lundi 12 septembre 2016

L'éducation positive n'est pas un monolithe

Parent, LE job facile.

Garder le cap au quotidien,
      persévérer dans la direction et le mode d'éducation qu'on a choisi,
             être cohérent dans ses positionnements.
Avec certes, queeelques difficultés, mais mineures :
  • réactions des enfants,
  • réactions de l'entourage,
  • fatigue et limites personnelles....

FA-CI-LE... 

(d'ailleurs c'est un job que tout le monde ferait clairement mieux que vous, n'est-ce pas).


Mais un autre point, et pas des moindres vient également compliquer la tâche : l'incertitude quant à ladite direction !
En effet, il est d'autant plus difficile de s'en tenir à une résolution quand, en situation compliquée, des doutes viennent s'infiltrer "ce que tu as tant de mal à faire, au fond, es-tu vraiment, vraiment sûr(e) que ce soit la meilleure chose à faire?"
Nos lectures de l'été nous ont aidés sur ce point, Monsieur Bout et moi, en nous permettant de mettre un peu au clair nos souhaits.
Mais surtout, ils m'ont permis quant à moi de mettre le doigt sur une subtilité qui m'avait beaucoup travaillée ces derniers mois, et que je viens partager avec vous, des fois que ça puisse vous être utile aussi !



Il n'y pas "un" courant de pensée "éducation positive", mais plusieurs chapelles à l'intérieur d'une grande mouvance : en son sein se mêlent (voire s'affrontent, en témoignent, à l'occasion, des échanges - sacrément peu bienveillants parfois - en commentaires de blogs ou sur Facebook par exemple) plusieurs "écoles", plusieurs sensibilités.

En ce qui me concerne, j'ai ainsi finalement identifié deux points majeurs sur lesquels on trouvera des positionnements très différents parmi les théoriciens et praticiens de l'éducation positive :
  • les limites à poser (ou pas) à l'enfant
  • la gestion de la colère parentale

Les limites : 

  • d'un côté on regarde les limites comme quelque chose de "limitant" pour l'enfant, qui lui apprend la résignation, la soumission, le fatalisme, bref 
    • un truc à éviter, 
    • et un truc inutile puisqu'on considère que l'environnement limite déjà suffisamment l'enfant, et lui apporte déjà l'expérience qu'il ne peut tout avoir, tout faire, etc. 
    • Donc en tant que parent, on évite d'en rajouter.
  • de l'autre (Haïm Ginott, dont découlent ensuite les F&M, est de cette école de pensée-là), on considère qu'effectivement, point n'est besoin de rajouter des limites à la vraie vie, de frustrer volontairement, artificiellement l'enfant. 
    • Mais on considère également qu'il serait tout aussi artificiel de soustraire l'enfant à des limites ô combien naturelles : celles qui découlent du fait de vivre avec d'autres personnes, qui ont des besoins et des limites personnels. 
    • Et donc, les parents étant les premières personnes avec qui l'enfant expérimente ce que veut dire la vie en société, lesdits parents n'ont pas à piétiner leurs propres limites pour éviter de limiter leur enfant, mais à les exprimer d'une manière compatible avec les capacités de l'enfant.

La gestion de la colère parentale :
  • là encore, on a d'un côté des points que j'ai lus chez Isabelle Filliozat, selon qui la colère parentale doit autant que possible être épargnée à l'enfant, et si on n'en peut plus, on va gueuler dans un coussin dans la pièce d'à côté
  • de l'autre, on a Haïm Ginott, et F&M, pour qui la colère parentale a une place, vient exprimer qu'une limite a été franchie, par exemple, mais doit venir l'exprimer d'une manière utile et non blessante.

Avoir réalisé la diversité des points de vue que ce courant de l'éducation positive abrite en son sein me permet de m'orienter plus sereinement :
non, il n'y pas UNE manière d'être "parent positif",
il n'y a pas UNE vérité en la matière,
il y a une base commune, mais avec des variantes qui peuvent se distinguer énormément les unes des autres.
A chacun de repérer celle qui lui parle, qui lui correspond le mieux. L'avoir identifiée permet de s'y tenir, sans être insécurisé par des points de vue divergents émanant pourtant de sources estampillées "éducation positive".


(alors, oui, ptet que pour vous c'était évident, mais...)
En ce qui me concerne, je me sens davantage à l'aise.
Ces derniers mois, je m'étais sentie un peu perdue, je regardais notre colère et les limites avec ambivalence, ne sachant plus trop sur quel pied danser. J'en finissais par me poser la question de la "validité" de l'éducation "bienveillante", de notre capacité / volonté à avancer sur ce chemin (au passage, j'en profite pour changer le mot-clé correspondant dans le blog, ce "bienveillant" me gêne, il y a trop de jugement dedans, je vais lui préférer le vocable d'éducation positive, qui retranscrit bien mieux l'orientation à mes yeux).
Ça aurait été jeter le bébé avec l'eau du bain...
Au contraire, dissocier le bain du bébé m'a, puis nous a, Monsieur et moi, bien aidés !
Nous avons à présent réalisé que nous penchons tout simplement bien plus du côté Ginottien que du côté Filliozatien.

A nos yeux, l'approche Filliozat semble trop à sens unique, donnant la priorité absolue à l'enfant, au détriment des besoins des parents. Ce qui, personnellement, me semble dangereux car je vois bien que si je piétine mes besoins à moi, je me rends moins capable, sur le long terme, d'écouter sereinement les besoins des autres (voire beaucoup plus susceptible de basculer d'un coup dans des comportements agressifs).
Sur ce point, une autre de mes lectures de l'été, "Cessez d'être gentil, soyez vrai", m'a permis de cheminer. Et aussi la lecture de cet article et de quelques autres sur le même très chouette blog, (edit: ainsi que celui-ci chez Céline!)

Mais réaliser qu'il n'y pas de monolithe, de dogme,
  • que ce n'est pas "tout ou rien"
  • et encore moins "hors de Filliozat, point de salut d'éducation positive", 
nous permet de continuer de cheminer sur notre chemin, bien à nous, d'éducation positive.
Ainsi cette prise de conscience de la diversité des positions regroupées sous le vocable d'éducation positive nous permet-elle à l a fois
  • d'accueillir les conseils d'obédience Filliozatienne avec plus de recul:
    • ayant reconnu que nous ne partageons pas certains postulats de base, nous pouvons écarter sereinement les conseils et points de vue découlant de postulats avec lesquels nous sommes en désaccord;
    • cette clarification facilite également les discussions avec d'autres parents dans la même démarche, mais ayant une sensibilité un peu différente, en permettant de mettre des mots sur ces différences, et de mieux se comprendre
  • tout en continuant à nous alimenter avec ceux, chez elle ou ailleurs, qui ne touchent pas à ces points de divergence.

    En définitive, ce sentiment si précieux de gagner en liberté et en confiance !

17 commentaires:

  1. je n'aime pas non plus le terme "éducation bienveillante".... ça manque de bienveillance à l'égard des parents qui ne pratiquent pas ;-)

    Et je te rejoins clairement sur l'importance que les parents expriment aussi leurs besoins (de façon réaliste pour ce que les enfants peuvent faire : demander à un bébé de 3 semaines de dormir 12h, même si je pense en avoir besoin... mais le calme pdt la sieste, ça OUI)

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    1. Tu sais que je te plussoie sur toute la ligne 😌

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  2. Alors là, c'est du lourd, du beau, du bon. Un immense merci Gwen pour cet article qui me permet de me repositionner. Ce mot de bienveillance me sort par les narines, le terme éducation positive me paraît plus approprié et moins galvaudé, pour ne pas dire employé à toutes les sauces.

    Article à lire, à relire et à rerelire.
    Et merci pour ton passage, ça fait chaud au cœur.
    Julie

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    1. Merci Julie, je suis ravie que cette bafouille te parle, moi-même j'ai tellement été soulagée de saisir ces nuances !

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  3. Merci beaucoup pour cet article. Je ne me retrouvais pas dans tout ce que dit Filliozat, pensant que l'éducation positive n'était pas pour nous, mais en me disant que si c'était vraiment une éducation bienveillante, ça devrait quand même être aussi pour nous. Je ne connaissais tout simplement pas Haïm Ginott qui me convient beaucoup mieux.

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    1. Dire que j'ai un peu hésité avant de faire paraître cet article... je vois que nous ne sommes vraiment pas seuls dans cette réflexion !

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  4. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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    1. La vache faut plus que je regarde les commentaires avec mon iphone, avec mes gros doigts je fais des dégâts. Désolée again

      donc voici ce que tu écrivais:

      Figures-toi que j'aimerais écrire un 4 mains sur notre blog sur le sujet des limites (entre autres) justement et d'autres pour essayer d'étayer cette histoire de bienveillance. Je ferais surement un lien vers ton article qui s’inscrit carrément dans notre façon de pensée aussi.

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    2. Du coup : eh ben je serai ravie de vous lire (eh mais je me retrouve à attendre toute une série d'articles chez toi, sans vouloir te mettre la pression ;-) ); c'est un sujet inépuisable et j'aime bien me nourrir des autres (et plus particulièrement chez certaines ;-) )

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    3. Je sais, je n'ai pas trop le temps d'écrire tout ce que j'ai en tête...

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    4. t'inquiète, ce n'était pas pour te mettre la pression... moi-même, entre tous les brouillons qui s'accumulent sur blogger, toutes les fois où j'ai annoncé un billet sur un sujet dans un autre billet, et toutes les idées supplémentaires de billet qui volettent dans mon cerveau, c'est un joyeux bazar ;-)

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  5. C'est marrant, parce que c'est exactement ce que je disais à mon mari le week end dernier : j'aime bien ce qu'écrit Filliozat, mais je trouve qu'en un sens il y a un pb, c'est qu'elle ne parle que d'une partie des choses : la comprehension de l'enfant. De ce fait, pas mal de gens confondent parentalite bienveillante et acceptation de tout. Ce qui fait qu'ils ne se protègent plus eux meme, se laissent déborder, et n'arrivent pas à faire face !! je dirais qu'Isabelle Filliozat aide à mieux comprendre l'enfant mais n'aide pas toujours bien à developper les competences nécessaires pour bien répondre. Il est illusoire de penser qu'on ne peut jamais s'énerver, surtout si on n'a pas d'alternatives !!

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    1. Tiens, mais j'avais zappé ce commentaire fort pertinent !
      Je partage tout à fait ton point de vue, et du coup je déplore le "monopole" médiathique détenu par I. Filliozat sur le sujet de l'éducation bienveillante / positive / whatever en France. Ça peut en décourager plus d'un, et ça vient aussi facilement confirmer les détracteurs dans leurs doutes et critiques.
      Parce que même si Filliozat affirme qu'il n'y a pas de parent parfait, que forcément ça arrive de perdre patience et de se mettre en colère, je trouve qu'il est très différent de le dire de cette manière (= comme on veut tous faire de notre mieux, on voudra tous limiter nos accès de colère au maximum, on tendra vers le zéro, et à chaque raté, blam, culpabilisation puissance 1000), ou de dire comme Haïm Ginott que c'est autorisé et utile, mais pas n'importe comment.
      Et à ce sujet, le chapitre de "parent épanoui enfant épanoui" où elles listent 1001 manières d'exprimer sa colère avec différents degrés de force, c'est quand même autrement plus aidant qu'un "faut pas le faire mais si ça vous arrive faut vous pardonner"!

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    2. Merci pour cet article. Je ne connaissais pas les subtilités d'école. Et j'aime beaucoup aussi ce commentaire de Gwen qui est très juste sur la culpabilisation.
      Malheureusement les journalistes ont tendance a être un peu feignants et suiveurs (pas tous heureusement) et invitent toujours les mêmes personnes.

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    3. Merci Carole ! Je crois que ces subtilités n'apparaissent vraiment pas au premier coup d'œil : justement, notamment, en raison de la tendance des médias à reprendre toujours les mêmes personnes et donc à gommer les différences qu'il pourrait y avoir entre elles... Surtout quand ça sert le buzz! Si on a envie de discréditer / effrayer /faire de l'audimat /choquer un peu, il vaudra toujours mieux faire référence à des penseurs plutôt "anti limites" plutôt que de se lancer dans une fine analyse des différentes options possibles

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  6. Ho! Mais merci ! Sincèrement merci!
    Je me sens perdue parfois dans ma parentalité et mon coté professionnel (auxiliaire de puériculture)(même si actuellement je suis maman au foyer) ...
    Au travail, j'arrivais a être ferme, poser des limites aux enfants sans déborder. Et quand je rencontrais une difficulté fasse a un enfant en recherche de limites plus importante, que je me sentait dépassée, je pouvais passer le relais, aller respirer un grand coup dehors etc...
    Mais avec mes enfants... je ne sens pas la limite arriver... souvent quand je m'en rends compte c'est deja franchi (cris, paroles parfois blessantes ��). Donc j'explique a mes enfants pourquoi j'ai crié/dis certaines choses (frustration/fatigue/besoin de me retrouver) mais bon.... a presque 4 ans et a presque 16 mois ils ne peuvent pas bien m'aider lol..

    Je culpabilisais énormément... vraiment.. (surtout que le 2ème est un petit garçon plein de vie, explorateur, escaladeur qui a du mal a se contenir dans ses pulsions malgré l'explication encore et encore des interdits...(normal ,je sais, mais usant a longueur de journées lol)

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    1. Merci pour ces mots encourageants ! Oui c'est vraiment difficile et l'éducation de nos enfants constitue un vrai chemin de croissance intérieure : apprendre à gérer, respecter, exprimer nos propres limites… J'ai adoré le paragraphe d'O Maurel, dans la préface de mon bouquin, qui souligne que beaucoup de parents cheminant en parentalité positive ont cette difficulté en commun, précisément parce que, enfants, ils n'ont pas appris que leurs limites méritaient d'être respectées. Ils transposent cela dans leur vie adulte.
      Et c'est vraiment le défi de notre génération : nous avons une double éducation émotionnelle à faire en simultané : celle de nos enfants ET la nôtre !!
      Message d'espoir : ça fait maintenant quelques années que je travaille sur le sujet et il est incontestable que j'avance. Loin de toute perfection, mais j'avance.
      Et 2ème message d'espoir : les avancées sont aussi plus perceptibles avec l'âge des enfants qui va en augmentant. Presque 4 ans et presque 16 mois, c'est…. sportif. Très sportif. Aujourd'hui où ils ont bientôt 7 et bientôt 5, ça se VOIT que leur cerveau a maturé, le mien aussi, et l'atmosphère est nettement plus sereine. (et paf, on rempile sur un numéro 3 ^^)
      Bon cheminement sur cette voie difficile mais pleine de sens : on aide nos enfants à se trouver, on se trouve aussi soi-même !

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