La parentalité positive, ça marche ?
- Y en a qui vous diront que non.
- Y en a qui vous diront que oui.
Moi je vais vous dire : la parentalité positive, surtout faites gaffe, c'est une arnaque !
Je le dis.
Et je le prouve !
Que recherchent la plupart des parents qui s'intéressent à la parentalité positive ?
En 1er lieu : à améliorer l'ambiance à la maison. A ce que ça tourne sans crier. A diminuer les conflits à la maison.
Y a qu'à voir le nombre de formations, bouquins etc qui grosso modo tournent autour de ce thème-là : "se faire obéir sans crier".
Y a qu'à voir le nombre de formations, bouquins etc qui grosso modo tournent autour de ce thème-là : "se faire obéir sans crier".
Bref, le but est d'influencer le comportement de l'enfant. (un point très justement souligné par le très percutant "Aimer nos enfants inconditionnellement" d'Alfie Kohn, un bouquin dont je vous ai déjà commenté un extrait mais que j'aimerais, un jour, venir vous présenter plus globalement)
C'est le niveau 1 : changer le comportement de l'enfant. Régler le problème chez l'enfant. Tout bouquin d'éducation peut commencer à être lu ainsi; le mien y compris, d'ailleurs.
Dans tous les cas, c'est quand même chouette, hein, parce que c'est souvent ça qui met les parents en mouvement, les incite à mettre le doigt dans la parentalité positive.
Les malheureux ! Si ils savaient !
Mais, pauvres agneaux blancs, à ce stade, nous ne nous doutons de rien...
Et une chose est sûre : certaines choses, en parentalité positive, influent véritablement sur le comportement de l'enfant. Et dans les premiers temps, on est tout encouragé par les améliorations qu'on constate.
Très vite cependant, on se retrouve confronté à un premier changement : pour diminuer les conflits à la maison, on a bien vu qu'on doit changer notre manière de communiquer, ce qui déjà commence à nous faire prendre une part de responsabilité dans le problème. Et peu à peu, en fait, on voit que c'est la relation à notre enfant qu'on doit changer. (parfois d'ailleurs on prend le train directement là, c'est déjà avec ce souhait qu'on arrive). C'est un des points que j'ai expérimentés moi-même, comme je le dis en conclusion de mon best-seller: en changeant les mots, j'ai commencé à changer de lunettes, et après… c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres madame !
C'est le niveau 2 : repositionner notre relation, notre rôle de parent. Par exemple en acceptant qu'être parent ce n'est pas tout décider pour notre enfant; que ce n'est pas tout savoir non plus; que….
Rha là là, la foule de croyances qu'il nous faut reconsidérer. Déjà nous n'étions pas venus pour ça.
Et déjà, à ce niveau, parfois, ça coince.
- Soit complètement ; et on lâche la parentalité positive / le bouquin qu'on avait commencé à lire sur le sujet, puisque effectivement, si on change juste les mots sans changer la posture, très vite "ça ne marche pas",
- soit par moments, à chaque fois qu'une petite voix vient nous susurrer, en situation "Ah non un parent ne devrait pas accepter ça !" et autres "C'est un scandale, un enfant n'a pas à se comporter ainsi" ou encore "Je vais me faire bouffer", petite voix bien aidée, très souvent, par les voix de notre entourage qui nous assènent les mêmes choses (cf le fameux bingo des crises).
N'empêche que repositionner notre relation, notre rôle de parent, c'est déjà à la fois bien chouette, et ça porte déjà du fruit.
Mais on constate que les conflits demeurent ! C'est terrible !
Parce que oui, on s'est fait avoir : la parentalité positive ne s'arrête pas à ces 2 niveaux-là.
Il y a une 3ème marche. On voulait changer notre enfant, on a vu qu'il fallait changer notre positionnement de parent / notre relation à notre enfant, et en fait… ça nous oblige aussi à changer autre chose : notre rapport à nous-même.
En effet, la parentalité positive nous incite à gérer les conflits avec nos enfants autrement, et ce faisant, nous oblige à nous poser la question de nos limites et de nos besoins personnels (histoire d'être en mesure de les exprimer à notre enfant plutôt que d'attaquer l'enfant).
Eh oui : pour remplacer "Vous êtes feignants et irresponsables ! Je suis pas la bonne ici !" par "Quand je vois des assiettes laissées en plan sur la table toute sale je me sens furieuse ! J'ai besoin de soutien ! Je m'attends à ce que chacun contribue dans notre maison !", encore faut-il avoir admis son droit à être fatigué / furieux, pris conscience de son besoin de soutien, et mis des mots sur son souhait de gérer la maison en collectif.
Or tout cela c'est, très souvent, un exercice qui nous est étranger. Qui suis-je ? Quels sont mes besoins, mes limites ?
Autant de questions que la plupart d'entre nous n'a pas appris à se poser, tout occupé à s'en poser d'autres "Comment faire pour qu'on m'aime ? Ai-je le droit de …?".
Remplacer sa boussole externe par une boussole interne, apprendre à s'écouter (alors que "s'écouter", ça a toujours eu une connotation négative…), c'est un sacré travail...
Le gros hic, c'est que si on zappe ce travail, si on ne s'aventure pas sur cette marche, ça foire :
- pas moyen d'exprimer posément nos limites à nos enfants;
- accueillir leurs sentiments nous demande des efforts surhumains tant qu'on refuse d'écouter les nôtres
Alors faute de savoir le faire, on explose, soit vers l'extérieur (explosion de colère) soit vers l'intérieur (sacrifice total, oubli de soi, incapacité à poser des limites, épuisement). Généralement, un joli mix des 2 selon les moments.
D'autant que, comme nous ne regardons pas l'état de notre compte en banque, ni n'avons appris qu'il était légitime et indispensable de faire le nécessaire pour le remplir, c'est le découvert émotionnel assuré. Et vlan, encore une fois, "la parentalité positive ne marche pas", puisqu'elle nous épuise et/ou qu'on passe son temps à ne pas réussir à la vivre.
A l'inverse, prendre conscience de ce réservoir et de la nécessité de le remplir, c'est revenir à la base de cette satanée bienveillance : la bientraitance envers soi-même.
Prendre soin de soi, s'aimer soi-même, vraiment, c'est un sacré défi, et c'était pas écrit sur le paquet à l'achat...
Ce processus, je l'ai vécu moi-même, et je l'observe autour de moi, notamment chez les parents que j'accompagne en ateliers Faber et Mazlish. C'est ce qui fait généralement le succès de la séance bonus que je propose de rajouter au bout des 3 premières soirées et avant de passer à la 2ème moitié du cycle : une séance entièrement dédiée à la culpabilité et à la colère du parent (basée sur ce que Faber et Mazlish en disent dans Parents épanouis, enfants épanouis).
Là où tous les participants ne voyaient pas encore forcément l'intérêt du sujet en tout début de cycle, au bout de 3 séances ils sont ravis de la proposition car ils en constatent la nécessité absolue.
Et avec ça c'est bon ?
Eh bien non.
Parce que, caramba, figurez-vous qu'il y a une 4ème marche. M...!
Hélas, trois fois hélas (ou pas…), une fois qu'on commence à revoir sa relation à soi-même, ses besoins, ses limites, ça bouge ailleurs également. Environnement systémique, machin : il serait illusoire de croire qu'on peut bouger soi-même sans que les relations qui nous lient à d'autres personnes ne bougent aussi.
Ainsi, en ce qui me concerne,
- apprendre d'autres manières de communiquer avec mes enfants m'a donné envie (et des clés pour le faire, aussi - c'est cool) de communiquer autrement avec d'autres personnes aussi (conjoint, amis, milieu professionnel, vagues connaissances ou parfaits inconnus),
- apprendre à mieux me connaître moi me l'a rendu indispensable.
A la fois parce que plus de conscience de mes besoins et de mes limites, et à la fois parce que les efforts et avancées faites en parentalité positive ont modifié lesdits besoins et limites.
L'énergie qu'on met à gérer nos enfants nous oblige à
- reconsidérer celles de nos relations qui nous coûtent le plus d'énergie : personnellement, cela m'a amenée à prendre mes distances avec certaines personnes, à arrêter d'investir de l'énergie dans l'entretien de la relation en réalisant qu'investir à perte était un luxe que je ne pouvais (occupée ailleurs) ni ne souhaitais plus (écoute et protection de moi-même, bientraitance) me permettre; sur ce plan, cela s'est fait dans la continuité du développement de ma capacité à dire non amorcé en étape 3...
- assainir et embellir d'autres relations, pour plus d'authenticité, d'écoute, d'intimité et de soutien émotionnel. Et c'est là où l'on réalise à quel point développer sa capacité à dire non, c'est aussi développer sa capacité à dire oui, de vrais oui, pas des oui contraints.
"Que votre oui soit oui, que votre non soit non"...
C'est une sacrée chance, mais ce n'est pas sans peine… Heureusement que le jeu en vaut carrément la chandelle !
En ateliers Faber et Mazlish, ça se traduit généralement par le fait que, peu à peu, les échanges ne sont plus uniquement centrés sur les enfants… parfois, que ce soit directement en ateliers, ou dans les conversations pré- ou post-séance, la question vient "Euh, ce serait quoi l'attitude Faber et Mazlish dans telle ou telle situation ?" (qui n'a rien à voir avec les enfants, mais avec les parents, les frères et sœurs, les collègues du participant).
Et voilà comment on se fait bien arnaquer : on arrive pour changer des trucs autour de notre enfant et c'est notre vie entière qu'on est amené à reconsidérer. Et pas moyen de s'arrêter sur l'une des marches sans pousser jusqu'à la suivante, sinon, hop, constat impitoyable : ça ne marche pas !
Eh mais...
Est-ce que ça veut dire que pas moyen, au fond, de réussir à être un parent positif
tant qu'on n'a pas fait 10 ans de thérapie pour se connaître,
et réussi à construire un couple parfait et des relations méga saines?
Réussir à être ? Etre un parent positif ?
Ben voyons.
Tout à fait.
C'est justement pour cela qu'être un parent positif parfait n'est pas possible.
Nous sommes des êtres changeants, nous ne pouvons pas être quelque chose à part nous- même, un être changeant, dont les capacités sont en permanence influencées par ses perceptions, son niveau de fatigue, ses expériences passées, ses espoirs futurs, etc... Réussir à être n'a aucun sens. Et le club des Parents Positifs Parfaits est condamné à rester désespérément vide.
En revanche, agir en parent positif, ça c'est possible. Pas tout le temps. Mais à un instant. Et encore à un instant. De la même manière qu'entretenir une relation de couple, des relations d'amitié parfaites n'est pas possible non plus. Mais on a la possibilité de poser de petits gestes, chaque jour, pour renforcer ces relations-là.
Prendre conscience de ces 4 marches, ce n'est pas regarder tout là-haut et se dire "J'y arriverai jamais !" ni même "Pour être bien je dois arriver là-haut" (plus insidieux, mais tout aussi destructeur); c'est réaliser que l'objectif est de se mettre en mouvement, que le but c'est le chemin, pas une pseudo ligne d'arrivée.
Chaque mouvement qu'on fera sur l'un des niveaux aura un impact sur les autres niveaux, il s'agira d'accueillir cet impact avec toute la souplesse possible à ce moment, pour peu à peu, opérer de petits changements ici et là (vous savez, hein, petit bout par petit bout, machin - oooh c'qu'elle nous saoule celle-là).
C'est réaliser que nos difficultés à vivre la parentalité positive sont parfaitement normales, car tout est tellement lié que c'est le cheminement de toute une vie.
Mais qu'elles valent sacrément la peine, car honnêtement, même si on ne peut être le parent parfait, dans un couple parfait, environné de relations parfaites, évoluer au quotidien dans un niveau d'intimité émotionnelle et de soutien de plus en plus grand avec ses enfants, son conjoint, son entourage, on va pas cracher dessus non plus, hein ?
Mais qu'elles valent sacrément la peine, car honnêtement, même si on ne peut être le parent parfait, dans un couple parfait, environné de relations parfaites, évoluer au quotidien dans un niveau d'intimité émotionnelle et de soutien de plus en plus grand avec ses enfants, son conjoint, son entourage, on va pas cracher dessus non plus, hein ?
(en plus cracher c'est interdit avec le COVID).
Allez, j'vous laisse, j'ai un tout petit pas à faire sur l'un ou l'autre de ces niveaux, moi (et parfois ça fait mal aux fesses l'alpinisme)
(bon, et après ce billet, je pense que plus personne ne pourra me demander
si les sublimes illustrations du bouquin sont aussi de moi.
Je crois que la différence avec Claire est assez visible, hein ?)
Bonjour,
RépondreSupprimerc'est un beau résumé ! Pour moi, l'éducation positive est une manière de voir le monde et les gens qui nous entourent. Ça se transpose à la famille, au monde du travail, etc.
Je n'éduque pas mon fils de manière "positive" pour obtenir des résultats concrets, mais plutôt pour qu'il considère les autres avec respect, qu'il comprenne les conséquences de ses actes.
Ouiiiiii !
SupprimerAlors dans les faits, évidemment qu'on voit des résultats concrets (la responsabilité toute nue n'existe pas, on remarque peu à peu de plus en plus de gestes responsables) mais troquer le geste contre la conviction derrière, c'est… encore une fois, de l'arnaque ^^
Et oui, une fois qu'on a admis que "tous les sentiments sont acceptables", et que ceux ci sont à l'origine de tous les comportements de ceux qui nous entourent, ça change les lunettes.
Très juste ! Au passage j'ai bien aimé ta chute pour la marche 4 ;)
RépondreSupprimerHIHIHI. Merci ^^
SupprimerPendant longtemps je ne voyais pas du tout l'intérêt de cette méthode/ approche car on me la présentais toujours depuis le 1er pallier, pour reprendre tes termes. Mais grâce à une copine, j'ai abordé le sujet directement par la 3e marche et d'un coup cela me semble tellement plus pertinent !
RépondreSupprimerJe vais retenir que ta présentation est claire pour donner le lien dès que mon parle "de l'enfant et l'enfant et l'enfant et l'enfant...".
Oh yes! Oui selon là où on en est de son cheminement personnel certaines marches présentées toutes seules ont encore moins de sens. Contente que ça te parle ! Et en espérant que ça puisse parler à d'autres 😁
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