Suite du
billet initial sur la
Discipline positive de Jane Nelsen : certains points m'ont marquée, et je repars également avec de quoi venir encore enrichir ma boîte à outils quotidienne.
Un outil bien efficace : le temps de pause.
Au moment de mon
premier article sur la colère, nous avions discuté du fait que j'avais
besoin d'isoler F. parfois. Que très souvent, face à la colère que sa propre colère provoquait en moi, je vivais le
précepte "restez avec l'enfant", fréquemment lu dans le monde de l'éducation positive,
comme
totalement inapplicable.
Puis, les choses ont commencé à changer.
Un
article de blog orienté "éducation respectueuse" (encore un courant d'éducation ! Punaise être parent aujourd'hui c'est la jungle... mais même si ça peut nous perdre, quelle chance d'avoir autant de voies à disposition, pour façonner la nôtre) m'avait permis de commencer à évoluer sur ce point. Je m'en étais inspirée pour commencer à me construire une ligne de conduite claire. Cela m'a aidée à
vivre ces situations avec plus de distance, et permis ainsi de
limiter l'effet "contagion émotionnelle" qui rendait l'isolement de F. jusque là nécessaire, pour ne pas dire vital, dans un but similaire à une mise en quarantaine.
Nos ateliers F&M, rappelant le rôle du contact physique
pour permettre au cortex de l'enfant de reprendre contact avec son
cerveau reptilien et donc de réussir à gérer ses émotions, m'ont ensuite permis de poursuivre mon évolution sur ce sujet.
- Je n'avais pas été en mesure de le faire tant que je voyais cela en mode culpabilisant
(impression que m'avaient laissée mes premières lectures sur le sujet,
chez Fillliozat), en mode "il ne FAUT PAS laisser son enfant seul
quand il fait une colère, il ne sait pas gérer et reçoit juste le
message qu'il n'a pas le droit de se mettre en colère. C'est MAL." (eh oui mais moi
alors, je fais comment ???).
- Mais le considérer sous l'angle "il est
utile de l'accompagner car cela permet à son cerveau de se reconnecter
etc" m'a permis de le faire bien plus souvent, et bien plus sereinement. Orientée efficacité, la Gwen.
Le
temps de pause à la Jane Nelsen s'inscrit dans cette logique.
Face aux problèmes et situations de conflits, la priorité, chez elle, est de rechercher une solution ensemble, donc de rentrer dans une logique de
coopération profonde : les deux cherchent à résoudre le problème, ce
n'est pas l'adulte qui impose sa solution ou sa conséquence à l'enfant (je reviens de manière plus détaillée sur ce point dans quelques paragraphes, promis).
La condition sine qua non est alors de créer, d'abord, un climat favorable à cette coopération, et cela demande un travail
préalable, permis par le temps de pause.
Dans le cadre d'un temps de pause à la Jane Nelsen, il ne
s'agit pas d' "envoyer l'enfant se calmer / réfléchir à ce qu'il vient
de faire", mais de "
lui permettre de se sentir mieux pour pouvoir
accéder à sa capacité de raisonnement."
|
Le mot juste peut se révéler efficace, mais jamais aucun mot ne fut aussi efficace qu'une pause bien placée |
Il ne s'agit pas d'une punition, mais d'
un temps de reconnexion (on retrouve là ce que mentionnait la presse sur l'
éducation dispensée au Prince George : en cas de colère, on lui lit, semble-t-il, quelques pages d'un de ses livres préféré).
De ce fait, elle invite à discuter de ce temps de pause en amont de toute utilisation, "à froid" :
- évoquer la nécessité qu'on a de faire le nécessaire pour se sentir mieux quand ça ne va pas, et l'utilité d'avoir un endroit dédié pour s'y retirer et faire ce nécessaire,
- réfléchir ensemble à ce dont pourrait être constitués ces moments:
- lire quelques pages,
- écouter de la musique,
- prendre une douche,
- dessiner, ...
- impliquer l'enfant dans la création de l'espace dédié
Cela permet ensuite, à chaud, de présenter et vivre l'option "prendre un temps de pause" non pas comme une punition, mais comme une solution, ou un préalable à la solution :
Quand tu te sentiras mieux,
nous pourrons réfléchir à des solutions / de quoi as tu besoin pour te
sentir mieux ?
Es-tu capable d'en discuter tout de suite ou as-tu besoin d'un temps de pause d'abord ?
A noter, Jane Nelsen précise qu'avant 4 ans, il est préférable que le temps de pause ait lieu avec le parent, mais suggère de donner le choix à l'enfant :
préfères-tu y aller seul ou que je t'y accompagne ?
Cette manière de procéder me semble lumineuse, et c'est quelque chose que je souhaite vraiment mettre en place. Tout petit début, j'ai
commencé cette semaine en fabriquant avec F. une bouteille de retour au
calme.
Un autre aspect ô combien intéressant pour moi est l'application de ce temps de pause à l'adulte
Jane Nelsen suggère d'en faire usage (de manière claire, en communiquant sur ce qu'on fait : "je ne suis plus capable de parler normalement avec toi, j'ai besoin d'un temps de pause pour aller mieux"), avec une double utilité : recouvrer notre calme, et faire la démonstration de cet outil à l'enfant.
Avec 3 options
- la première est d'utiliser l'espace de retour au calme précédemment évoqué et construit; cela permet par ailleurs de renforcer l'effet enseignement "comment on gère quand on est en colère"
mais quand l'enfant, notamment au début (outil pas rodé) / quand il est jeune, ne laisse pas cette latitude, elle évoque 2 options supplémentaires
- quitter physiquement la zone de guerre; elle suggère d'utiliser la salle de bains, pièce à coup sûr équipée d'un verrou
- quand pour diverses raisons, l'option 2 n'est pas envisageable : quitter émotionnellement le conflit : s'emparer d'un livre
J'ai testé l'option 3 et j'en suis emballée : très efficace pour me permettre de recouvrer mon sang-froid, et effet calmant sur F., en prime !
Faire de la résolution de problème son pain quotidien
L'outil "temps de pause" sert à sortir des conflits, mais pas à les occulter / enterrer: en discipline positive, il est peu ou prou inséparable d'un deuxième outil, la résolution de problèmes.
Ce duo temps de pause / résolution de problèmes m'a vraiment impressionnée, et ce d'autant plus qu'il est très éloigné de mon mode de fonctionnement : en cas de problème, j'avais tendance à vouloir surfer absolument sur
la vague : je ne m'imaginais chercher une solution qu'à chaud, ce qui du coup, par
ricochet, impliquait que si je n'avais pas abordé le problème à chaud,
je n'y revenais plus vraiment à froid.
Jane Nelsen, tout au contraire, souligne
l'importance de
- choisir le bon moment :
- oui, il faut aller mettre le doigt sur le problème, poser la
question des solutions possibles... ce que je rechigne à faire :
- flemme -rho mais pourquoi s'embêter;
- peur de réchauffer les plats / relancer le drame
- peur de l'échec;
- mais seulement après qu'un temps de pause ait établi la base nécessaire à un dialogue constructif.
- A chaud il vaut
mieux baliser le terrain "il faudra que nous en reparlions ensemble
quand nous nous sentirons mieux" et se taire.
- en faire un sport quotidien : alors que l'exercice résolution de problèmes de F&M s'apparente davantage à de l'artillerie lourde pour
les grandes occasions, en discipline positive il s'agit d'en user à la moindre occasion.
En effet, la résolution de problèmes à la Jane Nelsen sert en fait un double objectif
- certes, il s'agit de chercher une solution au problème
- mais surtout, bien plus important, il s'agit de muscler la capacité de résolution de problèmes de l'enfant (et de l'adulte, hein, quand j'y pense...), sa capacité à se voir comme capable de contribuer à la solution, son sentiment de pouvoir peser sur sa vie et œuvrer efficacement à l’établissement d'un climat constructif dans lequel les besoins de chacun sont respectés.
Un truc de fous, non, quand on y pense ?!
Dans ma tête cela a représenté l'équivalent d'une petite révolution copernicienne.
Notamment quand elle évoque, ailleurs dans le bouquin, le fait que la gestion des tâches ménagères a été un souci récurrent dans sa famille, et a fait l'objet de moult séances de résolution de problèmes (par le biais des Temps d’Échange en Famille - un autre outil que je vous détaille encore plus bas - rha ce suspense !), et que globalement, elle avait pu constater qu'un "cycle" durait 3 semaines, à l'issue desquelles il fallait trouver de nouvelles solutions.
- Lire que c'est parfaitement normal, et même, que le peu de durabilité des solutions trouvées ne remet pas en cause la validité de la démarche, mais que cette faible durabilité est structurelle, fait partie de la vie
- Prendre conscience qu'au fond, peu importe que l'organisation soit changée régulièrement, l'objectif ultime est atteint : les enfants s'emparent du problème, s'en sentent responsables, expérimentent, discutent, cherchent des solutions; et les tâches ménagères sont gérées en famille, sous mille formats différents, certes, mais gérées en famille...
- Réaliser qu'en fait, ce que j'aurais appelé un échec n'en est pas un...
En conséquence de quoi, voyez-vous, en lisant Jane Nelsen je me suis sentie bien bête.
Peut-être avez-vous une vague idée du pourquoi ?
(question-piège ! Lisez-vous ce blog suffisamment scrupuleusement ? J'en vois qui dorment au fond !)
Et au premier gros raté, vlan, j'ai jeté le bébé avec l'eau du bain. (bon, entretemps, le problème s'est plus ou moins évaporé, il faudra peut-être que je vienne vous raconter cela, #messaged'espoir, tout ça ;-) )
Mais quelle occasion perduuuuuue !!!
Ceci dit, réaliser cela m'a bien reboostée, et du coup j'ai déjà pu me relancer dans l'aventure, en me penchant sur le fait qu'en ce moment, impossible de faire dormir les enfants ensemble
Tiens, c'est curieux, depuis
le début c'est par phases... ça aussi...
allez, hop, mettons nous ça dans le crâne :
diamonds are foreveeeeeer.
MAIS RIEN DE CE QUI CONCERNE NOS GOSSES ET LEURS COMPORTEMENTS NE L'EST, bon sang !
F. adore que sa sœur dorme avec lui, et le réclame régulièrement. Ainsi, lorsque récemment il l'a re-réclamé, j'ai répondu
"oh oui, tu as très envie de dormir avec E., mais cela pose des problèmes. Dès que nous pourrons nous discuterons ensemble pour trouver des solutions pour que vous puissiez dormir ensemble"
Réaction très intéressée de F. qui commençait déjà à énumérer des idées, mais nous étions en plein repas ou un contexte pas favorable du tout à mes yeux donc je me suis contentée de réitérer ma promesse d'une discussion.
Quelques jours se sont écoulés avant que je ne trouve le moment pour ladite discussion (eh oui, quand même, certes j'avais hâte, mais en même temps, malgré mon souhait de faire de cette résolution de problèmes un truc banal et normal, c'était encore un peu sacré dans ma tête....)
EDlle a eu lieu, nous avons pris le temps de discuter, je me suis attachée à bien aborder les différents aspects de la question, et poum, le soir venu, nous avons couchés le Bébou et la Bébounette ensemble.
Que les choses soient claires : il nous a fallu les séparer quelques moments de java plus tard.
Mais mon état d'esprit, ce faisant, était tout à fait différent !
J'ai pu me contenter de dire (et de penser, avec philosophie, sans énervement ni animosité ni "paf, puisque c'est comme ça") "ah, zut, la solution n'a pas marché, alors là je vais coucher E. ailleurs car elle a besoin de dormir, et nous rediscuterons pour trouver une autre solution qui marchera mieux"
F. n'a pas aimé et piqué une colère... mais beaucoup plus brève que lors d'autres tentatives ratées de les faire s'endormir ensemble.
J'ai pu, moi l'accompagner tranquillement en disant que je comprenais sa déception, et que nous retravaillerions sur le sujet, et en quelques minutes c'était réglé.
Et je suis d'attaque pour reprendre les négociations (on a eu du monde, des trucs, des machins, donc cela fait quelques jours que le sujet est en stand-by, mais tant mieux, cela m'a permis de trouver, moi, une idée à proposer).
D'attaque, motivée, machin, parce que peu importe le résultat final desdites négo, peu importent leur réussite et la durée de celle-ci, l'important, c'est que nous bossions la méthode: lui et moi, unis pour trouver une solution, nous attachant à exprimer nos besoins et à entendre ceux formulés par l'autre.
Aiguiser l'autonomie d'action et de réflexion de l'enfant par les questions de curiosité
Ces fameuses questions de curiosité peuvent servir dans différents contextes / différents objectifs
- aider l'enfant à explorer les conséquence de ses choix :
- "que penses-tu qu'il se passera alors ?" "qu'éprouvera untel ?" ...
- Je me suis du reste aperçue que j'avais eu tendance à utiliser cet outil sans le savoir quand F. annonce haut et fort qu'il va faire un truc très embêtant "je vais casser la lampe" : quand j'ai la présence d'esprit de me retenir de réagir au quart de tour avec un "eh non, tu sais bien que" ou autre "ça va pas la tête" et que je réponds d'un simple "qu'en penses-tu ?"... le cerveau de F. se met en marche et il se détourne la plupart du temps tout seul, en quelques instants, de son infâme projet.
- le remettre en
situation d'acteur et non juste d'exécutant : remplacer "va te coucher ?" par "à
quelle heure avons-nous dit que tu allais te coucher ?".
- contribuer à l'apprentissage : flemmarde jusqu'au bout, j'ai repris tels quels, et avec succès, les exemples suivants, mentionnés dans le bouquin :
- "est-ce que tu vois quelque
chose à faire de plus pour que la cuisine soit propre ?" ou
- "que se
passe-t-il si on tire là ?" quand on fait le lit (oh ben tiens, c'est marrant, le pli disparaît !)
- encourager l'auto-évaluation : face à un travail, demander à
l'enfant quel est le point qu'il estime le plus réussi : par exemple, si il devait
écrire des "g", quel est son "g" préféré ?
Investir dans du "temps dédié", carburant à haute efficacité
Sans surprise, Jane Nelsen conseille, pour nourrir les besoins de l'enfant, de passer du temps seul à seul avec lui. OK, là-dessus, elle n'a pas inventé l'eau tiède.
Mais elle fouille un peu plus le truc en faisant de ce qu'elle appelle le "temps dédié"
- un moment planifié, connu à l'avance, ritualisé
- un moment co-construit : quelles différentes choses pourrions-nous faire durant ce moment ? (avec liste, même)
- une référence utile à rappeler dans la journée : si l'enfant se montre en demande d'attention à un moment très inopportun, capitaliser sur le concept d'un petit clin d’œil "j'ai hâte qu'il soit 18h"
Là encore, il se trouve justement que depuis octobre nous avons mis en place un truc similaire suite à un chouette conseil d'une copine : le coucher de grand (pour aider F. à apprécier son positionnement vis-à-vis de son encombrante petit sœur) : la Bébounette est couchée puis F. a droit à un moment de jeu (calme) avec l'un des deux parents, avant l'histoire du coucher. Cela lui a fait beaucoup de bien !
Jane Nelsen invite à réserver un moment distinct du coucher pour le temps dédié (tout en soulignant qu'il est bon que le rituel du coucher inclue également un petit moment de ce genre), c'est un point sur lequel je prévois de me pencher.
Débriefing émotionnel au moment du coucher
Là encore, un conseil que j'avais déjà trouvé ailleurs, mais dont la présentation m'a particulièrement plu : instaurer un court partage, au moment du coucher, autour de deux points
- frustration / tristesse du jour (d'abord)
- meilleur moment de la journée (ensuite : alors que je faisais l'inverse les fois où je m'étais essayée à l'exercice auparavant)
Elle conseille que l'enfant commence puis le parent
Depuis le temps, que je tournais autour de ce concept, la précision du mode d'emploi fourni par Jane Nelsen m'a boostée, et je m'y suis enfin mise ces derniers jours.
Sans succès, F. ne rentrait pas dans le jeu.
Mais comme grâce à Jane Nelsen j'ai davantage conscience du temps nécessaire à l'apprentissage, je ne me suis pas décontenancée pour autant, et j'ai persévéré.
Et puis j'ai croisé cela avec un conseil glané je ne sais plus où (mais dans un contexte proche F&M), conseillant, si l'enfant ne raconte pas sa journée, de ne lui poser aucune question, mais de raconter la sienne : j'ai arrêté de lui poser la question, le soir, du moment le plus triste, le meilleur, et j'ai directement raconté les miens. 2ème ou 3ème soir de ce traitement: F. a enchaîné sur les siens...
Instaurer des temps d'échange en famille
Ces temps d'échange en famille doivent être réguliers (Jane Nelsen conseille d'en faire un rituel hebdomadaire), et se déroulent en 3 parties
- se complimenter / remercier les uns les autres, chacun devant trouver un truc à dire chaque membre de la famille... ça aussi, c'est un apprentissage à faire !
- discuter
des problèmes
- cela permet donc de le faire à froid, de différer tout en
ayant l'assurance que ce sera traité : dans le cas d'un conflit, on a donc la ressource de proposer "veux-tu noter ça dans l'ordre du jour de notre prochain TEF?"
- trouver des solutions; par consensus et négociation, non par vote !
- petit plus franchement pas anodin : il s'agit également d'un moment privilégié pour assurer le suivi des
décisions prises, il permet ajustements, rappels, etc.
- planifier des chouettes moments en famille : Jane Nelsen invite à trouver ensemble une activité, ainsi que le créneau correspondant, pour passer un bon moment en famille la semaine qui vient. J'ai trouvé cela doublement superbe, à la fois parce que ça permet d'ancrer le temps agréable dans la quotidien, et parce que je me dis que niveau marketing, y a pas mieux pour rendre le TEF attirant ;-)
Jane Nelsen précise qu'à ses yeux, à partir de 4 ans un enfant est en mesure de participer pleinement à ces TEF, et que des enfants un peu plus jeunes peuvent déjà être associés à l'une ou l'autre partie.
Du coup, me voici un peu frustrée, car j'aimerais bien introduire cela chez nous. F. n'est plus très loin des 4 ans ... mais
l'autre réflexion que je me fais est que j'ai plus de mal à m'imaginer cet outil dans un
triangle 1 enfant 2 parents, ce qui impliquerait d'attendre au moins 2 ans qu' E. puisse
s'y mettre. Mais j'ai hâte, JAMAIS je ne pourrai attendre aussi longtemps, donc je vais méditer tout cela...
Bref, comme vous me le voyez, il y a
du pain sur la planche pour intégrer tout ceci dans la boîte à outils de la Gwen. Je vais devenir super musclée à force d'en trimballer une aussi pleine !