vendredi 24 mars 2017

Gestion de colère et perfection

La gestion de sa colère en tant que parent constitue une sacrée problématique.
D'abord, il y a différentes écoles, et il m'a fallu du temps pour trouver la mienne.
Ensuite, eh bien une fois qu'on a trouvé le chemin sur lequel on veut marcher, encore faut-il réussir à le suivre. Point toujours facile, et j'avais abordé le sujet ici et .

Mais ça bouge, ça bouge, ça a bien bougé, et ça bouge encore.

Revenons un peu en arrière.

Le besoin que j'avais de me renforcer encore pour mieux gérer cet aspect là n'avait pas été pour rien dans mon insistance pour que nous participions dès l'automne à des ateliers Faber & Mazlish.
Puisque j'avais mis le doigt sur le fait que me sentir mieux outillée permettrait de prévenir beaucoup de conflits donc de tuer dans l’œuf beaucoup d'occasions de colère, je comptais beaucoup sur ces ateliers pour m'aider dans cette voie. Il s'agissait d'une urgence vitale à mes yeux !

Ateliers débutés fin novembre....
et mois de décembre, vraiment, vraiment difficile.
Je crois qu'un des pires moments fut un jeudi matin, c'est-à-dire quelques heures à peine après l'un de nos ateliers, où, paf rebelote.
Oui, paf.
Paf, comme dans "je sors à peine d'un atelier F&M que mon gamin s'en prend une".

En fait, je venais de dérouler toute une série d'outils, et notamment, de sortir enfin les fameuses routines imagées sensées devoir nous offrir des lendemains qui chantent matins plus sereins et efficaces, et tous mes efforts... se traduisaient par un flop total, tout ce matin n'avait été qu'un long et pénible enchaînement de conflits et d'efforts vains de ma part pour en sortir par le haut.
Mes outils tout neufs ! Sur lesquels j'avais tant compté! J'avais espéré un déroulement parfait, un enchaînement fluide, et je me suis retrouvée soudain complètement impuissante. A poil.
D'où : paf !
Désespoir total.

Puis vinrent les vacances de Noël, et avec elles, deux choses
  • un temps plus calme, moins de confrontation directe avec F. puisque présence de Monsieur Bout en continu, voyage dans les familles, maisons pleines, éventuels cousins pour jouer, bref, atmosphère favorable à ce que les esprits se calment
  • et surtout : lecture de Jane Nelsen, relecture de Jane Nelsen, rerelecture de Jane Nelsen, digestion de Jane Nelsen et ponte des 3 billets subséquents (1, 2, 3... soleil! OK je sors).

Chez Jane Nelsen, j'ai lu cette citation du psychologue A. Dreikurs 
"un enfant qui se comporte de manière inappropriée est bien souvent un enfant découragé. Il en va de même pour les adultes."
Et en effet : à l'origine de beaucoup de mes colères, on trouve (trouvait ? les choses ont tellement évolué  justement!) un sentiment d'impuissance terrible.

Ce fameux jeudi en était un exemple éclatant.

Mais justement, il se trouve que chez moi, la lecture de Jane Nelsen a entraîné une espèce d'érosion de ce sentiment d'impuissance, jusqu'à sa plus ou moins complète disparition.
Je parle d'érosion car cela s'est fait graduellement : à mesure que je m'imprégnais des mots de cette chère Jane, et que je faisais mienne sa vision des choses.

En effet, chez notre amie Jane, la disparition du sentiment d'impuissance du parent est permise par le fait que le travail sur le comportement inapproprié de l'enfant vise moins à faire disparaître ledit comportement dans l'instant qu'à favoriser le développement de compétences sociales sur le long terme.
C'est énorme, ça !
Cela me redonne un sentiment de puissance monstrueux puisque en tant que parent, hein, je peux (souvent) être impuissant à obtenir un effet immédiat ... alors qu'au fond, je suis toujours en capacité de faire en sorte que cet épisode nous fasse aller dans la bonne direction, qu'il soit utile à long terme : m'éloigner de la perfection dans le présent (le gosse sage comme une image) pour aller vers une maturation dans le futur.
Les leviers sont très différents, puisque
  • dans le premier cas, la balle se retrouve quasi tout de suite dans le camp de mon enfant, lequel peut très bien choisir de ne pas la renvoyer (et ne s'en prive pas); 
  • dans le deuxième cas, c'est mon comportement qui est déterminant, et ce comportement-là, je le maîtrise davantage...

Quelle sérénité j'ai gagné !
La lecture de Jane Nelsen m'aura ainsi permis de mettre le doigt sur une incohérence fondamentale de l'éducation traditionnelle, incohérence cependant tellement répandue que je l'avais reprise à mon compte sans même m'en apercevoir
En effet, que se passe-t-il dans un cerveau de parent lambda (ou, en tous cas, dans le mien), et en général dans les yeux de la société, en cas de mauvais comportement du gosse ?
  • on lie le mauvais comportement à des enjeux long terme, en le généralisant : argh mon enfant n'est pas obéissant, si il continue comme ça il va finir en prison
  • et on emploie des solutions court terme, visant à se rassurer, à sortir de cette angoisse intolérable par le stoppage tout net du comportement concerné... solutions qui peuvent (ou pas) fonctionner à court terme, mais seront nuisibles à long terme.

Jane Nelsen offre quelque chose de tout à fait opposé..
  • il s'agit de considérer le comportement dans son contexte comme l'expression d'un problème dans l'instant (si l'enfant tape, il n'est pas violent fondamentalement, il tape à ce moment précis car à ce moment précis il est frustré, en colère, en demande d'attention)
  • et d'employer des solutions qui vont porter du fruit à long terme.

Cela a changé beaucoup de choses chez moi
  • Plus de sérénité, plus de calme, plus de hauteur de vue
  • Mais aussi un comportement différent, car dorénavant j'accepte mieux d'investir.

Car voilà : 
oui, quand je me laisse la colère s'emparer de moi, c'est le découragement qui parle. 
Et oui oui oui, si je sais que j'ai une marge de manœuvre, je peux être moins découragée.
En revanche, comme il est répété plusieurs fois chez Jane Nelsen, puis-je exiger de mon enfant de savoir mieux maîtriser sa colère / les effets de son découragement que moi ? 
Non. 
Dans le sens que je ne peux exiger un résultat parfait. 
Ni de lui, ni de moi. 
Mais des deux, je peux exiger des efforts dans le bon sens.


D'où il s'ensuit que, face à un comportement relou, je visualise le choix de manière plus claire :
  • agir dans l'instant, que ce soit en surréagissant, ou en n'agissant pas. A noter, ne pas agir, cela peut se faire sous deux formes : 
    • fermer entièrement les yeux en mode permissif (piétiner sa propre limite), 
    • ou laisser le mauvais comportement perdurer en se disant "J'm'en fous, il en gèrera les conséquences / tout truc se rapprochant de la punition, il ne perd rien pour attendre, grrr."
  • ou investir dans l'avenir : prendre le temps d'enseigner.



Un exemple: le pillage de placards nocturne. Je vous en avais parlé ici, en ayant changé notre manière de réagir et mis différentes choses en place nous avons connu, avant et après Noël, plusieurs semaines tranquilles qui me rendaient très optimistes. Et puis c'est revenu.
  • Variante A: je suis furieuse d'être réveillée en pleine nuit / aux aurores / juste 30 minutes avant l'heure de mon réveil bon sang ! par des bruits suspects dans la cuisine, 
    • c'est un scandale, je vais lui montrer de quel bois je me chauffe et lui faire percevoir une bonne fois pour toutes que ce n'est pas OK : 
    • furibarde je fais irruption dans la cuisine, morigène mon fils, crise, pleurs, cris, la journée commence bien.
  • Variante B:  je suis tout aussi furieuse mais la fatigue vainc, 
    • hors de question que je sorte de mon lit, donc j'y reste en me raccrochant mentalement au fait que de toute manière les jours suivant les nuits de pillage, le biscuit/chocolat habituel de fin de repas saute. 
    • Ce qui est une conséquence logique tout à fait acceptable dans de nombreux cas, et notamment si c'est appliqué de manière très calme en mode "tu as déjà eu ta part"; mais là dans mon cerveau, ce n'est pas calme, c'est "et paf!", ce qui en fait une punition plus ou moins déguisée. Qui s'assortit, au matin, d'un petit sermon.
  • Variante C: je suis furieuse mais je me lève dès que j'entends le moindre bruit, 
    • je réoriente son comportement en lui demandant quelle est la règle ("on ne se lève pas avant que le premier chiffre ne soit un 7", "on peut prendre des cracottes et/ou une banane", etc), 
    • j'accueille ses sentiments "tu aurais très envie de...", 
    • et je lui offre des choix : 
      • "est-ce moi qui remets la boite dans le placard ou est-ce toi ?" 
      • "Préfères tu être porté pour remettre dans le placard ou le faire tout seul ?" "
      • "préfères-tu être porté pour retourner dans ton lit ou est-ce que nous marchons ensemble ?"
    • en rajoutant si nécessaire un "c'est difficile pour toi de ne pas..., il faudra que nous en rediscutions pour trouver des idées qui t'aident", annonçant une future démarche de résolution de problème.
    • Et si nouveaux bruits bizarres plus tard, rebelote. Y compris si il agit parfaitement dans les règles (cracottes) : il s'agit de l'accompagner face à la tentation, et d'en profiter pour valoriser son comportement à l'aide de compliments descriptifs "je vois que tu es soigneusement allé vérifier l'heure, et là tu as vu qu'il était seulement 6h (gningningniiiiin)"
    • Compliments descriptifs que je m'efforce d''utiliser aussi quand il est à moitié dans les clous : il  lui est bien plus facile, d'ailleurs, de reposer les cracottes à 5h du mat' une fois que j'ai souligné qu'il avait pensé à prendre ce dont nous étions convenus, et qu'il avait juste oublié de regarder l'heure.

Prendre le temps d'enseigner... c'est vraiment un point sur lequel j'ai énormément travaillé, et dont j'ai l'impression que je m'imprègne chaque jour davantage. Un point qui contribue grandement, je crois, à cette sérénité dont j'ai également l'impression qu'elle se fait de plus en plus profonde.
A une bonne copine au téléphone tout récemment, qui me demandait de mes nouvelles, je disais à un moment que ça allait vraiment bien (mieux) avec les enfants, et j'ajoutais "oh bien sûr il y a toujours des moments de désespoir, mais..." et puis je me suis corrigée direct : non, il n'y a plus de moments de désespoir, en fait. 
Des moments de solitude, des moments d'énervement, des moments de crise, oui! 
Mais je ne désespère plus: le plus ou moins gros grain de sable ne me fait plus vaciller, moi, sur mes bases. Je manque peut-être d'inspiration pour bien gérer le moment présent, mais je ne doute plus de mes capacités à gérer, globalement, l'éducation de mes enfants, ni des résultats que mes choix éducatifs vont produire.

Des résultats pas parfaits, non plus ! 
Mais je ne l'exige plus de nous.




3 commentaires:

  1. Merci! Merci pour cet article que je lis comme un encouragement!

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    1. Merci de ce retour ! Et OUI c'est un encouragement... au sens de Jane Nelsen, justement ;-)

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  2. Oh la la mais qu'est ce que tu expliques bien ce que tu as compris !!! ça va m'aider à partager autour de moi ma vision des choses... Et je suis bien d'accord on ne "gronde" pas la bêtise pour avoir un enfant parfait sur le moment, on accompagne l'enfant pour qu'il devienne/reste quelqu'un... (et ce quelqu'un se définit selon nos valeurs). Par contre cet accompagnement demande de l'énergie et du temps et surtout de l'énergie (se lever du lit à 5 h du mat' de bon poil en se disant "je vais faire ce que je sais être important..." pfiou...).
    Merci pour ce beau partage.

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