Comment développer chez notre enfant la confiance en notre amour ET à la fois diminuer les sources de conflit ?
L’approche proposée en parentalité positive, et notamment par Faber et Mazlish, offre de nombreuses voies pour cela. Mais voici longtemps déjà que je voulais revenir vous parler plus longuement d’un outil découvert avec ma première lecture de La Discipline positive de Jane Nelsen, et également retrouvé dans le Qui veut jouer avec moi de L. Cohen (billets à retrouver ici) ainsi que chez Aletha Solter.
Il s’agit du « moment particulier » / « temps dédié » : passer chaque jour quelques minutes entièrement consacrées à son enfant.
Impossible ?
ou au contraire
Ca n’a pas inventé l’eau tiède ?
1. Un temps court mais quotidien
C’est du plus pur Flylady : pas de perfectionnisme, mais un petit pas fait chaque jour, un petit investissement réaliste dans la relation et la connexion à son enfant.
Cette brièveté est gage de durabilité (cf. l’expérience de Coralie et de ses 6 minutes) et de régularité ; c’est en effet
- beaucoup mieux adapté à la réalité de notre vie d’adulte et de parent surchargée,
- beaucoup mieux adapté à la psychologie / notion du temps chez un jeune enfant. Celui-ci vivant beaucoup dans l’instant, de petits moments à intervalles rapprochés remplissent bien mieux son réservoir d’amour qu’un long moment de temps en temps. Un peu comme on nourrit fréquemment un bébé, plutôt que de le laisser attendre d’énormes repas que son estomac ne saurait encore absorber… (bon, ok, sauf quand il décide de se mettre à 3 tétées ^^)
Parfois, évidemment, ça dure plus. Mais ne pas m'obliger à plus, rester concentrée sur ce simple objectif de 10 minutes, me permet de l'insérer au quotidien, et de le tenir dans la durée.
2. Planifié, connu à l’avance, ritualisé
Ca aussi c’est du Flylady (eh oui, encore une fois, les parallèles entre Flylady et parentalité positive sont nombreux !) : une fois un créneau choisi, on rentre dans une routine et il est beaucoup plus facile de s’y tenir.
Et l’enfant a son repère, il est sécurisé dans le fait que cela va avoir lieu.
Cette sécurité a plusieurs effets collatéraux trèèès intéressants : le premier est que cela rend plus facile le fait de s’arrêter.
Il est en effet difficile pour un enfant d’accepter d’interrompre un moment agréable, et la frustration ressentie à ce moment peut être à la source de crises. C’est d’ailleurs la crainte de beaucoup de parents quand, en ateliers Faber et Mazlish par exemple, j’évoque la mise en place de batailles d’oreillers / câlins / chatouilles, quotidiennes le soir : jamais ils ne voudront s’arrêter !
A l’usage, le constat est cependant qu’au bout de quelques jours, il devient nettement plus facile de terminer ces moments : l’enfant a intégré que ce moment avait une fin… mais qu’il reprendrait aussi très prochainement ! Il n’a donc plus de besoin de prolonger pour faire du stock en vue d’une période de disette, puisqu’il sait qu’il pourra se rebrancher à la même source dès le lendemain.
3. Marketé
Point très important et 2ème effet de la ritualisation.
Il ne s’agit pas seulement de respecter un tel moment « discrètement » mais d’en parler. Vive le marketing, sous toutes ses formes ! Ainsi il peut être très utile de dire à son enfant qu’on veut le mettre en place ; et dans tous les cas, d’y faire référence : « lors de notre moment à 2, nous… » ; à utiliser lorsque l’enfant
- demande notre attention de manière intempestive : interrompre son geste et le regarder dans les yeux avec un clin d'œil :
« j’ai hâte que ce soit l’heure de notre moment à deux, toi aussi ? » ;
- nous sollicite pour une activité dont nous n’avons pas très envie (à ce moment) ;
- ou a du mal, justement, à accepter la fin d’un moment à 2.
« Oui c’est dur. Vivement demain notre prochain moment rien qu’à nous ! / Heureusement que nous aurons un nouveau moment à 2 dès demain ! ».
Bref, ce moment prend 10 minutes de nos 24h, mais par ce moyen il peut être présent en filigrane tout au long de la journée. Il s’agit d’un produit à diffusion différée !
4. Dédié au remplissage du réservoir affectif
C’est un moment dédié à l’enfant, à faire ce qu’il aime, c’est lui qui dicte les règles, et le plus souvent possible c’est lui qui gagne.
Peu importent les conflits, on les met à la porte, on se reconnecte. Il s’agit d’une bulle, au cours de laquelle on peut volontiers autoriser des choses un peu différentes et/ou aller piocher dans les jeux proposés par L. Cohen (les batailles, les jeux-qui-nous-gênent, les entraînements à gérer les problèmes, les jeux-aux-règles-iniques-imposées-à-l’adulte…) ou ceux présentés par A. Solter.
Du coup, on maximise. En ce qui me concerne, je m'efforce sciemment de multiplier les contacts physiques avec F. pendant ce temps : une petite caresse sur la joue, une main dans les cheveux, me coller à lui pour lire une histoire, le prendre sur mes genoux pour construire ensemble un machin, m'interrompre deux secondes pour le regarder dans les yeux, tout est bon, tout y passe !
Dans une vie où on est toujours trop pressé, je profite de ces 10 minutes pour ralentir, et me rendre présente à mon enfant par tous les canaux possibles.
Du coup, on maximise. En ce qui me concerne, je m'efforce sciemment de multiplier les contacts physiques avec F. pendant ce temps : une petite caresse sur la joue, une main dans les cheveux, me coller à lui pour lire une histoire, le prendre sur mes genoux pour construire ensemble un machin, m'interrompre deux secondes pour le regarder dans les yeux, tout est bon, tout y passe !
Dans une vie où on est toujours trop pressé, je profite de ces 10 minutes pour ralentir, et me rendre présente à mon enfant par tous les canaux possibles.
Ne surtout pas hésiter à souligner ce caractère réservé en mettant très ostensiblement son téléphone en mode silencieux et en le disant "J'éteins car c'est notre moment, personne ne doit nous déranger", ou si nous ne l'avons pas fait, à décrocher en disant "Oui ? Quand puis-je te rappeler car là c'est mon moment avec mon enfant donc je ne suis pas disponible".
Que de fois les enfants sont confrontés à notre manque de disponibilité ! Il est très bon pour eux de constater de manière indubitable qu'ils sont assez précieux pour que nous nous rendions indisponible pour les autres, pour eux.
5. Inconditionnel
Oui, on met les conflits à la porte, ce qui signifie que ce moment a lieu quel qu’ait été le comportement de l’enfant. Surtout pas de « Tu n’as pas été sage donc pas de moment particulier ». (même si on en a très envie...)
La seule chose qu’il m’arrive de faire est de souligner, si F a été paaarticulièrement long à se mettre en pyjama, que nous avons moins de temps à nous.
Et encore, je ne le faisais pas au début et encore maintenant c’est vraiment rare que j’invoque cela / uniquement si je suis vraiment épuisée. N’oublions pas qu’ « un enfant qui se comporte mal est un enfant qui se sent mal » : ces moments sont d’autant plus précieux que le comportement de l’enfant est suboptimal, puisqu’ils vont remplir le réservoir d’amour qui permettra à l’enfant de mieux se comporter !
Les supprimer parce que l’enfant se comporte mal serait donc totalement contre-productif. (on retrouve ici la notion d’amour-carburant, et non amour-récompense, développée également par Isabelle Filliozat).
En revanche, si vraiment on sort d'un gros conflit, il m'est arrivé de dire :
Et encore, je ne le faisais pas au début et encore maintenant c’est vraiment rare que j’invoque cela / uniquement si je suis vraiment épuisée. N’oublions pas qu’ « un enfant qui se comporte mal est un enfant qui se sent mal » : ces moments sont d’autant plus précieux que le comportement de l’enfant est suboptimal, puisqu’ils vont remplir le réservoir d’amour qui permettra à l’enfant de mieux se comporter !
Les supprimer parce que l’enfant se comporte mal serait donc totalement contre-productif. (on retrouve ici la notion d’amour-carburant, et non amour-récompense, développée également par Isabelle Filliozat).
En revanche, si vraiment on sort d'un gros conflit, il m'est arrivé de dire :
"Ouh, c'est l'heure de notre moment à nous, je suis encore toute énervée de tout à l'heure et en même temps j'ai très envie de pouvoir te retrouver. Je prends 3 minutes de pause pour aller mieux et je te retrouve, tu prépares déjà de quoi jouer ?"
Histoire de respecter mon besoin d'une transition et de nous offrir une capacité à être dans de bonnes conditions pour cela.
Une fois cette présentation générique faite, voici quelques éléments complémentaires tirés de mon expérience et de celle de mon entourage (amis, participants aux ateliers) afin d’optimiser tout cela.
A. Que faire pendant ce moment ?
Comme dit, il s’agit de remplir au maximum le réservoir d’amour de l’enfant. Donc en priorité, on va d’abord aller vers des activités qui plaisent à l’enfant, et on va lui laisser le choix.
A. Que faire pendant ce moment ?
Comme dit, il s’agit de remplir au maximum le réservoir d’amour de l’enfant. Donc en priorité, on va d’abord aller vers des activités qui plaisent à l’enfant, et on va lui laisser le choix.
Ceci dit, j’ai bien constaté l’intérêt de faire un peu attention à nous : certaines activités peuvent être compliquées à mettre en place / prendre trop de temps. Je m’autorise alors à les différer :
« Ah tu aimerais beaucoup faire ceci, et ce serait intéressant. Le problème c’est qu’aujourd’hui nous avons peu de temps à notre disposition. Que dirais-tu de prévoir cela pour notre temps à nous de ce weekend ? ».
Si en plus je note cela dans la partie agenda de mon Bullet Journal, sous les yeux de F., j’encaisse un max de points !
D’autres activités peuvent nous plaire plus ou moins : d’expérience, il peut être bon alors de respecter un certain équilibre, trouver un juste milieu entre faire les choses que l’enfant aime, et aimer faire ce qu’on fait avec lui. Dans les premiers temps, il vaut mieux privilégier absolument les activités appréciées par notre enfant.
Puis ensuite, faire des suggestions, orienter, pour que dans le tas, il y ait aussi des activités que nous apprécions vraiment, nous. C’est, chez moi, le cas des jeux de construction.
- Partager une activité que les deux aiment vraiment rend la connexion particulièrement forte.
- Faire l’effort de rejoindre l’enfant sur son terrain aussi, mais c’est plus fatigant.
Mixer les deux permet par ailleurs, peu à peu, de prendre plus de plaisir, aussi, à des activités qui au départ nous plaisaient moins. (par exemple, je commence à être un peu moins nulle en jeux « d’imitation » style Playmobils. Et à prendre pas mal de plaisir aux moments que F. et moi passons à dessiner, selon ses règles à lui : il choisit ce que nous dessinons, et je copie ce qu’il fait : une maison, hop, une maison sur ma feuille. Une fenêtre dans la maison à tel endroit, hop, je fais pareil. Un volet à droite ? OK, chez moi aussi.)
Après moult maisons : château-fort ! |
B. Où positionner ce moment ?
Comme dit, il est bon de le ritualiser autant que possible ; mais cela n’empêche pas certaines évolutions / adaptations / explorations. Ainsi, j’ai pu tester différents créneaux, qui, tous, ont leurs avantages
- le matin en première instance, avant de réveiller E. : du temps où j'avais les deux à la maison pour cause d'IEF, cela permettait d’être tout à F., et de commencer la journée sur une note positive. Trèèès utile quand l’ambiance est au conflit et que la journée risque d’être dure : au moins, on a commencé en mode positif, quand on avait encore l’énergie pour le faire.
- le soir à 18h, très utile de passer ainsi à « l’offensive affective » à une heure où nos enfants sont souvent difficiles à canaliser ;
- en début d’après-midi avant d’entamer le temps calme : aide au calme de ce temps en effet. Il est en effet plus facile pour l’enfant de laisser l’espace au parent pour se reposer une fois que son réservoir est rempli ;
- juste avant de se coucher : même observation que précédemment. Le conseil de Jane Nelsen est, du reste, d’avoir un tel temps avant le coucher mais de mettre en place un moment spécifique à un autre moment de la journée… mais le mieux peut être l’ennemi du bien. En ce moment je me contente de ce moment placé dans le rituel du coucher et je n’ai pas à m’en plaindre, bien au contraire.
Dans tous les cas : il pourra être bon d'analyser régulièrement les besoins et opportunités du moment. Chez nous, le moment s'est baladé, et il se baladera encore !
C. Comment l’organiser quand on a plusieurs enfants ?
Dur dur, hein, de se consacrer à UN enfant quand les autres viennent nous solliciter, en profitent pour faire des crises et / ou démonter la moitié de la maison…
C’est là où il est particulièrement important d’en discuter avec ses enfants au préalable. Ils seront très sensibles à un discours en mode « J’aimerais passer chaque jour un peu de temps avec chacun d’entre vous » suivi d’une résolution de problèmes du style
« Comment pouvons-nous nous organiser pour que chacun y ait droit ? Quelles idées avons-nous de ce que pourrait faire l’autre enfant pendant que je suis avec son frère / sa sœur ? ».
Chez une des familles que j’ai eue en ateliers, ils ont ainsi, à la suite d’une telle discussion, mis en place une corbeille d’activités dédiées à ces moments-là. Les enfants ont alors généralement d’autant plus à cœur de respecter le moment de leur frère ou sœur qu’ils savent que le leur va venir. Ils sont conscients qu’il est nécessaire que chacun joue le jeu pour que ça fonctionne.
J’en discutais également avec une amie dont le dernier (3 ans) était trop jeune pour coopérer de cette façon : à mes yeux, c’est bien un des cas où je trouve que l’usage de la télé ou équivalent se justifie tout à fait !
- Si 10 minutes de télé par jour sont le seul moyen pour permettre à ces moments-là de bien se dérouler, en donnant à chaque membre de la fratrie l’espace nécessaire pour être avec son parent sans être dérangé : VOUI !
- Et du temps où nous étions à Strasbourg, c’était typiquement un moment où j’avais recours au parc : pendant 10-15 minutes, mon E. parquée s’y intéressait aux jouets que je réservais à cette occasion, bien en sécurité, et moi, je pouvais me consacrer à F.
Le bénéfice tiré de tels moments vaut laaaargement quelques aménagements dans la routine / les principes 😉
D. Comment tenir dans la durée ?
C’est vraiment le nœud du problème, même si, hein, décomplexons-nous. Là encore, c’est comme pour Flylady : parfois on perd le fil. Ben c’est pas grave, il est toujours temps de remonter en selle !
Néanmoins, à l’usage, pour tenir dans la durée, ou s’y remettre, encore une fois il s’agit avant tout de rester modeste, et de ne pas faire trop compliqué.
Ne pas faire trop compliqué, typiquement, c’est ce qui m’a fait défaut la première fois que j’ai mis en place ces moments, à l’époque strasbourgeoise : F. était à fond sur la cuisine, alors quasiment tous les jours, hop, c’était pâtisserie ensemble. Même si je choisissais des recettes rapides (cookies, notamment), eh bien c’est tout de même assez lourd à la longue (et je ne vous parle pas de l’effet sur les hanches…). J’ai tardé à oser mettre / respecter ma limite, et… paf, tombé.
Pour faciliter les choses, et éviter les dérives, l’usage d’un minuteur pourra être utile avec certains enfants (ou parents) : « Regarde, nous avons ce temps-là pour nous, ensuite ce sera le moment de…. ».
Cela fait maintenant de longues semaines que, sauf exception, je me tiens à ce moment avec F.
Et il est incontestable que les efforts faits pour (re)mettre en place ce rituel et m’y tenir ont puissamment contribué à l’amélioration évidente (remarquée de manière unanime y compris par les voisins) que nous constatons en ce moment chez F.
- Prévisibilité,
- sentiment de pouvoir dans la détermination de l’activité et des règles qui la régissent,
- attention totalement dédiée,
autant d’éléments qui donnent à F. cette sécurité affective qui lui fait défaut.
De la même manière que jouer à attraper, voir ainsi ses besoins comblés de manière systématique et régulière l’apaise et lui apprend peu à peu à exprimer ses besoins d’une manière acceptable (et non par une crise ou une transgression ou les deux bien entendu), voire à accepter d’en différer la satisfaction.
Les effets bénéfiques se voient à de nombreux niveaux, que ce soit dans
- son niveau de coopération,
- sa propension à venir nous câliner,
- son entrain et sa propension à rigoler,
- son autonomie (pas besoin d’accaparer mon temps pour se faire habiller par maman, par exemple, puisqu’il sait avoir droit à mieux !),
- son usage des gros mots (fortement réduit, et on retrouve ce que j’écrivais dans le billet sur le sujet !)
- ses relations avec sa sœur (quand son propre réservoir est plein de manière régulière, l'enfant n'a pas la même rancœur vis-à-vis de ceux qui accaparent du temps qui devrait, à leurs yeux, être consacré au remplissage de leur réservoir à eux)
- ou encore, bien appréciable, sa capacité à passer des moments seul en s’occupant paisiblement. Genre, le weekend, se lever et ranger ses Jeujura tranquillement pendant que nous DORMONS.
F. fait souvent référence à ce moment, celui-ci est ancré dans son quotidien et, cerise sur le gâteau, il contribue également au calme des couchers qui suivent. Tout serein (et épuisé par l’école – mais d’expérience je sais bien que l’épuisement seul ne suffit pas à garantir un coucher paisible, bien au contraire parfois – mais sur ce point, j’ai un billet sur le feu pour vous !^^), F. s’endort en l’espace de quelques minutes la plupart du temps.
Ce qui, je l’avoue, m’aide bien à me motiver à ne pas zapper cette étape, puisque je sais qu’ensuite, dans 95% des cas, j’aurai le reste de la soirée pour moi. (enfin, en ce qui concerne F. ; E ; fonctionne encore différemment …)