lundi 7 janvier 2019

7 raisons de passer du temps à attraper son enfant

Si l’année qui vient de se terminer a été assez compliquée avec F., balloté par les remous du déménagement, le stress professionnel du papa, la reprise pro de la maman, et nos aventures mamie-au-pairesques, un constat s’impose doucement mais sûrement, à présent : 

"ça va mieux"
[disait l'autre…]

Moins de crises, des crises moins fortes et moins longues, moins d’opposition, plus de maturité, une meilleure maîtrise de lui-même, une curiosité revenue, et, surtout, plus de joie et d’enthousiasme.

Ce qui, bien entendu, n’est pas pour nous déplaire.

Les raisons de ce mieux sont multiples, mais incontestablement, au quotidien, un simple « jeu » contribue énormément, à la fois au mieux observé sur le long terme, et à l’ambiance / au comportement de F. dans l’immédiat.


Tous les jours, nous (Moi ; Monsieur Bout quand il est là ; notre mamie au pair adorée, G1, quand elle s’occupe de lui ; et nous n’hésitons pas inciter les visiteurs occasionnels, si le contexte s’y prête, à rentrer eux aussi dans ce jeu-là) passons de longues minutes, voire plus, à jouer à « attraper » avec F..

Cela semble dérisoire ?

Certainement.

Il s’agit néanmoins d’un jeu « d’attachement » évoqué par Aletha Solter dans le livre que j'avais tant apprécié, et dont la richesse, inlassablement expérimentée, ne cesse de nous impressionner.



Jouer à attraper, c’est

  • 1. Bien entendu, donner à un enfant l’occasion de se défouler physiquement (trèèès précieux, nous en conviendrons). 
Profitant du fait que nous habitons en maison (bye bye voisine du dessous. 15 mois après le déménagement, je chante toujours « libérée, délivrée » - elle aussi, peut-être…), nous pratiquons ce jeu aussi bien dedans qu’à l’extérieur
  • nous limitant au périmètre du salon  
  • ou nous poursuivant dans toute la maison (bonjour les escaliers),  
  • quelques minutes dans notre rue privée (très pratique quand il s’agit de mettre le nez dehors par mauvais temps, mais de réduire ce temps au minimum tout en maximisant la dépense physique associée),  
  • ou bien plus longtemps lors d’une sortie au parc. 

Un tel défouloir physique est très précieux, car une énergie qui ne sait comment s’employer a tendance à s’employer d’une manière…euh… un peu embêtante. Qui n’en a pas fait l’expérience douloureuse au cours de journées froides et humides ?

  • 2. Mettre en scène, de manière détournée, la complexité de notre relation affective
Je t’aime donc je veux t’attraper, tu me plais, tu es « intéressant », je souhaite être en contact avec toi, tu as peur, tu ne veux pas, puis tu te laisses apprivoiser / attraper… toi aussi tu m’aimes et tu veux m’attraper. 
Le contenu symbolique de ce jeu est énorme et trèèèès adapté à un petit garçon en forte insécurité affective : vouloir l’attraper, c’est lui dire « je t’aime » sous une forme qu’il comprend et accepte, qui s’impose à lui et passe outre tous ses mécanismes de défense. 
C’est lui permettre de nous dire ce même "je t’aime" d’une manière moins « dangereuse » pour lui, plus détournée. (ce qui, peu à peu, l’amène à nous le dire plus facilement, directement, à d’autres moments)


  • 3.S’offrir l’occasion d’un maximum de contacts physiques afin de favoriser le renforcement de l’attachement 
Attraper F. est propice à le prendre dans les bras goulûment, à le couvrir de bisous en vociférant « haha, je t’ai eu », à le porter éventuellement sur quelques mètres. Toutes expressions d’affection physique détournées qui, de ce fait, passent là encore outre les défenses de F. 

A ces contacts physiques j’ajoute aussi les contacts « visuels » : jouer à attraper constitue un merveilleux prétexte à câliner son enfant, mais aussi à le regarder dans les yeux : quand on s’arrête pour reprendre son souffle ou se lamenter d’avoir raté son enfant, on s’observe, on se jauge, on se sourit… encore une forme de contact pas évidente pour un enfant insécure affectivement, mais qui, justement, rapproche les parties en présence et solidifie l’attachement.


  • 4. Offrir à l’enfant des occasions de se sentir puissant
Une dimension à laquelle la lecture de L. Cohen avait déjà commencé à me sensibiliser, et que la lecture et la pratique d’Aletha Solter m’a permis d’encore approfondir. 
En 
    • A. Permettant à mon fils de choisir le jeu (comme dans le cas du temps particulier) 
    • B. Lui permettant de définir les règles du même jeu (là tu as le droit d’aller ! Pas là ! Ici c’est la maison, pas le droit de m’attraper ! Nan ça c’est interdit !) et 
    • C. Echouant bruyamment, et fréquemment, à l’attraper, 
je lui permets d’être en position de pouvoir. Cette inversion des rôles permet d’évacuer, de manière on ne peut plus inoffensive et positive, la pression et la frustration engendrées par la vie d’un petit garçon souvent soumis au pouvoir des autres en général et de sa tendre mère en particulier.

  • 5. Un jeu tout-terrain et compatible avec le regard des autres 
Où que nous soyons ou presque (oui, bon, ok : un musée de la porcelaine n’est peut-être pas l’endroit idéal), il y a moyen d’y avoir recours rapidement. Il rencontre généralement le regard indulgent de l’entourage. 
Et il est compatible avec la gestion d’autres enfants : ainsi, lors de sorties je poursuis souvent F. en tenant E. par la main (ce qui, bien entendu, me rend encore plus pataude). E. est ravie, elle aussi remplit son réservoir au passage, et c’est un moment où je me retrouve, dans les faits, à passer un moment en tête à tête simultanément avec mes 2 enfants. Le don d’ubiquité, réinventé pour vous Messieurs Dames !
A noter : d'"attraper", nous glissons à présent, régulièrement, vers des jeux de cache-cache. Le ratio temps consacré / remplissage de réservoir affectif est moins fort mais on y retrouve tout de même beaucoup d'aspects positifs et c'est une variante sympa tout plein.


  • 6. Un outil à la fois préventif et curatif
Nous y jouons tous les jours, pour remplir le réservoir de F. et le rassurer / décrisper par avance. C’est, par exemple, un jeu que je m’efforce d’amorcer le plus rapidement après avoir récupéré F. à la sortie de l’école. Une excellente manière de se reconnecter après la journée… et je vois la différence les jours où je néglige de le faire ! 
Mais nous y avons aussi recours en début de crise : quand la crise commence, que F. commence à accumuler les transgressions, se jeter sur lui en grognant « Aaaaah mais ce n’est plus possible çaaaaa, il va falloir que je t’attrape !! » constitue une manière très efficace de résoudre une situation avant qu’elle n’explose : nous assurons le respect de la limite tout en venant vite traiter la transgression à la racine. 
Très efficace, mais … cela nous demande, à nous, d’en reconnaître la nécessité assez tôt pour que 
1. F. soit encore accessible 
2. Nous soyons nous-mêmes encore assez maîtres de nous-mêmes pour être en mesure de rentrer dans un jeu plutôt que de rentrer dans un rapport de forces…

Par ailleurs, au quotidien, cela constitue une excellente variante pour mettre du fun dans l’exécution de telle ou telle directive pas fun : « C’est le moment d’aller se mettre en pyjama, je vais vous attraper dans l’escalieeeeer ! » et hop les deux réfractaires se retrouvent en chemin vers leurs pyjamas, avec un câlin en prime. Et moi, je ne me suis pas égosillée pour rien (ou si je l’ai fait auparavant, eh bien au moins c’est fini).

  • 7. Quelque chose qui agit sur le court terme comme sur le long terme 
Oui, F. aura tendance à mieux se comporter les jours où nous aurons pris garde de passer du temps à ce jeu, et inversement. Mais aussi, peu à peu, F. s’est mis à réclamer ce jeu de lui-même, ou à solliciter plus directement des marques d’affection. 
Ces marques d’affection qu’il goûte de manière indirecte dans les moments de jeu, il apprend peu à peu à reconnaître le besoin qu’il en a, et ose peu à peu l’exprimer directement, au lieu de passer par une transgression / une crise.
Peu à peu, il s'apaise...



Ah, Ah, Ah oui, vraiment, Cadet Rousselle est bon enfant quel outil précieux !!

Mon usage intensif de cette forme d’interaction a, par ailleurs, un effet incroyable : mon beau-frère ne s’est pas privé de s’exclamer bruyamment en me voyant courir… ce qui, il est vrai, n’arrive / n’arrivait jamais sinon.
J’hésite déjà à courir pour attraper un train, alors ….

Mais que ne ferait-on pas par amour ?


(ce serait cool si cela avait un effet sur la balance. 
Une 8ème raison? 
A vérifier. #monenfantmonentraîneursportif)


9 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce genre d'articles qui explique tout ce qui se trame derrière un simple jeu ! Il faut vraiment que je finisse ce livre d'Aletha Solter !

    (Pour la petite histoire, je l'ai recommandé la semaine dernière, après avoir oublié que je me l'étais déjà offert suite à un de tes articles... oups !)

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    1. HAHAHA ! (pardon mais je n'ai pu m'en empêcher…) Bon, au moins, te voilà avec de quoi faire un chouette cadeau à une copine dans le besoin !

      Et oui c'est fou. J'y réfléchissais en y jouant et plus le temps passait, plus je m'émerveillais !

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  2. Merci tout plein, je crois que j'avais juste besoin de cet article maintenant ! Et je vais commander le libre d'aletha soltner, cà ne nous fera pas de mal.
    (Il y a un petit paquet en souffance dans notre entrée....)
    Bises
    Servane

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    1. Ca n'a pas l'air d'aller comme sur des roulettes chez toi en ce moment… Alors je te fais un gros gros câlin et j'espère que tu trouveras dans ce jeu / ce bouquin, de quoi t'aider au moins un peu dans cette mauvaise passe.
      Je crois que tu te sentiras aussi concernée par l'un des prochains billets (oui, j'en ai d'avance ! merci les vacances dans la belle-famille), sur le temps "dédié" / moment à deux.
      Bref: de gros bisous d'une maman se battant dans la tourmente à une autre maman se battant dans la tourmente.

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  3. Ça c'est l'article qui me fallait ! Jessaie ça dès des demain !

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  4. Et hop encore un article très juste et en plus développé... même si... moi, j'ai les attraper,c'est surtout amusant ;) Dans le même ordre d'idée, beaucoup de choses se jouent avec le jeu du cache-cache.
    Bonne journée !

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  5. Excellent article. Je suis déjà fan du jeu et de l'approche d'Aletha Solter, Lawrence Cohen, Patty Wipfler et Catherine Dumonteil Kremer (voir leurs livres). Une précision utile, surtout avec les plus jeunes enfants (même ceux qui ne marchent pas encore: on peut les poursuivre à quatre pattes), c'est bien de les rater de peu et de "râler", en en rajoutant "Oh, non! Mais cette fois je vais y arriver", etc. Si l'enfant rit c'est très bon signe, on continue.

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