mercredi 24 mai 2017

La pince à 3 doigts: notre chemin laborieux, en 6 points.

La tenue du stylo/crayon à 3 doigts constitue une préoccupation pour de nombreux parents... 
Personnellement, je bavais d'envie sur ceux qui avaient des enfants pour qui "bah.. ça c'est fait tout seul... Nan très tôt, hop, il/elle s'est mis à ..." : cet hiver, F., du haut de ses 3 ans et demie bien tassés, en était encore à 1000 lieues ! 
Malgré des frémissements prometteurs dans cette direction, frémissements qui m'avaient remplie d'enthousiasme et d'espoir mais n'avaient pas connu de lendemain, 99,5% de son temps de gribouillage / coloriage le voyait tenir ses crayons à pleine main.

Aujourd'hui, en revanche, les choses ont bien changé!

Passage en revue des points qui ont contribué à cette évolution chez nous.


1. Proposer moult activités de poinçonnage

Globalement, il s'agit de favoriser les activités qui musclent les doigts
  • usage des pinces à linge, par exemple. J'ai ainsi surfé sur l'intérêt de F. pour les chiffres pour faire d'une pierre deux coups: des cartes à pince (trouvées ici) sont venues à la fois développer ses compétences en dénombrement, et solliciter la musculature de ses petits doigts.
  • Ou encore, le transvasement de haricots à l'aide d'une petite cuiller tenue à trois doigts.

Mais ensuite, pour préparer à une bonne tenue du stylo, le poinçonnage nous a été très utile : en effet, F. était réticent à tout conseil de tenue de stylo venant chambouler ses petites habitudes. En revanche, l'introduction d'un nouvel outil a représenté l'occasion idéale de partir sur de bonnes bases : "un poinçon, ça se tient comme ça". Un point c'est tout...
F. apprécie beaucoup les activités de poinçonnage, et ce même si il ne s'y consacre généralement que durant quelques minutes avant de souhaiter passer à autre chose. C'est une activité qu'il choisit fréquemment, donc l'effet d'entraînement est bien présent dans la durée.
Ce détour par le poinçon lui a donc permis de prendre peu à peu des habitudes différentes, et de se familiariser avec la tenue à trois doigts.


2. M'essayer maladroitement à la méthode Dumont

La méthode développée par Danièle Dumont vise à la prise de bonnes habitudes dès le départ. Je trouve le travail effectué par Danièle Dumont impressionnant de pédagogie et de finesse, mais
  • 1. je n'ai probablement pas encore investi suffisamment (de temps, voire d'argent: acheter le bouquin par exemple) dans son approfondissement : la connaissance que j'en ai ne repose pour le moment que sur des lectures de blogs
  • 2. typiquement, ma nullité profonde niveau comptines et chansons de doigts fait que mes enfants y ont été très peu confrontés. Moralité, mes tentatives d'introduire des comptines visant à faire se toucher la pulpe du majeur et celle du pouce se sont soldées par des flops monumentaux.
  • 3. je n'ai pas investi dans les cahiers d'écriture pour le moment, car l'intérêt de F. pour les cahiers est assez fluctuant (pour le moins), par ailleurs il ne se montre pas toujours prêt à suivre les consignes de ce genre d'exercices. 
Néanmoins, mes recherches de ce côté m'auront au moins permis de visualiser ce qu'est une bonne tenue du crayon... car je ne pouvais pas me prendre moi-même comme modèle : j'ai toujours tenu les miens à 4 doigts (ce que je corrige dorénavant quand je suis en classe avec F.)


3. Éliminer les feutres.

Ce conseil m'avait été donné en premier lieu par une copine actuellement en formation à Institut Libre de Formation des Maîtres (formation pour des instits hors contrat), et m'avait fait réfléchir... mais j'hésitais encore à retirer à F. ses feutres adorés, seuls ustensiles avec lesquels il daignait faire un peu de coloriage.
En rediscuter avec Alexandra m'a permis d'approfondir ma compréhension de la question.
  • les feutres nuisent à une bonne latéralisation : pour ôter le capuchon, l'enfant aura souvent tendance à tenir le feutre de la main gauche afin de tirer sur le capuchon de la main droite, ce qui l'amène facilement à garder le feutre dans la main gauche pour dessiner ensuite. Ce souci-là ne s'est pas vérifié chez F., mais serait apparemment assez répandu.
  • les feutres nuisent à une bonne tenue : quel que soit l'angle avec lequel ils sont tenus, ils tracent. C'est très gratifiant, mais n'incite pas à bien positionner la main. Cela se vérifiait tout à fait chez nous: pas de hasard dans le fait que F. passait son temps avec ses feutres et négligeait tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un crayon, moins prompt à laisser une trace claire et nette.

J'ai pris mon courage à deux mains, mais me suis également fendue d'un petit travail de réflexion au préalable, afin d'être en mesure d'expliquer sereinement à F. le pourquoi de la disparition de ses feutres.
Je les ai rangés devant lui, en expliquant "pour apprendre à écrire, il faut muscler la main, or avec un feutre, la main ne se muscle pas. Quand ta main sera suffisamment musclée et que tu sauras tenir tes stylos et écrire avec, nous ressortirons les feutres." et j'ai rangé tous les feutres hors de portée et de vue. Je n'ai fait exception que pour les feutres effaçables de ses chers cahiers Usborne.

Mais j'ai attendu, pour supprimer lesdits feutres, d'avoir une alternative sexy à proposer, qui m'a permis d'enchaîner sur un "en revanche, regarde, maintenant pour dessiner tu peux aussi utiliser cela."


j'ai pris une palette étendue
4. Introduire les crayons cailloux

La même copine m'avait parlé des crayons cailloux, ces crayons au design étudiés par des ergothérapeutes et conçu pour favoriser la tenue à trois doigts et muscler les doigts concernés.
Les couleurs sont hyper jolies et intenses, ce qui permet d'obtenir un résultat d'une intensité plus proche des feutres, donc plus gratifiant pour un enfant qui ne tire d'un crayon de couleur lambda qu'un trait assez insignifiant à ses yeux. F. les a adoptés avec plaisir, de même que E., du reste.
Pendant que j'y étais, j'ai aussi fait gaffe à ne proposer que des crayons triangulaires : j'ai pris chez Giotto et je m'en félicite, ils supportent admirablement bien les chocs causés par des chutes répétées.


5. Miser sur des activités de graphisme qu'il apprécie

F. ne dessine tout simplement pas (pas le moindre bonhomme à l'horizon), et a longtemps été assez peu intéressé par le coloriage, avec des hauts et des bas toutefois.
Mais même dans les "bas", un coloriage est toujours resté in : celui du planisphère Montessori. Qu'à cela ne tienne, nous avons surfé sur son intérêt pour la géographie, et donc colorié un certain nombre de planisphères. Il en a déjà 4 ou 5 à son actif.

De la même manière, autant il a mis beaucoup de temps à daigner témoigner un minimum d'intérêt à mes cahiers Kumon, autant il s'est passionné pour les cahiers "Je trace, j'efface" d'Usborne, et notamment celui sur les chiffres (je prévois d'ailleurs de vous pondre un billet comparant Kumon et Usborne).
En particulier: il adore repasser des tracés en pointillés. J'ai longuement ruminé le fait que, selon Dumont notamment, ce genre d'activité n'est pas méthodologiquement optimale, mais...il s'en délecte, en réclame, peut y passer un temps fou, et peu à peu, a modifié sa manière de tenir son crayon durant ces exercices.

En revanche, j'ai gardé cette activité de graphisme non-orthodoxe hors de la salle de classe : les cahiers Usborne sont stockés dans la salle à manger, c'est sur la petite table d'enfants qui y est disposée qu'il s'installe pour y travailler, en dehors de l'horaire de classe.


6. Mixer subtilement détente et incitations

Je me suis détendue en me disant qu'il avait le temps,
je me suis détendue en me disant que si repasser sur des pointillés le motivait, eh bien soit.
J'ai imposé que les crayons tenus en salle de classe le soient à 3 doigts, en reprenant plusieurs fois sa tenue.
Mais je me suis détendue en imposant une prise à 3 doigts, point : celle-ci était au départ loin d'être correcte, mais si je faisais mine de la reprendre davantage F. se braquait instantanément et c'était fichu.

Moralité, F. a commencé à tenir son crayon à 3 doigts, dans la salle de classe, en rechignant et en le tenant mal.
Puis il a pris le pli de positionner automatiquement ses doigts pour le tenir à 3 doigts, où qu'il soit (le voir rectifier sa position !!)
Et puis la position s'est peu à peu corrigée d'elle-même.
Le poignet n'est toujours pas très souple, pas forcément posé sur la feuille, et les doigts ne font pas encore tout leur travail de guidage, mais je détecte de plus en plus souvent des petits trucs qui vont dans ce sens.



En conclusion : ce sujet que je trouvais délicat, et qui m'inquiétait un peu, a trouvé sa solution peu à peu, ou est en train de la trouver.
Un peu cahin-caha, pas toujours de manière très orthodoxe, mais cela me semble caractéristique de l'IEF... Et de ce fait, cela contribue à me donner confiance dans nos capacités, à F. et moi, à lui permettre d'acquérir, d'une manière ou d'une autre, les compétences qu'une instruction doit être en mesure de lui transmettre.
Par ailleurs, effet collatéral intéressant : observer son frère positionner avec attention ses crayons entre ses trois doigts a incité E. à faire de même. De ce fait, sa tenue du crayon à elle est déjà souvent proche de l'objectif visé ! (selon la taille du crayon : les crayons trop épais pour ses tout petits doigts sont tenus à 4 doigts). 
Cela aussi vient illustrer un point que je mentionnais dans le passage en revue des inconvénients que je trouve à l'IEF : les efforts investis dans l'apprentissage de l'aîné sont certes importants, mais servent aux suivants ...

13 commentaires:

  1. où as-tu trouvé les crayons cailloux ? as-tu moyen d'en apporter un ou deux pour me montrer ?

    Chez nous les feutres sont le cadeau pour les 5 ans.

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    1. alors au départ ma copine (A.C., en Russie avec nous il y a... longtemps, tu sais !?) m'avait dit : le site de la Boite à Bons Points, et effectivement. Mais tu les trouves aussi sur amazon, et sur des sites un peu bio.
      C'est en cire de soja.

      Et oui aucun souci pour t'en apporter un échantillon pour test ! Faut juste que j'y pense et que je les emballe dans un truc qui ne me les fera pas perdre. Hum, il serait temps que j'entame une page, dans mon BuJ, intitulée "trucs à emporter dans l'ouest" !

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    2. aaaaaaaaaaaah S est censé éviter le soja.... Faudra que je le surveille bien si j'achète ça

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    3. Ah je n'avais pas réalisé que tu devais AUSSI éviter le soja pour S. ! Décidément...
      Et il vrai que même E., qui ne porte plus rien à la bouche, m'en a déjà croqué un. Ils sont si jolis !

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  2. Salut Gwen, merci beaucoup pour cet article. Aurais-tu un lien vers un billet synthétique sur les avantages/inconvénients de la méthode Dumont? J'hésite encore à acheter les cahiers. Merci!

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    1. Bonsoir Estelle ! Merci de ce commentaire.
      Hum, billet synthétique pour / contre... pas vraiment.
      J'ai particulièrement apprécié celui de mon amie Clotilde, qui contient par ailleurs le lien vers l'excellent billet de Marie-Hélène Place, tout sauf synthétique mais ô combien instructif, et dans les commentaires duquel D. Dumont elle-même est venue apporter quelques précisions.
      http://chanteclerc-chante-clair.blogspot.fr/2017/04/methode-decriture-de-daniele-dumont-mon.html
      J'espère que ça t'aide.
      Héhé, ton commentaire ravive en moi l'envie de creuser davantage Dumont. Quand l'actualité se calmera chez nous, je pense que j'irai commander le bouquin...

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    2. Merci pour ces liens, c'est tout à fait ce qu'il me fallait!

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  3. Merci Gwen, ton article est inspirant !
    En même temps, il m'envoie à un sentiment de culpabilité qu'il faut que j'arrive à gérer : je fais tellement moins de choses avec mes petits que ce que je faisais avec mes grands... Je ne sais même pas comment ils tiennent leur crayon ! Je vais regarder.
    Du coup, hier, boostée par ton histoire, j'ai sorti des nombres et des perles, et on a fait la table des 100 avec mon garçon de 5 ans, on a parlé dizaines et unités, c'était très chouette, merci !

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    1. Contente que ça t'aie boostée et permis un chouette moment avec ton fils !
      Mais concernant cette fichue culpabilité... je crois que faire moins avec les suivants est inéluctable ! Je ressens la même chose vis à vis d'E., mais parfois je réussis à me dire qu'elle a quelque chose que F. n'a jamais eu à son âge : un grand frère pour jouer avec elle et lui donner bien plus d'attention que nous ne saurions en donner... (dans une certaine mesure, évidemment...je suis bien consciente que l'attention fraternelle ne saurait se substituer à l'attention parentale ;-) )

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    2. Oui, tu as raison. Je crois que le plus gros de ma culpabilité par rapport à ce temps partagé avec eux se situe au niveau de l'apprentissage. C'est à dire le genre d'activités que tu fais en IEF. Parce qu'ils n'ont pas ça avec la fratrie... (D'ailleurs, toujours boostée par toi, j'en ai fait une autre sur la décomposition de 10 avec des barres rouges et bleues inspiration Montessori faites en papier ! merci !)

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    3. Bravo !
      Mais es-tu sûre qu'ils n'ont pas une forme de ces activités avec la fratrie ? Ne serait-ce qu'en entendant d'une oreille, ou regardant d'un œil, ce que fait l'aîné ?
      Quand je vois la manière dont E. semble commencer à s'approprier les chiffres, je me dis: évidemment, à entendre et voir son frère compter à tout bout de champ... ;-) idem, l'entendre parler de l' "EEEEUROOOOOOPE" me fait craquer !

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  4. Merci pour cet article, j'ai vraiment l'impression de voir mon fils dans ce que vous dite ( je commence à m’interroger sur une possible dyspraxie, même si ce n'est pas top, je n'arrive pas à me l'enlever de la tête). Il a 4 ans 1/2. Je vais m'inspirai de vos idées..

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    1. Merci d'avoir pris le temps de ce gentil commentaire !
      Ouille ouille pour la dyspraxie, ce n'est pas agréable ce genre de doutes. Je vous inviterais à explorer sans attendre la piste des réflexes archaiques à laquelle j'ai fait allusion dans mon dernier billet (bilan mai-juin), beaucoup d'éléments liés à la dyspraxie peuvent y etre liés !

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