Très honnêtement, je m'en suis réjouie. Non que je sois ravie que d'autres familles puissent être confrontées à des problèmes similaires aux nôtres, mais plutôt: étant persuadée que c'est le cas, je me réjouis que ces familles puissent avoir, enfin, vent d'une approche susceptible de les aider mais encore terriblement méconnue. Si mon billet peut permettre à certaines familles d'entrevoir enfin la lumière au bout du tunnel, c'est juste formidable.
Tous ces échanges ont été riches, mais l'un d'entre deux, tout particulièrement, est venu soulever des questions, et m'inciter à apporter des précisions qui, ils me semblent, pourront intéresser un public plus large que la destinataire du message. Celle-ci m'ayant autorisée à en publier les morceaux "d'intérêt général", voici donc une retranscription d'une partie de nos échanges. (2 messages aller, 2 messages retour)
Bonjour,
Je me permets de vous contacter car j'ai lu avec attention votre parcours psy avec votre petit garçon. Et vous décrivez justement ce qui m'inquiète : tomber sur la bonne personne.
[...] J'ai envoyé un e-mail à l'association MCADS pour voir s'il y avait des professionnels formés à cette méthode dans ma région. Ma crainte, c'est qu'on me dise (ou qu'on LUI dise) qu'il faut le laisser pleurer, arrêter le cododo, l'allaitement long, etc. Comme vous le dites dans votre article, à nous de prendre ou laisser les conseils qui nous conviennent ou non. Mais le suivi est-il vraiment possible avec un professionnel qui ne partage pas nos convictions d'éducation ? Comment savoir à l'avance ? Faut-lui lui faire passer un "entretien" un peu strict par téléphone ?
Je suis perdue sur la voie à suivre. Je me demande si c'est la bonne piste (on a déjà essayé tellement de choses!). Mais je vois que mon petit garçon n'est pas bien et j'ai vraiment envie de l'aider.
Je comprends bien votre inquiétude, à la fois celle de voir votre fils en train de souffrir (et accessoirement, de faire souffrir : vous, son entourage) sans savoir comment l'aider, et celle de frapper à la mauvaise porte pour l'aider, et que cela n'aide en rien, voire nuise.
Eh oui, ce n'est pas pour rien que mes articles vous ont parlé, puisque j'ai traversé les mêmes affres que vous. C'est dur! Vraiment très dur, au quotidien, de vivre avec à la fois l'angoisse du "aaah mon fils va mal" et ses manifestations concrètes (colères, opposition, etc).
C'est pourquoi j'espère vraiment de tout cœur que vous pourrez bientôt bénéficier de l'appui qui fera "mouche", car franchement, il ne se passe pas de jour en ce moment sans que je ne regarde mon fils avec ébahissement : il reste fragile, souvent on sent que c'est encore un peu tangent, parfois encore un rien suffit à le faire basculer "du côté obscur de la force", et certaines choses subsistent encore, mais... tant de choses ont changé quand même !
Au point que je constate aussi que j'avais accepté certains comportements comme "normaux" alors que finalement, leur disparition / remplacement par autre chose me fait réaliser que, non, ils étaient en fait liés à une souffrance chez F.
(un exemple tiré du passé : lors de la séance finale, la semaine dernière, j'ai réalisé que les nuits monstrueuses que nous avions connues avec F. au moment de sa sortie du lit à barreaux à 2 ans 1/2 n'étaient pas "des difficultés d'adaptation normales face à une nouvelle liberté", mais l'expression du fait qu'arraché à l'enceinte protectrice de son petit lit à barreaux, il avait revécu la brutalité et l'angoisse de l'arrachage au ventre de maman...)
Tout ça pour dire :
A mon sens, oui, il est très important de choisir avec soin un professionnel pour nous aider, et de veiller à ce que les convictions de ce professionnel ne soient pas trop éloignées des nôtres. Ne serait-ce que par souci d'efficacité ! Si le courant ne passe pas, l'enfant le sent, et si nous on se ferme à tous ses conseils, on peut aussi rater celui qui aurait pu finalement nous convenir, à la réflexion, si il avait été présenté dans un package plus attrayant.
De ce fait, je pense en effet judicieux de passer un peu de temps au téléphone avant, pour expliquer un peu, et poser quelques questions.
En revanche, je nuancerais en vous faisant part de ma propre expérience : à vous de voir si elle vous parle, ou si vous préférez finalement prendre une autre option.
Après l'expérience de la psy nullissime de Strasbourg, j'étais très méfiante, et du coup, j'ai cherché une psy qui soit à fond dans la bienveillance: j'en ai trouvé une qui avait suivi des formations Isabelle Filliozat. Elle s'est montrée très bienveillante, effectivement, mais elle n'a pas aidé F. .
A la fois,
- parce qu'elle n'était pas formée sur le problème spécifique de F. / la méthodologie associée,
- mais aussi parce qu'elle était "trop" bienveillante: trop, dans le sens que, face à des comportements inadaptés de F., elle avait tendance à plutôt conseiller de les laisser perdurer en attendant qu'il les abandonne de lui-même. Typiquement, face à son refus de se prendre en charge (45-60 minutes le matin pour le faire s'habiller seul) ou de contribuer à la maison (que de conflits pour mettre le couvert !) : elle m'a plutôt conseillé de lâcher du lest.
Celle qui nous a finalement accompagnés avec succès était, pour le coup, "moins bienveillante que moi".
Je n'ai pas forcément souhaité suivre toutes les pistes données (combattre l'usage du doudou et du pouce par exemple : à mes yeux leur usage est très raisonné et mon expérience d'enfant qui a sucé son pouce jusque 10 ans ne me pousse pas à interdire cela à mon fiston; ou, conseil qui m'a le plus gênée : si il persistait à mouiller son lit, le remettre dans un lit à barreaux au prétexte que les draps de petits lits étant plus faciles à laver, au moins ça me ferait moins de travail).
Néanmoins, elle a du coup été à même de compenser certains de mes travers, puisque justement je tendais déjà à trop de bienveillance / ne plus savoir où placer un cadre / comment faire respecter mes limites. C'est ainsi elle qui m'a incitée à mettre le holà à la manière dont F. accaparait mon attention en cherchant à se faire aider pour s'habiller, etc. : il avait besoin que je lui signifie clairement que pour moi, il avait 4 ans 1/2, que c'était ainsi que je l'aimais le mieux, et que se transformer en bébé n'allait pas lui apporter plus d'amour. Il avait peur de grandir, il avait besoin que je lui montre que moi, je n'avais pas du tout peur de cela, mais au contraire que je souhaitais qu'il ait 4 ans 1/2.
Et moi j'ai pu suivre ses conseils, même si parfois ils me demandaient d'aller un peu à l'encontre de ma tendance naturelle, parce que
- 1. ils n'allaient pas non plus complètement à l'encontre
- 2. ses conseils ne venaient de toute manière qu'en second lieu : ce n'était pas "évidemment qu'il refuse de grandir, vous le maternez trop".
On a d'ABORD commencé par travailler sur le passé de F., et ensuite, une fois qu'on a eu commencé à bien déblayer certains traumatismes, on a rajouté de l'action pour le présent. (par exemple, le travail actif contre la voix de bébé n'a commencé qu'à la toute fin de la 3ème séance, qui avait été très très riche et très très émotionnelle).
Et ça c'est vraiment vraiment un point fondamental, hein, dans cette approche : le PREMIER travail est le travail sur le passé ! Si on commence tout de suite à vous bombarder de "y a qu'à faut qu'on" au lieu de d'abord parler à votre fils de sa souffrance et de ses origines, c'est pas la bonne adresse ! (cf mon point suivant, d'ailleurs)
- 3. je voyais qu'ils ne venaient pas d'une posture dogmatique.
Prenons l'exemple de l'allaitement : la psy très renommée de cette méthodo qui habitait à 10 minutes de chez moi, je n'en voulais pas : à un premier RDV elle avait sorti à une maman que c'était elle qui avait un problème psy pour allaiter encore son enfant à 20 mois. Une telle affirmation, lors d'un premier RDV, quand on ne connaît encore pas grand chose de la famille et de sa dynamique, montre que c'est une position de principe, anti-allaitement long. (et montre aussi une certaine propension à juger et à se positionner comme "supérieur", une propension à mon sens totalement déplacée chez un professionnel de l'accompagnement) Non merci !
Qu'en revanche, au bout de quelques séances, un psy puisse être amené à identifier et souligner que, dans ce cas précis, pour certaines raisons propres à l'histoire de la famille concernée, sur l'allaitement sont venus se greffer toute une série d'enjeux qui font que sa perduration participe à entretenir une dynamique négative, à mes yeux c'est vraiment différent !
Moralité :
- vous renseigner sur les expériences d'autres familles avec la personne que vous aurez identifiée : à fond.
- Lui parler au téléphone pour creuser un peu : OUI!
1. Pour vérifier que vous ne partez pas de bases trop différentes.
2. En revanche, mon expérience me conduirait à vous suggérer de ne pas chercher quelqu'un qui colle 100% à vos principes (un clone, quoi), mais plutôt quelqu'un qui, bien que "ancré" pas trop loin de vos positions, pencherait dans la direction contraire à votre tentation naturelle : moi, la première psy d'IDF ne pouvait pas m'aider car elle ne pouvait pas me servir de contre-balancier par rapport à ma tendance à déjà trop laisser F. "être petit", alors que la seconde a pu m'aider car elle m'a poussée un peu dans l'autre sens.
Et 3. Pour vérifier, surtout aussi, son ouverture par rapport à vos différences : quel que soit son positionnement, même si elle semble à 100% ok avec vos convictions, si elle part du principe qu'elle sait tout mieux que vous et que vous devez suivre aveuglément ses conseils, ce sera nuisible. Pour une relation équilibrée avec votre fiston, il ne faut déjà pas commencer par vous ôter votre libre-arbitre de maman ! Et alors si en plus ses suggestions sont parfois un peu loin de vos convictions, alors là, bonjour le malaise.
Je voulais aussi revenir vers vous concernant un point. La "première séance" m'inquiète un petit peu. Je n'aime pas parler de mon fils à la troisième personne quand il est à côté de moi. Plus encore s'il s'agit de faire la liste de "tous ses mauvais côtés". Et donc je m'inquiète de la première séance chez le psy qui va, j'imagine, me demander ce qui ne va pas! Pourriez-vous me dire un peu comment ça s'est passé pour vous ?
Je comprends vos inquiétudes concernant la première séance et je crois que je peux vous rassurer. Oui, évidemment, la psy vient vous demander "ce qui ne va pas".
Et effectivement, en début de séance, elle vous demandera quelques symptômes, quels comportements montrent qu'il y a un souci, et ce sera devant les oreilles de votre fils. Ensuite, elle devrait déblayer avec vous rapidement les causes supposées que vous pourriez y voir (j'avais dit" naissance difficile, séparation de 3 jours juste derrière", sans aller dans les détails); et après, elle attaque directement, en vous demandant de raconter l'histoire de vie de votre fils (normalement, en commençant au tout début de cette histoire, c'est-à-dire au début de l'histoire commune entre ses deux parents)
Quand on aborde "les problèmes", on pourrait effectivement tout raconter en mode "mon enfant EST le problème."
Mais non, je vous invite juste à tout simplement rester sur votre vraie raison pour aller consulter : vous n'allez pas consulter parce que votre fils ne fonctionne pas comme vous le voudriez, ni pour raconter à quelqu'un ses "fautes" et "défauts" pour qu'il les corrige. Non, ce qui vous pousse à aller consulter, ce n'est pas votre colère ou votre déception, c'est votre amour. C'est votre inquiétude POUR votre fils, parce que certains comportements vous montrent qu'il souffre.
Chaque chose que vous serez amenée à raconter peut l'être sous l'un ou l'autre de ces deux angles. Vous pouvez raconter n'importe quoi en soulignant à quel point c'est inacceptable, ou raconter la même chose en soulignant le mal-être que vous voyez derrière.
D'ailleurs la réaction de la psy doit bien être orientée ainsi: la nulle de Strasbourg, elle, posait des étiquettes sur les comportements de F., quand celle qui nous a aidés soulignait que c'était une manière mal adaptée, pour l'enfant, de combler un besoin douloureux, et faisait systématiquement le lien entre les deux.
Et effectivement, autant j'étais mal à l'aise que mes échanges avec la première aient lieu devant F., autant ce n'était pas le cas là, puisqu'au fond ces échanges mêmes participaient à la thérapie, et venaient renforcer le message que nous cherchions à faire passer : "ton passé t'a donné des croyances en vertu desquelles tu as adopté des comportements qui te nuisent et que tu peux maintenant abandonner puisque nous détricotons avec toi les croyances que tu t'étais forgées."
Voilà pour ce petit complément !!