Dans la vie des enfants et de leurs parents, il y a certains seuils qui nous marquent particulièrement.
Ce sont des seuils pour les enfants, mais aussi et surtout pour les parents : dans le sens que, comme me l'avait dit une bonne copine lorsque F. franchissait le deuxième :
"Quand ils passent cette étape, whouhou, c'est la fête, t'as vraiment l'impression d'un bond en avant, qu'un truc est FAIT, ouf."
Parmi ces acquisitions qui se font à un âge variable et avec plus ou moins de facilités et d'angoisses, je vois
et
Il y a un avant,
il y a un après,
et au milieu, il y a un chemin.
Qu'on ait scolarisé son enfant ou qu'on l'instruise soi-même, on suit toujours un peu de près l'apprentissage de la lecture. Il porte tellement à conséquences ! Savoir lire, savoir bien lire, aimer lire… cela conditionne tant de choses.
Ici, je me retrouve avec 2 enfants en plein milieu, en simultané, puisque ça a été le gros sujet pour F. (6 ans depuis peu) ainsi que pour E. (4 ans depuis peu aussi), depuis un bout de temps, certes, mais aussi de manière très intense depuis ce printemps.
depuis un bout de temps, puisque c'est un apprentissage qui se prépare bien avant de fourrer une lettre sous le nez de son bambin : langage, repérage dans l'espace, phonologie,...
puis on arrive à l'étape où on va introduire les lettres
et ensuite à l'étape de la combinatoire : quand l'enfant comprend que "mmmm" + "a" ça fait "ma"... GRAAAAND MOMENT !!! Et la lecture / composition des premiers mots phonétiques constitue le premier pas vers la lecture proprement dite.
Comme ce sujet suscite toujours beaucoup d'interrogations sur les meilleures manières d'accompagner cet apprentissage afin qu'il soit solide et donne à l'enfant les bases dont il aura besoin pour la suite de sa vie de lecteur, je prends aujourd'hui le temps d'un retour structuré sur les supports que j'ai pu tester avec mes deux enfants, et dont j'ai pu apprécier leur capacité, justement, à supporter efficacement cet apprentissage.
Deux précisions
je me limite volontairement aux activités vraiment spécifiques à la lecture. Pour toutes les activités dites "préparatoires", il en existe d'innombrables, et vous trouverez de l'inspiration
ici
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Donc, à quoi peut on avoir recours une fois que l'enfant manifeste un intérêt pour ces espères de hiéroglyphes qu'on trouve partout et qu'on nomme des lettres ?
(dans l'ordre chronologique où cela a été utilisé chez nous)
1. Les lettres rugueuses
Ce support Montessori est extrêmement efficace pour
permettre à l'enfant de relier le son à la lettre. J'avais détaillé les avantages du coffret choisi :
le coffret Montessori des lettres rugueuses de Balthazar, dans un
billet spécifique et, vraiment, après plus de
2 ans d'utilisation avec 2 enfants aux profils différents, je suis toujours ravie de mon choix et je n'imaginerais pas introduire autrement les lettres.
Les lettres rugueuses permettent de cumuler ouïe, toucher, tracé, visuel dans l'apprentissage, et les petites cartes associées offrent mille possibilités de répéter et répéter l'apprentissage par une multitude d'activités, sans lassitude. (et le tout se combine aussi très bien avec les objets du quotidien, des duplos, des playmobils, etc)
Elle se sont trouvées très adaptées aussi bien aux besoins de mon fils à 3-4 ans, qu'à ceux de ma fille à même pas 3 ans. (et des activités de ce genre ont été testées par ma belle-sœur en soutien scolaire d'une demoiselle allophone de 8 ans).
Je renforcerais encore l'importance de les choisir suffisamment épaisses et suffisamment grandes, ce que ne respectent pas tous les coffrets vendus dans le commerce. Donc : vigilance !
2. L'alphabet mobile
Ce jeu de lettres, chaque lettre étant individuelle, de grande taille, a constitué la 2ème étape dans l'apprentissage en pavant le chemin vers la combinatoire. L'enfant peut apprendre à composer des mots sans être bloqué par sa capacité (ou non) à former les lettres.
Nous avions acheté
le nôtre, en bois, sur Au Bois Des Lettres, et c'est un très bel objet que mes enfants ont eu plaisir à manipuler. Il n'est pas gratuit… Même si je n'ai pas regretté une seconde cet investissement, je tiens à souligner qu'il n'est pas indispensable de tuer son banquier :
l'alphabet mobile gagne en sexytude sur un support bois, mais remplit son office aussi sur un support plastique / papier plastifié.
3. La série rose Montessori
A utiliser en lien avec l'alphabet mobile : ces séries de petites images et de petits mots phonétiques à la difficulté croissante permettent à l'enfant de progresser peu à peu en combinatoire. Il va composer "sac" "lac" "vis"... puis plus tard "parasol" "lavabo" etc. On trouve images et petits mots sur internet.
Je précise qu'après cette série rose il existe des séries bleues et vertes, plus complexes, mais … je n'y ai jamais touché, nous avons fait autrement.
4. La méthode Boscher
En soutien de l'acquisition de la combinatoire, j'ai utilisé le très vieux
manuel de la méthode Boscher, un pilier de la méthode syllabique.
Son côté ultra systématique a en effet été très utile pour aider F. à ancrer les apprentissages. Pendant un temps, nous en faisions un peu chaque soir et cela a vraiment été très utile, permettant de varier avec ce qu'il faisait en salle de classe (que ce soit en école à la maison l'an dernier, ou à l'école Montessori cette année).
J'ai apprécié
la double lecture en cursif et script, permettant à un enfant de l'âge de F. de répéter les choses (et donc, d'ancrer),
la douceur des dessins.
Le fait qu'il y avait des maths en bas de chaque page convenait également bien pour lui qui a toujours adoré ça, il adorait arriver à ce bas de page.
En bémol :
les mots présentés sont parfois vraiment périmés : "capeline"... On peut souhaiter des mots qui "parlent" plus aux enfants.
Idem concernant les phrases : il y a du vieux jeu, avec papa qui tape toto ...
Ce manuel, si il a plutôt bien convenu à F. pendant un bon bout de temps, a très peu servi à E., beaucoup plus rapide, et qui a très vite dépassé ce stade. Elle était déjà tellement axée sur le sens de ce qu'elle lisait que la lecture de deux lignes de syllabes avant d'en arriver à de vrais mots l'a intéressée pendant une semaine à peine avant de la frustrer plus qu'autre chose… et très vite, la lecture de simples mots sans lien entre eux à eu le même effet : j'ai jeté l'éponge quand j'ai réalisé qu'elle cherchait à lier chacun de ces mots entre eux pour que "ça veuille dire quelque chose". Elle ne vivait que pour la toute petite phrase entière qui terminait la leçon !
Ce qui m'a amenée à basculer, pour les deux, sur le support numéro 6.
Mais avant d'en arriver là, nous avions commenté à utiliser, en parallèle, un support moins académique
5. Les BD des Schtroumpfs !
Je suis une grande fan des Schtroumpfs et ceux-ci ont fait l'objet d'un certain nombre de cadeaux de fête des mères de la part de Monsieur Bout si bien que nous en possédons la majorité des albums. Or les enfants les ont découverts ce printemps et depuis nous les lisons en boucle.
Ignoble et sournoise comme à mon habitude, j'ai exploité ce grand intérêt pour, d'abord, développer la lecture des mots phonétiques : très vite, les enfants ont été investis de la mission de lire eux mêmes toutes les onomatopées.
D'abord celles vraiment phonétiques le "PAF" de toutes les fois où le Schtroumpf à Lunettes s'en prend une, notamment, ou les TOC TOC à la porte du Grand Schtroumpf, ...etc.
Plus tard le PLOUF est venu, en temps utile, aider à ancrer que O + U = OU, de la même manière que, plus tard encore, j'ai délégué la lecture des "NON".
A noter qu'aujourd'hui, après le passage par le support numéro 6, les Schtroumpfs continuent à intervenir, par le biais d'une lecture à deux voix (ou plutôt, 3) : je fais lire certaines bulles courtes, et je lis les autres. Plus ça va, plus la part lue par eux grossit. Huhuhu.
6. Les livres de la collection Mes premières lectures Montessori
Cette collection toute récente, que l'ont doit notamment à des mamans IEF, est fichtrement bien faite. Très progressive, elle se décompose en petits livres de différents niveaux :
le
premier niveau contient des mots uniquement phonétiques, puis des e muets (les lettres muettes étant grisées),
le
deuxième niveau centre chaque livret sur une difficulté particulière, que ce soit l'introduction d'une syllabe plus complexe (par exemple "ett"), ou de premiers mots outils (les, des, et, c'est, etc); syllabes complexes mises en valeur en rouge, et premiers mots outils surlignés en jaune.
Chaque livre du troisième niveau est consacré à un graphème, et un seul : on aura un
livre avec des tas de "on", un livre avec plein de mots en "an", etc (graphème mis en valeur en vert).
-
Ces livres ont l'avantage de reprendre la progression Montessori type, d'une manière très alléchante pour l'enfant et très bien structurée. Les histoires sont plutôt de bonne qualité, le vocabulaire de bon niveau, et les dessins clairs viennent soutenir l'apprentissage.
Ils font partie des rares de ce type à être en écriture cursive, ce que j'apprécie vraiment. En effet vous aurez remarqué que, en ce qui me concerne, je suis restée fidèle aux conseils soulignant l'intérêt de commencer par introduire le cursif avant le script.
J'en ai vu, du reste, un des nombreux avantages avec E. ces derniers mois : là où son cerveau de même pas 4 ans voyait encore en symétrique et donc confondait encore b d p et q scripts il y a quelques mois, elle ne rencontrait pas ses difficultés (ou plutôt, en minoré, avec le q et le d parfois) en cursive et donc a pu avancer sans être bloquée par cela. Je remarque depuis quelques jours qu'elle a à présent suffisamment progressé pour se mettre tout naturellement à lire en script sans plus buter sur cette difficulté qui était pourtant systématique il y a 2 mois à peine.
Remarque : J'ai eu l'occasion de tester une autre collection similaire, mon beau-frère ayant offert à E.
ce coffret. J'ai trouvé celui-ci chouette aussi.
Je n'ai pas testé tous leurs niveaux donc j'ai du mal à faire une comparaison étayée mais avec ce niveau 3+ je remarque déjà une chose : j'ai moins de texte, par double page, qu'avec l'autre collection. Et ce à un niveau où l'enfant est déjà capable de lire davantage.
Or c'est une des subtilités très intelligentes des "premières lectures Montessori" : là où chaque page de niveau 1 contient entre 2 et 4 lignes de texte, la quantité de texte augmente avec le niveau… et la fluidité de lecture du jeune lecteur. J'en remarque la pertinence avec E. qui, au stade où elle en est, ne se contente plus, depuis longtemps, de la page que je lisais avec elle chaque soir. Elle est passée à 2, puis 3, et maintenant c'est minimum un demi bouquin par soir que nous engloutissons. Alors du coup je trouve "les premières lectures Montessori" plus rentables … ;-)
Par ailleurs cette collection étant plus récente elle est pour le moment moins complète que l'autre qui contient déjà une vingtaine d'ouvrages… et doit elle même encore être complétée (il en sort plusieurs nouveaux livres par an).
Mais bon ça me va bien d'avoir les deux car certains des sons contenus dans ce 3+ (le ph, le oi, le eau) n'ont pas encore été couverts par ma collection de base.
Deuxième remarque : ma "méthode" pour gagner en fluidité de lecture pour l'un comme pour l'autre enfant a été d'introduire la lecture d'une page de ces petits livres dans le rituel du coucher. Moment facile à tenir
pour un enfant scolarisé (F.) Car j'ai fini par constater qu'il n'avait pas à l'école la stimulation dont il avait besoin sur ce plan-là, et donc j'ai admis qu'il fallait que je reprenne les choses en mains… mais je vous en reparlerai dans un futur billet intitulé "le mythe de l'école parfaite"
pour un enfant officiellement en IEF mais géré par une mère complètement débordée (E.)
cette page quotidienne a vraiment porté ses fruits !
En bonus : j'ai commencé à filmer les enfants avec mon smartphone, au départ pour envoyer cela à Monsieur Bout, à notre G1, à ma mère, voire en prévision de cet article… et je me suis aperçue qu'ils adoraient être filmés en train de lire, et pouvoir regarder la vidéo ensuite. J'ai systématisé le truc sans vergogne puisque
Ah, ce que la technologie ne permet pas…
Alors justement la technologie refuse de me permettre de rajouter quelques vidéos de démonstration dans le corps du billet donc je les ajouterai en commentaire sur le partage FB. Na.
En tous cas ces livres se sont révélés ultra précieux pour vraiment ancrer et fluidifier. Je suis raaaavie de les avoir à disposition, et un certain nombre d'entre eux vont nous accompagner en vacances. (c'est l'avantage, hein, ils ne sont pas bien encombrants…)
C'est le pendant des lettres rugueuses, il permet d'introduire les sons complexes (A + N qui dont AN, etc) et je l'ai utilisé en complément des premières lectures Montessori de niveau 3. Même si, je l'avoue, de manière moins systématique / académique que les lettres rugueuses.
En effet
E. a vite montré qu'elle souhaitait avancer plus vite : du coup, hop, leçon en 3 temps puis "encore"... bon ben n'en voyons pas que 3 d'un coup alors, voyons en 5.
F. avançant moins vite que sa sœur j'ai d'abord voulu faire attendre E. puis j'ai fini par lâcher l'affaire et permettre à E. d'avancer à son rythme : du coup elle a appris chaque graphème avec le livre des premières lectures Montessori de niveau 3 correspondant, et F. intègre peu à peu certains graphèmes avec les schtroumpfs…
J'ai néanmoins trouvé ce coffret encore très bien fait, avec juste un ou deux regrets mineurs du style : une des images illustrant le "ou" est un "hibou". Et E. l'a tout d'abord nommé "chouette": le "ou" étant moins perceptible ainsi, elle est allée le caser… avec le "ch".
Moralité, et pour vous donner une idée de la manière dont cette progression s'est déroulée chez nous : l'avantage c'est qu'ayant deux enfants aux rythmes bien différents, j'espère que cela pourra permettre à d'autres parents de voir que c'est vraiment très personnel ;-)
F. n'a montré aucun intérêt pour les lettres jusqu'à peu avant ses 4 ans (2 mois avant) puis a appris la majorité des lettres rugueuses à ce moment-là; E. a été très vite intéressée par le sujet : 2 ans et quelques déjà. Elle les a apprises sur mes genoux quand son frère les révisait, et les connaissait toutes autour de son 3ème anniversaire
le déclic "combinatoire", F. l'a eu un an après son initiation aux lettres rugueuses, quelques semaines avant ses 5 ans, donc. Puis il y a eu une période de stagnation, et j'ai repris les choses en mains une petite année après, ce printemps. E. a eu le déclic combinatoire… euh… cet automne, je crois, vers 3 ans et 1/2. Mais j'ai été disponible de manière plus ou moins variable pour nourrir son intérêt pourtant dévorant. Elle a donc bénéficié de la reprise en mains du sujet pour son frère, au printemps.
Depuis, énormes progrès pour les deux.
Depuis quelques jours en particulier, E. lit tout ce qu'elle trouve,
une phrase du bouquin que je lis,
quelques mots que je tape sur mon ordinateur dans le cadre de mon boulot,
les étiquettes de bouteille,
et bien entendu, les livres qu'elle a en main : quelques bulles de Schtroumpf, quelques mots de Babar, une phrase d'un Petit Ours Brun… ou d'un prospectus.
Elle empoigne volontiers ses "premières lectures Montessori" et on l'entend les lire dans sa chambre, une fois couchée.
Ce weekend, elle a même tenté… de lire les noms des colonnes du fichier Excel de comptes que je remplissais : "A-Q, A-R, A-S, A-T, A-U... O ! Maman y a "O", là !". Gros fou rire.
F. déchiffre volontiers quelques mots par ci par là, et se laisse prendre au jeu en fonction des moments / incitations (les Schtroumpfs étant ce qu'il y a de plus sexy).
Et moi, je m'éclate à observer et accompagner.
Ah, Ah, Ah oui vraiment,
L'apprentissage de la lecture c'est bien marrant
(à chanter sur l'air du refrain de Cadet Rousselle - OK je sors)