Être parent, c’est connaître des bonheurs minuscules et délicieux, et de très grandes joies.
C’est aussi connaître de gros, gros moments de solitude.
Parmi ces moments de solitude, il y a ces instants auréolés d’une aura particulière, ceux où notre progéniture choisit d’employer un vocabulaire pas très, euh… les Allemands ont un terme très parlant : « salonsfähig », c’est-à-dire en gros, qui soit utilisable dans un salon. Disons, nous, « fleuri ».
Et justement, parmi les grands moments de solitude que je n’ai jamais pris le temps de partager sur le blog, malgré mon intention de faire (je me doutais bien qu’une bonne partie de mon lectorat se sentirait moins seul …), il y a ainsi, les premiers mots de la Bébounette. Rappelons-le, la Bébounette a marché assez tôt, et parlé franchement tôt, tout en conservant un gabarit plutôt minus.
Parlé tôt, moui… C’est plein d’avantages.
Ou pas, quand une minuscule petite fille lâche, du haut de ses 16 mois, et au milieu d’un square bien fréquenté, un « P**ain ! » tellement bien prononcé qu’il n’y a même pas moyen de prétendre qu’elle a essayé de dire autre chose
Parmi ces moments de solitude, il y a ces instants auréolés d’une aura particulière, ceux où notre progéniture choisit d’employer un vocabulaire pas très, euh… les Allemands ont un terme très parlant : « salonsfähig », c’est-à-dire en gros, qui soit utilisable dans un salon. Disons, nous, « fleuri ».
Et justement, parmi les grands moments de solitude que je n’ai jamais pris le temps de partager sur le blog, malgré mon intention de faire (je me doutais bien qu’une bonne partie de mon lectorat se sentirait moins seul …), il y a ainsi, les premiers mots de la Bébounette. Rappelons-le, la Bébounette a marché assez tôt, et parlé franchement tôt, tout en conservant un gabarit plutôt minus.
Parlé tôt, moui… C’est plein d’avantages.
Ou pas, quand une minuscule petite fille lâche, du haut de ses 16 mois, et au milieu d’un square bien fréquenté, un « P**ain ! » tellement bien prononcé qu’il n’y a même pas moyen de prétendre qu’elle a essayé de dire autre chose
« En ce moment, on lui lit des extraits d’une biographie de Pétain le soir » nan ça marche pas,
« elle cherche à échanger des potins, en fait » ouais…
Eh oui, c’est la joie, quand notre Seize-Mois-qui-en-paraît-tout-juste-Douze inclut, dans la première vingtaine de mots qu’elle maîtrise, l’un ou l’autre de ces fameux GROS MOTS.
C’est le moment, généralement, où on a très envie de prétendre n’avoir aucune idée d’à qui est cet enfant, ou alors, qu’on nous l’a juste prêtée. Hélas, un « Mamaaaan » tout aussi sonore que le « P… ! » qui l'a précédé démolit notre couverture en un rien de temps.
Bref, les gros mots, c’est quand même la loose. C’est le truc qui, en privé, peut facilement nous hérisser, et en public, nous couvrir de honte / nous exposer à des remarques et jugements fort désagréables / être source de conflits avec pas mal de monde, voire conduire à l’isolation sociale de notre bavard rejeton (rayez les mentions inutiles… mais vous n’allez pas rayer grand-chose).
Bref, les gros mots, c’est quand même la loose. C’est le truc qui, en privé, peut facilement nous hérisser, et en public, nous couvrir de honte / nous exposer à des remarques et jugements fort désagréables / être source de conflits avec pas mal de monde, voire conduire à l’isolation sociale de notre bavard rejeton (rayez les mentions inutiles… mais vous n’allez pas rayer grand-chose).
Sans compter, bien entendu, que l'usage de ces mots a un excellent potentiel de transformation immédiate de notre modeste personne, assez cool pourtant en théorie, en harpie rageuse reniant la parentalité positive et ses principes.
Nous n’avons pas été épargnés, donc, d’autant que, vous vous en doutez bien, si E. a su si vite inclure un charmant mot à 6 lettres dans son vocabulaire, c’était (quelle joie d’avoir des enfants rapprochés), sous l’influence et la tutelle patiente de son frère aîné.
Nous n’avons pas été épargnés, donc, d’autant que, vous vous en doutez bien, si E. a su si vite inclure un charmant mot à 6 lettres dans son vocabulaire, c’était (quelle joie d’avoir des enfants rapprochés), sous l’influence et la tutelle patiente de son frère aîné.
Petit tour d’horizon des outils à la disposition d’un parent positif (ou essayant de l’être) pour gérer la grosmotitude.
(glanés au hasard de diverses lectures, et tous testés par votre servante, pour le bienfait et l'éclairage des foules composant son lectorat)
1. Ignorer
Oh voui !
Ignorer !
Très franchement, quand un jeune enfant en pleine découverte du langage arrive avec ce genre de mot tout frais, une réaction un peu marquée de notre part ne conduit généralement qu’à une chose : l’intriguer, donc l’inciter à répéter.
Eh oui, nos enfants sont de grands scientifiques. Confrontés à un phénomène étonnant (« Quand je dis ce mot particulier, ça énerve, inquiète, fait crier maman ou papa, etc »), ils n’auront de cesse d’expérimenter pour vérifier si cela se reproduit. Ils vérifieront leur expérience auprès de nous, puis étendront aussi le champ d’expérience à d’autres personnes, pour notre plus grand bonheur.
Donc, oui, ignorer c’est vraiment la meilleure solution au départ, quand on peut.
D’ailleurs du temps où le Bébou avait commencé à élargir son vocabulaire dans une direction un peu embêtante (c’était vers 2 ans et demie, je crois), j’avais assez bien réussi à garder mon calme (enfin, passée une première réaction un peu vive qui m’avait justement permis de constater l’intérêt scientifique que celle-ci avait suscité).
Donc, oui, ignorer c’est vraiment la meilleure solution au départ, quand on peut.
D’ailleurs du temps où le Bébou avait commencé à élargir son vocabulaire dans une direction un peu embêtante (c’était vers 2 ans et demie, je crois), j’avais assez bien réussi à garder mon calme (enfin, passée une première réaction un peu vive qui m’avait justement permis de constater l’intérêt scientifique que celle-ci avait suscité).
J’avais réussi, passé l’effet de surprise, à gainer mes nerfs d’acier, et à accueillir les mots fleuris avec une indifférence digne d’un maître zen. Et en effet, hop, je dirais qu’en une dizaine de jours c’était réglé. Les gros mots avaient disparu, remplacés par d’autres acquisitions langagières bien plus intéressantes.
Youpi ! Pour cette fois.
Hélas, hélas, quand le deuxième épisode grosmotesque survint, la Bébounette était en mesure de s’y intéresser, et alors là....
C’est bien plus dur de rester zen quand DEUX enfants s’amusent à manier ce genre de mots, et que dans le tas, y a une demoiselle de SEIZE mois, cf plus haut.
Chacun des deux est un public tout trouvé pour l’autre, et l’un remet cent balles dans la machine pile au moment où l’intérêt de l’autre pourrait commencer à s’émousser
Donc, ignorer devient à la fois au dessus des forces du parent, et inefficace.
C’est le moment de s’amuser avec sa boîte à outils (Youpi !)
2. Montrer les sentiments, expliquer l’impact
Il s'agit de partir du principe que l'enfant est en plein apprentissage, et parmi cela, il y a l'apprentissage à la fois des codes sociaux, et de la prise en compte de ses propres émotions, et de celles d'autrui. Et la première personne pour dispenser cet enseignement, c'est nous ! (encore youpi). Donc à nous d'expliciter ces codes sociaux obscurs.
Youpi ! Pour cette fois.
Hélas, hélas, quand le deuxième épisode grosmotesque survint, la Bébounette était en mesure de s’y intéresser, et alors là....
C’est bien plus dur de rester zen quand DEUX enfants s’amusent à manier ce genre de mots, et que dans le tas, y a une demoiselle de SEIZE mois, cf plus haut.
Chacun des deux est un public tout trouvé pour l’autre, et l’un remet cent balles dans la machine pile au moment où l’intérêt de l’autre pourrait commencer à s’émousser
Donc, ignorer devient à la fois au dessus des forces du parent, et inefficace.
C’est le moment de s’amuser avec sa boîte à outils (Youpi !)
2. Montrer les sentiments, expliquer l’impact
Il s'agit de partir du principe que l'enfant est en plein apprentissage, et parmi cela, il y a l'apprentissage à la fois des codes sociaux, et de la prise en compte de ses propres émotions, et de celles d'autrui. Et la première personne pour dispenser cet enseignement, c'est nous ! (encore youpi). Donc à nous d'expliciter ces codes sociaux obscurs.
J’aimais bien l’image des « mots cailloux » : ce sont des mots qui peuvent faire mal, que les gens n’aiment pas entendre, cela peut les mettre en colère ; quand on dit ce genre de mots, les personnes n’ont généralement pas envie de parler avec nous…
3. Accueillir les sentiments et montrer d’autres manières de les exprimer
Passée la joie de la découverte (et on peut toujours exprimer cela avec eux « Ah tu trouves cela drôle n’est-ce pas ces nouveaux mots ? Le souci c’est que… » et hop, on embraye sur le point 2.), l’enfant va généralement utiliser ces mots pour exprimer des émotions un peu difficiles à vivre : frustration, colère, peur… (un peu comme nous, tiens. Bizarre, vous avez dit bizarre ?).
De la même manière que face à un enfant qui tape, il ne s’agit pas d’interdire purement et simplement ce comportement : ce serait donner le choix à notre enfant entre persister dans ce comportement OU nier, réprimer son émotion, laquelle a besoin de sortir, pourtant.
Eh non, là encore, rappelons-nous ce mantra de Haïm Ginott, un père fondateur de la parentalité positive :
3. Accueillir les sentiments et montrer d’autres manières de les exprimer
Passée la joie de la découverte (et on peut toujours exprimer cela avec eux « Ah tu trouves cela drôle n’est-ce pas ces nouveaux mots ? Le souci c’est que… » et hop, on embraye sur le point 2.), l’enfant va généralement utiliser ces mots pour exprimer des émotions un peu difficiles à vivre : frustration, colère, peur… (un peu comme nous, tiens. Bizarre, vous avez dit bizarre ?).
De la même manière que face à un enfant qui tape, il ne s’agit pas d’interdire purement et simplement ce comportement : ce serait donner le choix à notre enfant entre persister dans ce comportement OU nier, réprimer son émotion, laquelle a besoin de sortir, pourtant.
Eh non, là encore, rappelons-nous ce mantra de Haïm Ginott, un père fondateur de la parentalité positive :
"Tous les sentiments sont acceptables, tous les comportements ne le sont pas."
A nouveau, notre rôle est d’accueillir l’émotion de l’enfant ET de de lui apprendre à l’exprimer d’une manière socialement acceptable. Bien évidemment, c’est ça qui est drôle, c’est un long apprentissage…
« Ah, tu te sens frustré de ….
Ça te met en colère que….
Hum, quand on se sent en colère, on peut dire « je suis en colère » ! / On peut froisser une boule de papier !
Dessine moi ta colère »
(avec, selon les cas, un peu du numéro 2. Mais il vaut mieux rester bref, rappelons nous que plus c’est bref mieux ça a des chances d’atteindre le cerveau un peu surmené de notre enfant).
4. Rediriger en remplaçant par d’autres mots drôles ou en circonscrivant
Quand décidément l’attrait des gros mots est trop fort, y couper court ne fonctionne pas.
En revanche, réorienter légèrement peut porter des fruits.
Soit, réorienter sur d’autres mots drôles :
4. Rediriger en remplaçant par d’autres mots drôles ou en circonscrivant
Quand décidément l’attrait des gros mots est trop fort, y couper court ne fonctionne pas.
En revanche, réorienter légèrement peut porter des fruits.
Soit, réorienter sur d’autres mots drôles :
- on peut proposer (ou proposer d’inventer) d’autres mots drôles à la place : y a pas à dire, en pleine aire de jeux on est beaucoup plus à l’aise avec un « saperlipopette » ou encore « corneguidouille » qu’avec le fameux P*** (et c’est l’occasion de redécouvrir les trésors linguistiques des temps passés…) ;
- L. Cohen, dans son fameux « Qui veut jouer avec moi », conseille même de réagit aux insultes par une interdiction factice : « Tu peux me traiter de tous les noms, mais surtout, ne m’appelle pas ‘chou-fleur à roulettes’ ! » (avec bouchages d’oreilles et colère feinte mais très démonstrative si, comme c’est bien évidemment le cas, on se fait traiter de chou-fleur à roulettes dans la seconde)
Ou on peut réorienter sur un lieu, en circonscrivant : « Ce sont des mots qu’on a parfois très envie de dire, dans ce cas là, on peut les dire aux WC ». Ce qui permet, ensuite, d’énoncer une simple règle « Les gros mots, c’est dans les WC », ou même « Les gros mots, c’est dans les … ? » ou encore d’emmener l’enfant par la main aux WC, en prenant un air très affairé et pressé (un peu comme quand ledit enfant a un besoin pressant, quoi ; là c’est un besoin pressant d’évacuer des gros mots). La règle sera d’autant plus forte qu’on se l’appliquera à soi-même : « Oooh j’ai très envie de dire un gros mot, je file aux WC ! » et hop on en balance quelques uns bien sonores (déjà connus des enfants, hein : pas la peine d’élargir leur vocabulaire).
On peut aussi réorienter sur le destinataire :
- « Quand nous sommes avec d’autres personnes et que tu as très envie de dire un gros mot, tu peux venir me le chuchoter tout doucement à l’oreille ». Hop, reconnexion : d’une pierre deux coups !
- Encore faut-il être à l’aise avec cela. Une alternative qui peut fonctionner est de proposer « Hum, quand tu as très envie de dire un gros mot, tu pourrais me faire un signe secret comme ça je saurais. Quel signe secret pourrions-nous utiliser ? »
5. Passer à l’action en se protégeant / protégeant les autres
Une fois qu’on a expliqué qu’il s’agissait de mots désagréables, contraires au respect de la personne, il peut être nécessaire de passer à l’action pour faire passer le message. Jane Nelsen appelle ça « se respecter soi-même ».
On se protègera d’un comportement irrespectueux en soulignant qu’on n’a plus envie de jouer / qu’on préfère changer de pièce mais qu’on est dispo pour reprendre la discussion / le jeu dès que cela pourra se faire avec respect.
Et en ce qui me concerne, quand les gros mots ont lieu à l’extérieur / en présence de tiers, je demande à F. si telle ou telle chose peut l’aider à utiliser des mots respectueux ou si il vaut mieux que nous nous éloignions des autres pour le moment. Je ne répète pas cela 32 fois (auquel cas je risque de flirter très vite avec la menace), et n’hésite pas à rentrer mon petit monde / m’isoler avec mon fils au besoin.
Voici un panel d’outils déjà à même de bien aider face à la période « gros mots » que traverse tout enfant.
Néanmoins, parfois, cela ne suffit pas. Rhaaaaaa.
- Explication 1 : dynamique d’apprentissage, rappelons nous que souvent la répétition est fréquente et nécessaire avant que la leçon ne porte du fruit
- Explication 2 : il y a quelque chose derrière
Oui, si rien ne marche, il s’agit d’aller creuser plus loin : que révèlent ces gros mots ? L’agressivité, qu’elle soit verbale et physique, est le plus souvent un message.
Dire des gros mots peut être un simple signe de curiosité, et dans ce cas, les 5 outils détaillés ci-dessus devraient suffire, mais l’usage répété de gros mots, une agressivité verbale prononcée sont probablement davantage liés à un besoin de se sentir puissant, à un besoin de maîtrise, à des peurs, des problèmes non résolus, une colère durable et non exprimée.
C’est une piste que j’ai trouvée très intéressante dans « Développer le lien parent-enfant par le jeu » dont je vous parlais tout récemment, et qui consacre un chapitre à ce point-là.
C’est une piste que j’ai trouvée très intéressante dans « Développer le lien parent-enfant par le jeu » dont je vous parlais tout récemment, et qui consacre un chapitre à ce point-là.
6. Identifier et combler le besoin bien caché derrière l’usage de gros mots
Si c’est un besoin de pouvoir, A. Solter propose
- des jeux donnant un sentiment de pouvoir à l’enfant, comme le fait de le prendre sur le dos et de se laisser guider : tape sur l’épaule droite, on va à droite, tape à gauche, on va à gauche.
- Ou encore, des jeux permettant à la colère de l’enfant de sortir : bataille d’oreillers (dans lequel le parent se fait impérativement mettre la pâtée),
- ou tout simplement des moments régulier de jeu libre et exclusif permettant à l'enfant d'exprimer ce qu'il ressent et, aussi et surtout, de se reconnecter à son parent. (on retrouve le fameux temps dédié présent chez Jane Nelsen mais aussi fort logiquement, chez de nombreux autres auteurs en parentalité positive);
Il s’agit d’avoir recours à ces jeux quotidiennement et de miser un maximum sur leur effet restaurateur, à la fois du lien parent-enfant, et de l’intégrité émotionnelle de l’enfant, pour que notre
Cette dernière approche m’a fait un bien fou et je note des progrès dans le bon sens depuis que je l’ai rajoutée à ma boîte à outils !!
Évidemment, elle prend du temps et agit sur le long terme, mais…
Aux gros mots, les grands remèdes