mardi 8 août 2017

Y a de gros ratés dans mon éducation positive, Dieu merci !

C'est un appel (téléphonique) au secours d'une bonne copine désespérée qui m'avait permis de théoriser un peu à l'oral ce que je vous livre par écrit ci-dessous. 
Vous vous reconnaîtrez sans peine dans son désespoir quand je vous aurai raconté que, BB2 fraîchement arrivé, numéro 1 entrant dans l'âge béééééniiiii des 3 ans, ledit numéro 1 persistant à asticoter BB2, le réveillant, lui faisant mal, hop, la maman a craqué et hurlé sur son fils avant de fondre en larmes devant le regard terrorisé dudit fils. 
Grand moment de parentalité comme nous en chérissons tous des versions dans notre cœur.
Je lui dédicace ce billet avec des tas de bisous en prime.


Un article tout récent découvert chez Shivamama m'a remis en tête ce billet que j'avais entamé il y a plusieurs semaines.
En effet: commencer à s'intéresser à la parentalité positive, pour un parent (=qui a déjà des enfants = qui interagit déjà avec eux au quotidien = dont la patience et les bonnes intentions se frottent régulièrement à la réalité de ce que sont lesdits enfants - USANTS), constitue une expérience un peu mi-figue mi-raisin
  • Le raisin: youpi plein d'outils pour faire différemment de ce qui ne me plaisait pas franchement dans les modèles d'éducation que j'avais vécus! Je vais pouvoir faire gaffe à lui éviter des blessures émotionnelles ! Plus besoin de crier menacer punir taper ! Voilà de quoi devenir le meilleur parent du monde.
  • La figue: aaargh mais c'est compliqué d'utilisation! Et le résultat n'est pas toujours là /ça n'a pas transformé mon quotidien de parent qui galère en croisière tranquille ! Et je me retrouve à crier menacer punir taper ! J'ai de quoi devenir le meilleur parent du monde en théorie mais je ne suis pas fichu de m'en servir je suis donc un parent mauvais qui cause 1000 dommages émotionnels à mes enfants. Et en connaissance de cause en plus.

Eh bien oui.


Y a de gros ratés et ça ne veut rien dire sur la qualité de l'éducation que je leur donne.
Eh oui, malgré tous les outils de parentalité positive, nos chérubins sont loin de toujours coopérer. On se prend des bides monumentaux. Est-ce que cette absence de fiabilité 100% (satisfait ou remboursé!) est le signe que la parentalité positive "ne marche pas"?
Non.
Car peu importe le style d'éducation, les enfants sont loin de faire tout ce qu'on leur demande. 
Ce ne sont pas des robots, il n'y a pas de "bonne formule" qui produise un résultat assuré: ils ont leur volonté propre, ils ont donc la capacité à vouloir ce qui est bien pour eux et/ou leur entourage, ou à vouloir le contraire. Nous cherchons à éduquer cette volonté, les outils de parentalité positive visent à renforcer cela, mais parfois ça marche, parfois ça marche pas. 
D'ailleurs, nous-même, adultes, faisons-nous toujours ce qui est bien pour nous et notre entourage ?
 (écrivait sentencieusement Gwen en cachant discrètement une demi-tablette de chocolat sous une feuille de papier). 
Notre volonté s'éduque sur toute une vie.
(c'est pourquoi, c'est promis, j'arrêterai le chocolat. 
A 105 ans - chez moi on vit vieux)
Alors déjà rassurons nous: tout le monde est dans le même bateau. Personne, même les blogueuses aux billets les plus merveilleux sur le sujet, ne vogue parfaitement calmement sur les eaux de la parentalité
Qu'on se le dise : le fleuve Parentalité n'est pas adapté aux croisières pépères. C'est plus un terrain à rafting.

En revanche je vous avouerais que moi ces derniers temps je vis tout cela de manière un peu plus cool. Mes enfants ne se sont pas mués en petits anges, certes. 
Cependant au bout d'une grosse année de travail, je constate que l'usage répété, acharné, obsessif (?) des outils de parentalité positive glanés ici et là, s'est tout de même traduit, objectivement, par une baisse du nombre des conflits, doublée d'une baisse de leur intensité moyenne (j'insiste sur l'adjectif moyen. Ça veut dire que même si globalement les conflits partent moins en vrille qu'avant, il s'en produit toujours, de temps en temps, des sacrément carabinés).

Par ailleurs, ce qui a changé, c'est mon attitude, mes attentes.
Envers mes enfants, d'abord. J'en parlais notamment ici.
Mais surtout: peu à peu j'ai révisé mes attentes envers moi.

J'ai décidé que certes. Il m'arrivait toujours de faire n'importe quoi, certes je commettais plein de grosses bonnes boulettes éducatives, certes il ne s'agissait pas de se complaire dedans en mode "j'm'en fous, j'suis comme ça", certes j'allais continuer à enrichir mon répertoire d'outils éducatifs et m'efforcer d'y avoir recours le plus souvent possible, à ce répertoire.
Mais que ma perfection parentale n'était ni nécessaire, ni même bonne pour mes enfants.
Ce qui nous amène à mon second point.

Y a de gros ratés et c'est pas grave. La perfection parentale n'est pas nécessaire!

L'angoisse pour la maman pas parfaite mais qui a regardé des vidéos youtube et lu des tas de billets de blog, c'est de causer par ses réactions des dommages émotionnels à son môme. 

J'ai crié menacé tapé = je l'ai traumatisé. 

C'est une équation vite faite aujourd'hui où les récentes avancées en neurosciences soulignent l'impact négatif de ce genre de mesures éducatives sur le développement du cerveau de l'enfant et notamment sur le développement des zones gérant les émotions. Les travaux de Catherine Guéguen sont fréquemment invoqués pour sensibiliser les personnes s'occupant d’enfants à l'importance d'éduquer avec douceur etc.
Yep.
Eh bien, en ce qui me concerne j'ai beaucoup aimé Catherine Gueguen. 
J'ai appris pleins de choses que j'ai vite oubliées, genre toutes les finesses de ses démonstrations scientifiques et toutes les précisions données, jargon scientifique inclus, sur le fonctionnement du cerveau, ses zones etc.
Mais j'ai retenu les lignes directrices dont j'avais besoin pour fonctionner au quotidien.
Et j'ai surtout retenu un truc essentiel pour ma survie émotionnelle à moi. Un truc fondamental pour atténuer un peu les montagnes russes dans lesquelles me projetteraient sinon mes moindres écarts de la ligne du parti, écarts involontaires mais hélas loin d'être rarissimes.

Le cerveau de l'enfant est plastique.

C'est pour cela que je déteste, que je hais, que j’exècre une des images qui circule sur Facebook dans les milieux de l'éducation positive : vous l'avez probablement déjà vue, celle comparant l'enfant a du bitume tout frais et posant la question des traces que nous voulons y laisser...?
C'est une image hyper parlante mais terrifiante: l'aspect indélébile des traces laissées... brrrrr.

Eh bien non. 
Comme je l'écrivais déjà l'an dernier, je préfère me rappeler que le cerveau de l'enfant se répare, que c'est la répétition, le systématisme de réactions parentales inadaptées qui causent du dommage.
Donc si avec les outils de parentalité positive je réussis à baisser mon recours aux punitions, menaces, etc, de 10, 20, 40, 80% : mon enfant en tire déjà énormément de bien. 
Or ça je peux le faire, c'est dans mes moyens. 
Et pas que moi... lors d'une discussion récente avec une bonne copine récemment initiée à Faber et Mazlish, celle ci me confiait 
"oh, il m'arrive toujours de les menacer, c'est même encore assez fréquent... mais en fait avant c'était un peu ma seule manière de faire, je ne faisais que ça. Aujourd'hui y a plein de fois où je n'ai pas besoin d'en arriver là, j'arrive à régler le problème autrement." 
C'est-y-pas méga chouette !?!?

Donc déjà, hein, détendons nous: la parentalité positive ce n'est pas tout ou rien, ce n'est pas blanc ou noir, ce n'est pas parce qu'on agit de manière suboptimale dans une situation donnée (ou mille)  qu'on doit se bannir du club des parents positifs. 
Il est vrai que le club des parents positifs parfaits (le fameux PPP) est un club vraiment vraiment très fermé, lui. Tellement fermé qu'il n'y a personne dedans. C'est fâcheux!


Y a de gros ratés et heureusement: mon enfant en a besoin!
Non seulement l'enfant n'a pas besoin de notre perfection mais notre perfection parentale lui serait nuisible.

1. Est-il parfait, notre enfant? 
Non!!! (Celles qui ont répondu oui... arrêtez les petites pilules roroses)
Et quand on n'est pas parfait, que ressent-on à fréquenter des gens parfaits?
Complexes, découragement, mauvaise estime de soi, culpabilité, haine...?
Hum. Joli tableau.
Ben notre enfant c'est pareil.
Notre enfant n'a SURTOUT pas besoin d'avoir l'impression que si lui échoue à être parfait, c'est vraiment qu'il est nul. 
En revanche notre enfant a ABSOLUMENT besoin de voir quelqu'un faire des erreurs, les reconnaître, et les réparer. Comme ça il n'aura pas peur d'en faire, et il saura les gérer.

2. Notre enfant sera-t-il un parent parfait ? 
Y a peu de chances. 
Eh bien il vaut donc mieux qu'il n'ait pas l'impression d'être un pire parent que les siens ne l'ont été pour lui. On a tous envie de faire mieux que nos parents, mais comment faire si c'est impossible ? 
J'ai été marquée par une discussion avec quelqu'un dont le père jouissait d'une réputation proche de la sainteté... compliqué pour son fiston de vivre avec cette ombre formidable et l'impression continuelle que, peu importaient ses efforts à lui, ses petites et grandes réussites : il ne ferait que moins bien.
Faire des erreurs avec nos enfants, et les reconnaître, c'est leur laisser le champ libre pour ne pas faire les mêmes, mais d'autres.

Alors hein, il ne s'agit pas de foncer allègrement en mode "youhou, allons y gaiement"
Mais voilà. Au quotidien, je fais de mon mieux. En fonction, du temps, du vent, de l'âge du capitaine.
Et quand je foire un truc, j'en fais une opportunité à la Jane Nelsen
  • une opportunité d'apprentissage pour moi 
    • comment en suis je arrivée là, 
    • qu'est ce que ça me révèle sur mes besoins non satisfaits, 
    • que pourrais-je mettre en place pour me sentir mieux, 
    • à quelles alternatives aurais-je pu avoir recours (au besoin j'appelle ma propre Hotline huhuhu)
  • et pour mes gosses, qui m'observent
    • comment exprime-t-on qu'on a fait une erreur
    • comment cherche-t-on a la réparer, 
    • comment travaille-t-on à éviter qu'elle se reproduise, 
    • ah zut elle se reproduit ah ben tiens on continue à travailler dessus. et re, et re, et re.
Et encore : même ça je ne le fais pas parfaitement. Mais au lieu de me retirer des points à chaque fois que je ne le fais pas, je me congratule pour chaque fois où je le fais.

Parce que c'est bien joli de dire que notre enfant se développe mieux si on cherche à renforcer chez lui les comportements positifs plutôt que de nous focaliser sur la répression du négatif.
Mais jusqu'à preuve du contraire notre cerveau est fait sur le même modèle que celui de notre enfant, donc autant s'appliquer ces principes à nous-mêmes.

Charité bien ordonnée...


14 commentaires:

  1. Bonjour Gwen

    Un très bon article ! Je te remercie de nous l'avoir écrit.
    Ce lâcher prise est important, et il est vite tentant de s'enfermer dans le "je vais devenir le parent parfait", car c'est impossible.

    On apprend de nos erreurs, et c'est clair que c'est grâce à nos enfants qu'on apprend aussi à être mieux.

    J'aime beaucoup les points positifs plutôt que d'enlever des points.
    Enlever des points ça donne qu'à un moment on est à 0. On fait quoi à zéro ? On arrête d'être parent ?
    Non non, c'est certain, on est parent pour toute la vie, et grâce à nos enfants, on sera mieux qu'hier et moins bien que demain :)

    A bientôt
    Evan

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    1. Merci Evan. Oui, ne pas s'enfermer ! Et excellente, ton interrogation sur le niveau 0... y a pas de permis à points pour la parentalité en effet !

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  2. Salut Gwen.
    J'aime beaucoup ton article ! En particulier, ça me réconforte de penser que mes ratages auront moins d'influence que mes efforts répétés pour les éviter... Je débute en éducation positive, je suis pour le moment plus dans la prise de conscience de la violence ordinaire. Qu'il est dur de changer !
    Continue tes articles, s'il te plait, ils font du bien.
    Cordialement
    Raf

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    1. Salut Raf, que ton commentaire me fait plaisir ! Tout au long du chemin, on a vraiment besoin de réconfort, alors si ce billet en donne, je suis ravie.
      Promis, j'ai encore beaucoup de choses sur lesquelles déblatérer ;-)
      bonne journée
      Gwen

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  3. C'est tellement vrai ce que tu écris. En fait, malgré nos mégas râtés, je crois que nos enfants tiennent notre ligne directrice. Dernièrement ma fille s'est fait tapé par une de ses amies (réaction fort disproportionnée au vu de l'agression mais peut importe) et elle en a été très affectée. Elle s'est mise à hurler "mais ma maman elle ne me tape JAMAIS!"
    Moi de mon côté, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que ce n'était malheureusement pas si vrai vu que la pauvrette s'est, malgré toute ma bonne volonté, pris quelques claques....
    À d'autres moments, elle a pu dire que son papa et sa maman ne la grondaient pas (euh ? Es-tu certaine de ce que tu affirmes ?)
    Bref, faire des erreurs, les reconnaître, expliquer à son enfant qu'on tâchera de mieux faire la prochaine fois est finalement très positif !
    Vive la plasticité cérébrale !
    Servane

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    1. Excellent ton témoignage ! Mais c'est marrant je viens justement de lire que si on se comportait de manière empathique avec un enfant 6 fois sur 10 il avait de nous l'image d'une personne empathique. Ça colle bien avec tes exemples !
      Et tellement plus libérant

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  4. Très juste ton billet ;) Et puis, pour moins attendre des enfants (et donc moins risquer de s'énerver), il est utile de moins attendre de soi. ;)
    Bonne journée Gwen !

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    1. Merci Isa. En effet, depuis que je n'attends plus de mes enfants des choses irréalistes, je suis plus zen, puisque je n'attends plus de notre éducation qu'elle "produise" ces choses.

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  5. Je viens relire ton article après un gros ratage aujourd'hui et ... ça fait du bien !! Merci Gwen !

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    1. Ah, chouette. C'est douloureux un ratage, mais je suis heureuse que tu puisses trouver des ressources qui te relèvent et non t'enfoncent.
      Demain est un autre jour. Au cours duquel nous raterons encore, chacune, mais nous apprendrons beaucoup ;-)

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  6. Oooooh ça me rappelle que tu m'avais dit une fois quand j'étais dans ma phase désespoir post-P : "Imagine, avoir une mère parfaite, ça sera hyper angoissant" ?
    je ne sais pas mettre des smileys coeurs en commentaire mais l'intention (le coeur ;-)) y est :-)

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    1. Ah tiens je disais déjà des choses aussi intelligentes à l'époque ?!?!
      😋
      Mais je te 😘😍en retour

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  7. Ton témoignage est vraiment intéressant et pertinent. Je n'ai pas d'enfants mais je m'occupe de plusieurs enfants après l'école (6 ans et deux ans et demi). J'essaie d'appliquer les principes positifs ou bienveillants quels que soient le nom qu'on leur donne, ça fonctionne encore davantage que ce que j'aurais pensé, mais bien entendu, moi je ne les ai pas toute la semaine... Parfois je suis fatigué j'ai mal au dos à la tête ou que sais-je, je m'impatiente, je hausse la voix, trop. Et dans ces cas là j'essaie toujours de m'excuser, de montrer que je fais aussi des erreurs, que la règle ne change pas pour autant mais que j'aurais pu l'exprimer autrement. Je pense que c'est un message important à faire passer

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    1. Merci Irène !
      Oui tu as déjà beaucoup de chance (et les enfants dont tu t'occupes aussi) de pouvoir ainsi démarrer ton apprentissage dans des conditions plus "cools" (pas de H24), mais qui te sensibilisent déjà au fait que les erreurs font partie de la vie.
      Et tu précises très justement l'importance de dissocier l'erreur du principe : ce n'est pas parce que (exemple pris au hasard) on a refusé une 3ème part de gateau au chocolat d'une manière inadaptée que pour s'excuser de ce raté, on doit donner la part de gateau au chocolat ;-)
      D'ailleurs Haim Ginott précise fort justement que quand on demande pardon à un enfant, qu'on reconnait ses fautes, on ne doit pas le faire en recherchant l'absolution. L'enfant a toujours le droit de nous en vouloir, et nous n'avons pas non plus à nous mettre en 4 jusqu'à ce que son ressentiment s'évanouisse.

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