l'idée que l'argument était juste, mais qu'en fait... il fallait l'appliquer dans les deux sens :

point n'est besoin de rajouter artificiellement des limites à l'enfant,
mais
il ne faut pas non plus en ôter qui existent.
Et celles qui existent, qu'on peut être tenté de nier, ce sont justement elles : nos limites à nous, parents.

J'en suis donc arrivée à la conclusion que je n'avais pas à poser de limites "comme ça". 
J'avais à exprimer et tâcher de faire respecter MES limites (ou me faire l'interprète des limites des autres / de la société, en mode "quand on crie dans le train, cela fait mal aux oreilles des autres passagers").
Que par ce biais, je répondais bien mieux au double besoin mentionné en début de paragraphe
  • apprendre à prendre en compte autrui : je commence par lui apprendre à prendre en compte mes limites à moi, qu'il a à disposition quotidiennement pour s'entraîner
  • apprendre à signifier ses limites à autrui... comme tout enfant apprend : je lui mets sous le nez un modèle à imiter.
J'ai fini par développer la conviction suivante : 
il n'y a pas de meilleure manière pour lui d'apprendre à signifier ses limites d'une manière constructive, que de me voir le faire au quotidien, notamment vis-à-vis de lui.
(Mais pas que, du reste : tenez d'ailleurs, il y a quelques jours un déménageur venu faire un devis a été témoin de la dernière agression de ma voisine chérie. Il a été estomaqué et m'a dit  "je ne sais pas comment vous faites pour rester aussi calme". Sur le coup j'ai bredouillé un truc vague, mais après coup, j'ai réalisé que le fait que ces altercations aient lieu sous les yeux de mes enfants joue probablement un rôle important : j'en tire une sacrée motivation à rester à la fois ferme et constructive, car je ne veux pas que mon attitude leur délivre un message qui soit "devant l'agression, on s'aplatit", et pas non plus "si désaccord, agresse!".)

Et j'ai également admis qu'il serait risqué d'attendre que mon enfant soit confronté, par la société extérieure, à des limites, en comptant que cette confrontation brute suffirait pour lui enseigner qu'autrui avait une limite, et de quelle manière la signifier... : 
  • déjà que moi, la mère, malgré tout l'amour que je porte à mon enfant et tous les réflexes que j'essaie d'acquérir, il m'est parfois difficile (c'est peu dire) de lui exprimer mes limites de manière constructive et non-violente, 
  • je ne vois pas comment le reste de la société, qui n'a pas ce même amour pour mon enfant, ni forcément les mêmes principes de communication, pourrait faire cela correctement. Ni avec la même progressivité. Ça m'inquiète plutôt, même.
A moi, donc, d'être le premier professeur de mon enfant, sur ce point aussi.


Besoin d'apprendre l'autonomie, besoin d'apprendre à vivre en société... Il existe encore une 3ème grande catégorie de besoin, qui est capitale, et que je n'ai découverte qu'avec Jane Nelsen:

5. L'enfant a besoin d'appartenir au collectif, il a besoin de se sentir utile.

Lui exprimer mes limites, mes besoins,  ne pas tout lui donner, c'est lui donner quelque chose de très précieux : l'occasion de se sentir utile, de voir la manière dont il peut contribuer au collectif (dont moi parent je fais partie. Le premier collectif, c'est la famille). Je ne suis pas une réalité inamovible, intouchable, sur lequel son comportement n'a aucune prise. Il peut faire des choses pour moi. Il a ce pouvoir!
Inversement, ne pas lui exprimer mes limites, me sacrifier en permanence, piétiner allègrement mes besoins, c'est lui livrer une toute autre image de lui-même que cette image de quelqu'un d'utile et bénéfique au collectif...
Et ici je vais citer Haïm Ginott tel que ses paroles sont rapportées dans "Parents Épanouis, Enfants Épanouis" (le fameux chapitre 11), et à tour de bras...
 "Le plaisir d'un enfant ne devrait pas se prendre au prix de la souffrance d'un des parents. Le prix à payer est trop important pour tout le monde. Les parents paient de leur santé et de leur bonne intention, et l'enfant paie d'une autre façon."
"Quand nos enfants nous voient souffrir pour eux, ils se sentent automatiquement responsables. Notre souffrance leur apporte peur et culpabilité."
"Et savez-vous quelle émotion on ressent, à la fin de compte, envers les gens qui nous font sentir coupables ? C'est de la haine. En permettant la culpabilité, on invite la haine."

C'est fort, n'est-ce pas ?
Cela ne veut pas dire "ne plus rien faire pour mon enfant à moins d'en crever d'envie"...  mais là encore, je citerai Haïm Ginott :
"on peut se montrer un peu plus gentil qu'on se sent, mais pas beaucoup plus".

6. L'enfant a donc besoin que nous nous donnions... mais avec discernement.

Concrètement, cela signifie peut-être, me montrer un peu plus prudente : vais-je en vouloir à mon enfant ? Quel prix va-t-il payer pour ce "don"?

Or fondamentalement, même si je suis prête à donner, j'identifie deux grands risques d'en vouloir à mon enfant

- quand j'estime qu'il devrait être capable de se comporter autrement. 
Humm, ça, cela me fait facilement grincer des dents.

Ceci dit c'est un terrain glissant ! Mais ô combien intéressant et exigeant.
Car en fait cela suppose de

  • se documenter sur les capacités d'un enfant, son développement, d'une part, 
Car bien entendu, si je pars du principe qu'un enfant de 1 mois DOIT être capable de faire ses nuits, un enfant de 2 ans de ranger systématiquement derrière lui, et un de 3 ans de m'exprimer son mécontentement par des alexandrins, y a de petits risques d'incompréhensions…



Plus sérieusement: je suis très, très heureuse de vivre au 21ème siècle où l'on peut avoir accès à des connaissances (et non des idéologies) concernant l'enfant, cela me permet de donner avec beaucoup plus de sérénité.
En effet, par exemple, mes lectures m'ont sensibilisée au besoin, pour l'enfant, de la répétition pour apprendre, et sur le fait qu'un schéma d'apprentissage comporte nécessairement des phases de régression. J'accepte donc mieux les erreurs, et de réexpliquer, plutôt que de m'énerver et lui en vouloir parce que "il DEVRAIT savoir faire comme il faut ! Je lui ai montré 100 fois / hier encore il l'a fait correctement".

Inversement, quand je me suis intéressée à Montessori j'ai découvert qu'un enfant pouvait déjà être impliqué très tôt dans le nettoyage et le rangement de son environnement. Sans cette découverte je n'aurais pas encouragé F. de la même manière, ni ne l'aurait mis en situation de développer cette compétence.

  • et, d'autre part, passer du temps avec lui à 
    • 1. l'observer pour savoir à quel stade LUI est, indépendamment des "standards", 
    • 2. "enseigner" à la Jane Nelsen, pour améliorer lesdites capacités.
Par exemple, depuis des mois je mets un point d'honneur à ne plus tirer la chasse derrière F. une fois que je lui ai essuyé les fesses (enfin, ça m'échappe parfois, hein! Mais j'évite). Je lui rappelle de le faire (en mode Faber &Mazlish : description de problème, question de curiosité, un seul mot,... les moyens ne manquent pas et tout y passe) et je m'abstiens également de frotter les WC si il reste des traces. Je me contente de décrire le problème, et je le regarde pendant qu'il met un siècle à nettoyer ce que j'aurais réglé en deux secondes.
Mais ce don (car c'en est un! Je donne mon temps, et j'ai d'autres chats à fouetter, moi) est judicieusement placé : il rend F. plus capable, l'intègre davantage dans la communauté de vie qu'est notre famille, ne lui donne pas une image des autres comme étant là pour nettoyer derrière lui, et ne me donne pas cette impression, à moi.
Bref, je vois bien qu'en gardant à l'esprit que je comble ainsi un besoin d'apprentissage chez mon enfant, il m'est bien plus facile de ne pas lui en vouloir des efforts que je fais pour lui. Alors que si je devais à chaque fois me coltiner de belles traces de freinage, je crois que tôt ou tard, le ressentiment s'installerait.

- quand j'ai donné au mauvais endroit, donc en pure perte. Je n'ai pas donné, j'ai perdu.
En effet,  nos enfants auront toujours laaargement assez de vrais besoins pour qu'être parent ne soit pas une sinécure, mais un don. Alors autant ne pas s'épuiser à répondre à des désirs confondus avec des besoins. Quelle frustration sinon ! et on bascule vite dans des  ressentis / accusations d'ingratitude.

2 exemples chez moi.

Sortir le soir constitue souvent un cas de conscience pour les jeunes parents. En ce qui me concerne, je suis partie des postulats suivants.
  • l'enfant a besoin de la présence d'une figure d'attachement notamment les premiers mois de sa vie : 
    • néanmoins, ce besoin peut-être comblé de plusieurs manières : lui donner d'autres figures d'attachement, le prendre avec nous (pour un dîner, au resto ou chez les potes; mais j'ai même une bonne copine qui m'avait soufflée en me disant qu'elle était allée avec son nouveau-né au cinéma, en écharpe.) ; 
    • si allaitement, cela peut compliquer. Mais j'avais la chance qu'ils ont fait très tôt leurs nuits, donc une fois la tétée de 20h passée, j'étais tranquille; par ailleurs je me suis toujours très bien entendue avec mon tire-lait.
  • Ensuite il a envie que nous restions avec lui, mais non plus besoin.
  • Or, outre notre envie à nous de passer du temps en couple, et le besoin de notre couple de moments d'intimité à intervalles pas trop éloignés pour subsister,  j'estime que pouvoir compter sur un couple parental solide constitue également un besoin de l'enfant, celà lui apporte sécurité et stabilité. 
    • Comme de nombreux besoins, il ne s'agit pas d'un besoin vital au sens premier du terme: beaucoup d'enfants grandissent sans un couple parental solide, de même que beaucoup d'enfants grandissent avec une déficience dans l'un ou l'autre de leurs autres besoins, car les circonstances ne le permettent pas. Quand on ne peut pas, on ne peut pas... 
    • Je pars néanmoins du principe que travailler à la solidité de notre couple n'est pas un besoin égoïste, puisque cette solidité bénéficie à notre enfant. Ensuite, il y a manière et manière de faire: 
      • personnellement, je ne me verrais pas me barrer 3 semaines en amoureux 1 mois après l'accouchement, au motif que nous aurions besoin de nous retrouver... 
      • mais notre besoin de nous retrouver peut, selon les moments, être comblé au moins en partie, par des moments en amoureux à la maison, puis des moments en amoureux à l'extérieur.
A ce sujet, j'ai noté aussi une évolution dans mon cheminement : j'ai eu du mal à laisser F., notamment le premier soir où nous sommes sortis, beaucoup moins à laisser E. . Je la sentais mieux attachée (circonstances de naissance trèèès différentes, gestion des pleurs différente également), mais aussi : je la laissais avec un repère stable : F..
Aujourd'hui encore, du reste, je préfère laisser les deux ensemble que séparément, pour cette raison également.

Mais en réfléchissant à la question du besoin derrière la demande, un autre exemple m'est venu, issu de mes propres souvenirs d'enfance : à l'âge de 11 ans, j'ai demandé à faire du piano.
J'étais la première de la fratrie à demander à jouer d'un instrument de musique (nous ne tiendrons pas compte de la fameuse flûte à bec du collège, que du reste à l'époque aucun de nous ne pratiquait puisque nous habitions en Allemagne, loin de tout collège français), et mes parents ont longuement réfléchi. Ils m'ont demandé de réfléchir, m'ont sensibilisée au fait que cela avait un coût important au moment où leurs moyens financiers diminuaient et où la famille venait encore de s'agrandir.  J'ai insisté, persévéré dans ma demande, ils ont accepté.
Mais... qu'y avait-il au fond derrière cette demande?
Il y avait beaucoup de choses, et notamment
  • le souci de la n°3 d'une grande fratrie de se différencier un peu de ses frères et sœurs, 
  • une conception un peu romantique de la musique (eh, oh, le nombre de princesses qui séduisent leur prince en s'égosillant dans la forêt par leurs talents musicaux)
  • le fait que j'aimais (et j'aime toujours beaucoup) particulièrement écouter du piano (je n'avais pas de lecteur CD à moi...)
  • ...
La somme investie dans la réponse à ma demande fut-elle judicieusement placée, ou aurait-on pu trouver d'autres moyens plus adaptés ?
Je n'ai d'ailleurs fait du piano que durant 3 ans, ayant assez vite perdu mon intérêt... notamment à partir du moment où ma sœur cadette s'y est mise elle aussi, et a, par dessus le marché, rapidement démontré des capacités supérieures aux miennes. Et j'ai arrêté avec une certaine culpabilité.

Moralité, me voici doublement prudente face à un besoin de mon enfant: la demande que j'entends constitue-t-elle bien le besoin? Ou dois-je me garder d'y répondre en l'état, et réfléchir au besoin qui se cache derrière, et qui peut d'ailleurs être plus compliqué à combler que la demande initiale ?
Ce qui aurait été probablement le cas de cette demande de piano, et qui est également le cas dans l'exemple pris par Haim Ginott dans ce fameux chapitre 11 de "Parents Épanouis...": celui d'un garçon qui demande un chien... quand il a besoin d'un ami.

Bien entendu, tous ces points ne signifient pas qu'il n'y aucun risque de devenir un parent égoïste...

Ceci dit j'ai remarqué que les points suivants m'aidaient également  dans mon discernement

- me poser la question : Qu'est ce que ça apporte vs. qu'est ce que ça ôte?
Par exemple  : habiller mon enfant de 4 ans une fois de temps en temps le matin, ça lui apporte avant tout des câlins dont il peut avoir fort besoin ce matin-là. Mais si c'est systématique, ça lui ôte de l'autonomie...
Je l'ai entendue plus d'une fois dans la bouche de F., cette fameuse question "pourquoi c'est toi qui fais ?". Généralement, elle ne m'est pas posée dans le premier cas de figure...
- creuser l'origine de mes propres besoins /  attentes  /  émotions.
Cette situation qui m'use, de quoi est-elle faite ? En détricotant, parfois je m'aperçois que je mésinterprète, non seulement les besoins de mon enfant, mais peut-être aussi les miens, voire que je mélange allègrement les deux.
ZE exemple pourri mais vécu : mon enfant a-t-il absolument besoin de moi ce soir, ou ai-je plutôt le souci d'éviter un moment à deux avec un conjoint avec lequel les relations sont plus tendues? Joker.

- évaluer les moyens à ma disposition pour faire respecter ma limite.
Lesquels sont en accord avec mes convictions profondes, mes vrais objectifs concernant ma vie et l'éducation de mes enfants? Cela suppose
  • de consacrer du temps à enrichir ma caisse à outils éducative : parce que dire "j'ai pas moyen de" peut être une réponse un peu rapide... ou tout simplement provisoire: parfois le moyen existe, il attend juste d'être découvert, au hasard d'un échange, d'une lecture, d'une observation.
  • et de consacrer du temps à passer en revue ladite caisse à outils afin d'identifier ce qui serait susceptible d'aider mon enfant et moi-même à sortir d'une situation difficile. (la fameuse pause éducation de Coralie!)
Si pour faire respecter un de mes besoins je me retrouve à me détourner de ces objectifs, c'est un signal d'alarme.
  • Soit c'est que je suis déjà carrément dans le rouge concernant mon besoin, ce qui me fait perdre en capacité d'enseignement, disponibilité d'esprit, recul, etc
  • soit c'est que à ce stade, le besoin de mon enfant qui est en conflit avec le mien est encore tellement important pour lui qu'il n'existe pas de "bonne manière" de l'amener à s'en détacher au moins un peu, et c'est à moi de patienter, trouver une autre voie. 
Et ça peut être les deux à la fois, sinon c'est pas drôle...


Bref, identifier ses besoins, reconnaître ses limites, ne pas les piétiner, mais les communiquer à son enfant à mesure qu'il est capable d'apprendre à les prendre en compte, et cela avec progressivité et ménagements... c'est au fond un sacré projet !
Et en ce qui me concerne, je ne vis pas duuuuu tout cela comme la voie de la facilité  [soupir].


Voici pour le versant "séculier" de ma réflexion sur ce passionnant sujet... je la terminerai avec un volet traitant plus précisément de l'aspect spirituel.

jeudi 17 août 2017

Être parent et survivre: concilier don de soi et respect de ses limites (1/3)

Devenir parent chamboule toute notre vie.
Ça chamboule notamment nos priorités. Nous qui n'avions que nous-mêmes sur qui veiller, nous voici totalement en charge d'un petit être entièrement dépendant de notre bon vouloir, et au fonctionnement souvent contraire audit bon vouloir :
  • Ça ne dort pas la nuit quand je ne rêve que de ça ?! 
  • Ça dort ou crie le jour quand je voudrais un peu faire autre chose que bercer ou chuchoter ? 
  • Ça me bave, crache et vomit dessus sans aucune considération pour ma dignité, la sensibilité de mon nez et le fait qu'il va falloir que je traverse la ville ainsi ? 
  • Ça produit des déjections à l'aspect appétissant et c'est à moi de mettre les mains dedans ? 
  • Ça crie quand je voudrais du calme et ça onomatopète quand je rêverais d'une conversation suivie et stimulante intellectuellement...
La liste est longue, la liste est interminable, c'est la liste des petites et grandes facilités / libertés  auxquelles l'accession au rang de "parent" vient mettre un terme.

Devenir parent bouleverse notre vie, nos priorités, et oblige à redéfinir nos limites, nos attentes. Devenir parent implique incontestablement de nombreux sacrifices. Quand j'y repense, maintenant, je suis ébahie de toute cette MASSE de temps libre que nous avions avant ! Comment avons-nous pu y renoncer ainsi ? Il y a un petit côté masochiste à persister à se reproduire ;-)

Mais le sujet du jour n'est pas : quelle mouche nous pique à vouloir devenir parents.
Le sujet du jour concerne l'après : bébé est là, nous sommes parents, plus moyen de revenir en arrière, alors : que faire ?
Le sujet du jour est donc :
si être parent implique des sacrifices, (où) faut-il tracer la ligne ?
Le don de soi qu'implique le fait d'être parent doit-il être mesuré, doit-il avoir des limites ?
N'est-ce pas alors se donner à moitié, et donc pas vraiment un don ?
Bref, quand on est parent, veiller sur ses propres besoins, et demander à ses enfants de les respecter, est-ce faisable, est-ce bon, ou n'est-ce qu'un nouvel avatar de ce bon vieil égoïsme qui sommeille en chacun de nous ?
 

1. Une priorité: subvenir aux besoins de nos enfants

Nos enfants étant dépendants de nous, vulnérables, et les conséquence de besoins non assouvis pouvant être graves, notre priorité doit être de subvenir à leurs besoins.
Être parent nous bascule automatiquement dans la logique du don (si tout va bien) : on ne raisonne plus en termes d'échange de bons procédés, y a pas de "OK je te change ta couche mais alors on est d'accord qu'après tu dors 4h d'affilée, et demain tu fais la vaisselle" (enfin, si, celle-là on l'a tous tentée, hein, c'est ZE note d'humour suprême à 4h du mat'). Non. On donne, on donne, on donne, on se donne, pour subvenir aux besoins de ce minuscule machin.

A ce titre, quand il y a, comme souvent, conflits de besoins, nous avons comme solutions
  • différer la satisfaction de notre besoin
  • déléguer à quelqu'un d'autre la satisfaction du besoin de l'enfant
  • trouver des substituts, du soutien extérieur, des compensations pour survivre tout de même
Ainsi, si je prends l'exemple du nourrisson qui pleure la nuit, cela peut donner
  • dormir en journée
  • demander au papa de le bercer à notre place si c'est juste un besoin de câlins et que les câlins paternels rassurent efficacement le bébé
  • s'appuyer sur une bonne copine qui vient donner un coup de main une journée pour assumer à notre place une corvée indispensable (linge, courses, ménage) pendant que nous casons une sieste de rattrapage ; la même copine qui écoute notre épuisement, compatit, et nous fait une tisane ou un massage.

Il s'agit de voir cette période comme transitoire, et donc, à la fois,
  • d'admettre que notre besoin ne sera probablement pas comblé comme il pouvait l'être avant l'irruption de ces 3 kg d'amour dans nos vies, et 
  • d'aller chercher à l'extérieur de l'enfant (expression maladroite... sans faire de demande à l'enfant ?) de quoi combler au moins un tout petit peu ses besoins personnels dans l'intervalle.

C'est une première étape très importante, et qui déjà, peut sembler contradictoire avec cette logique du don total.

Mais pourtant, si on regarde de plus près, veiller sur ses besoins, c'est la condition au don total!
  • il peut s'agir (il s'agit souvent !) d'une question de survie : j'aime beaucoup l'expression "faire le deuxième noyé". Je trouve aussi très parlante l'image des consignes de sécurité données dans les avions : avant de s'occuper du casque à oxygène de son enfant, on doit d'abord s'en poser un. Effectivement : de quelle utilité serons-nous à notre enfant une fois asphyxiés ?
De la même manière, le burn-out maternel, qui se fait plus fréquent, vient nous rappeler le risque qu'il y a à oublier nos besoins les plus élémentaires. Se donner, ce n'est pas se perdre! Comment se donner chaque jour, durant de nombreuses années, si on s'épuise dès les premiers temps ? Qui veut aller loin, ménage sa monture...
  • même sans en arriver au burn-out: pour donner, il faut recevoir. Être un parent bien dans ses pompes, un minimum reposé, un minimum heureux dans sa vie, cela ne bénéficie pas qu'à nous, au contraire, c'est très bénéfique pour notre enfant ! On est plus détendu, moins sur les nerfs, plus souriant, plus entreprenant,... Par exemple, quand je suis reposée, je me prends bien davantage au jeu avec les Bébous. Je suis plus capable de régresser, de m'amuser vraiment avec eux, que quand je suis fatiguée, ne rêve que d'une chose, m'allonger sur le tapis et faire la morte bouger le moins possible, et ne joue avec eux que "parce qu'il faut", ou "pour les occuper".
Bref, le don total, c'est chouette, encore faut-il encore avoir des choses à donner...


Mais justement, si cette période est sensée être transitoire, c'est bien parce que les besoins de notre enfant évoluent.

2. Les besoins de mon enfant évoluent

Et cela, à plusieurs titres
  • dans l'immédiateté de la réponse qui doit être apportée : 
    • la faim d'un nourrisson doit être calmée le plus vite possible, un enfant plus âgé devient capable de comprendre qu'il faudra attendre quelques minutes ou davantage pour manger; 
    • un bambin tout juste sorti des couches a besoin d'une prompte réponse à son "pipiiii !", un enfant plus âgé devient capable de maîtriser son envie le temps qu'on termine une petite course
  • dans leur statut : certaines choses qui peuvent être du besoin au départ basculent vers l'envie
  • en eux-mêmes : certains apparaissent, d'autres disparaissent, ou le moyen de les satisfaire évolue
  • dans leur ordre de priorité : d'autres besoins deviennent plus importants pour l'enfant 
Concernant ce dernier point, j'ai beaucoup aimé l'exemple cité par Céline Alvarez lors de la conférence à laquelle j'ai eu la chance d'assister il y a quelques semaines. 
Elle évoquait l'acharnement de certains tout-petits à se nourrir eux-mêmes avec leur cuiller, déployant des efforts considérables pour attraper l'aliment visé, le transporter jusqu'à la bouche, viser la bouche... rater...et recommencer. Cet exemple illustre bien la manière dont certains besoins de l'enfant peuvent prendre le pas sur d'autres : ce n'est pas forcément faute d'avoir faim, mais à l'instant T, le besoin d'apprendre de l'enfant est supérieur à son besoin de manger, pourtant bien réel lui aussi.

Et en fait, moi, en réfléchissant sur le présent billet, j'ai réalisé que c'est la lecture de Faber & Mazlish, et de Haïm Ginott leur inspirateur, qui m'a permis de sortir un peu de la dichotomie entre mes limites et les besoins de mon enfant.
C'est par leur biais que j'ai perçu  (mais peu à peu, c'est-à-dire que je l'ai lu, ça a un peu fait tilt sur le coup, mais c'est surtout dans le temps que je l'ai vraiment intégré) que mes limites, mon enfant en a besoin. 
Pour le reformuler du point de vue de la problématique qui nous occupe aujourd'hui: au fond,  
mes limites ne sont pas un obstacle au don de moi à mon enfant, 
elles sont un don à faire à mon enfant.

La suite de ce billet reprendra donc quelques citations de l'excellent chapitre 11 de "Parents Épanouis, Enfants Épanouis" de Faber & Mazlish, chapitre dont je ne saurais trop vous recommander la lecture intégrale. Personnellement, je suis ravie que l'écriture de ce billet m'ait incitée à y replonger mon joli nez (c'est cool d'avoir mon blog à moi, je peux m'y décerner des compliments comme ça, paf, au détour d'une phrase). Ce chapitre est une pure merveille et honnêtement, tout ce que j'écrirai c'est de la gnognotte à côté. Mais ne partez pas tout de suite quand même / revenez lire la deuxième partie, ça me vexerait sinon.
A demain !
Partie 2