lundi 2 juillet 2018

10 points à discuter en couple au moment de s'embarquer dans l'instruction en famille

Allez, zou, aujourd'hui, une tranche de courrier des lecteurs !

"maintenant que ma 2e fille est née et que je suis en congé de maternité, on se lance dans la grande aventure de l'IEF. On en parle depuis 2 ans avec mon homme (depuis que j'ai découvert que ça existait en fait), et on est dans une optique d'essayer et, comme vous en fait, de réévaluer chaque année si chaque membre de la famille y trouve son compte.
Bref, ma question est: quels sont les points à bien discuter en couple avant de se lancer. Genre une liste des sujets à aborder pour vérifier qu'on est bien sur la même longueur d'onde et qu'il n'y a pas de malentendu. Que ce soit niveau pécunier, niveau éducation, niveau instruction proprement dite, niveau vie sociale/relationnelle, etc."
Ch'est une bonne question, cha, car le choix d'instruire soi-même ses enfants (=Instruction En Famille = IEF pour les intimes) étant loin d'être un choix conventionnel, il peut être source d'un certain nombre d'angoisses : que vont devenir nos poussins sur ce chemin non balisé ???
Or, l'angoisse activant les zones de notre cerveau les plus archaïques, tout sujet angoissant se prête particulièrement bien aux prises de bec, notamment conjugales.

Voici donc un aperçu (vu de ma fenêtre), des points qu'il vaut mieux aborder de manière un peu détaillée avec son conjoint, au fur et à mesure que le projet d'IEF se dessine.




I. Autour de l'instruction en elle-même

  • 1. Le mode d'instruction 
Cela suppose de parler des raisons du choix de l'IEF, qui orienteront la manière dont on fait IEF. S'agit-il de laisser l'enfant suivre son rythme ? De lui éviter une collectivité violente ? D'éviter l'école du coin au niveau affligeant ? (à noter, on peut avoir des raisons très différentes de son conjoint pour choisir l'IEF. Ce n'est pas un problème en soi. Mais quelque chose qu'il faut avoir en tête car du coup, le "succès" de l'IEF ne se mesurera pas de la même manière pour l'un ou pour l'autre, et donc cela demandera plus de communication)
Du coup, quels objectifs se donne-t-on, que doit apprendre l'enfant ? Comment ? Quelles méthodes ? Typiquement, si une maman pratique le unschooling avec ses enfants et se retrouve dans le cas d'un enfant qui n'entre pas dans la lecture tôt, mais plutôt plus tard, y a intérêt à en avoir discuté avec le papa car cela peut générer pas mal d'angoisses et de tensions : "Euh, mais, euh, il apprend des choses ?"
A ce niveau, il peut être bon d'avoir discuté un peu de la manière dont on imagine une journée-type se dérouler. D'ailleurs, discuter de la manière dont une journée type dans l'éducation nationale se déroule, ainsi que des attendus de fin d'année / de cycle, peut aussi être utile pour permettre de mettre les deux en regard. (n'oublions pas que même si nous sommes tous plus ou moins passés par le système, nous avons quand même oublié l'essentiel de ce qui s'y passait, surtout pour les premières classes !)

  • 2. L'éducation 
Bon, de toute manière, c'est une discussion à laquelle on ne coupe pas, IEF ou pas. Mais, pour l'avoir vécu, à certains moments, l'IEF peut venir en rajouter une couche. Entendre le papa dire "mouais, à l'école, quand même, au moins il apprendrait le respect des règles", ça peut être un poil énervant.
En effet, avec l'IEF, on décuple le poids de notre style d'éducation sur nos enfants, au détriment de celui d'influences extérieures. Il faut donc être bien conscient que l'IEF/notre style d'éducation peut vite se retrouver dans la ligne de mire si l'enfant manifeste des soucis de comportement.


  • 3. Les alternatives à l'IEF
Quelles seraient, à vue de nez, les points qui nous feraient envisager une scolarisation ? Les conditions pour que cela soit envisageable ? C'est important, parce que cela conditionne aussi une partie des efforts / de ce qu'on est prêt à prendre sur soi. 
Ainsi, chez nous, tant que nous étions à Strasbourg aucune école ne me semblait pouvoir convenir à F., donc il aurait fallu beaucoup beaucoup de soucis avec l'IEF pour me faire lâcher le morceau.


  • 4. L'implication de l'autre parent 
Va t il prendre certains trucs en charge ? 
Quel degré d'information voudra t il avoir ? 
Quel soutien logistique lui sera demandé ? Par exemple, moi, je sollicite Monsieur Bout pour imprimer ce que j'ai à imprimer. Parfois, c'est un bon nombre de pages... 
Quelle liberté pédagogique /  respect des méthodes du parent instructeur ? 
"Naaan faut pas lui parler du Moyen age, j'ai prévu qu'il découvre tout ça par lui meme la semaine prochaine tu gâches tooooout" ou inversement "euh, t'amuses pas à lui donner le nom des lettres surtout, faut dire leur son ! C'est pas 'pé', c'est 'pppp'
  • 5. La place dans l'espace
Quel impact sur l'organisation du logement, la répartition des pièces ? 
Si le salon devient le lieu d'instruction, la "visibilité" de l'IEF est à discuter : tout le monde n'apprécie pas la déco "planisphère et poster de tables de multiplication".
Idem, si ce qui était la chambre d'amis / l'atelier bricolage / le bureau est transformé en salle de classe, l'impact est à discuter ensemble.
L'IEF a une certaine tendance à coloniser l'espace de manière rampante...



II. Autour des effets secondaires de l'IEF


  • 6. La fameuse sociabilisation 
Ah, ça, c'est un vrai sujet, une inquiétude, une question qui revient partout, et sur laquelle on ne peut pas faire l'impasse.
Donc, il s'agit de parler de l'impact sur la vie sociale de l'enfant : quelles rencontres, quelles sorties possibles, à quel prix.
Mais du coup, question annexe, car cette vie sociale peut notamment être reliée à la question du mode de locomotion. Si il n'y a qu'un seul véhicule dans la famille, et qu'il est nécessaire pour envisager un certain nombre de ces sorties, comment peut-on faire ? Se répartir la semaine de manière à ce que les sorties nécessitant un véhicule puisse se faire sur les jours où le conjoint se débrouille pour se rendre au boulot d'une autre manière ? 
Mais il faut également parler de l'impact sur la vie sociale de la maman : je l'ai vu chez nous, déjà que je suis, au départ, plus sociable que Monsieur, mais là, mon envie à moi de voir du monde, de faire voir du monde aux enfants, m'incite à vouloir également profiter des weekends pour cela, et cela a pu rentrer en friction avec l'envie de calme de Monsieur Bout. 


  • 7. L'organisation de l'année. 
Veut-on en profiter pour partir en dehors des vacances scolaires ? Faire de méga voyages ? Bosser en été mais partir hors saison au ski ? Passer 3 mois dans la ferme du voisin / cousin au moment des récoltes ? 
Le rythme de l'IEF étant potentiellement très déconnecté de celui de Monsieur et Madame Tout le Monde, il est bon d'y réfléchir: en effet, la déconnexion peut aussi se faire avec le conjoint, qui devient le seul à avoir des lundis, ou avoir un calendrier de congés qui n'a rien à voir avec le calendrier choisi pour l'IEF. 
Ce point là est sembler moins important en tant que tel, mais il ne faut pas sous-estimer le risque qu'il peut y avoir de creuser un fossé dans la famille.
Par ailleurs, discuter ce point permet de débusquer des aprioris, mais aussi, de découvrir des possibilités : quelles sont les choses, même un peu folles, que l'IEF nous permet d'envisager ? C'est alors aussi l'occasion, pou nous parents, de rêver un peu ensemble, même si on peut très bien décider, après avoir déliré pendant 1h sur le tour du monde en bateau, qu'on se contentera d'offrir aux enfants des stages de voile en début de saison, donc à un prix abordable. Rappelons-le, rêver ensemble, c'est bon pour le moral.
  • 8. L' équilibre de la maman / du parent instructeur
Trèèèèèès important !
Il s'agit que chacun soit conscient que l'IEF est une responsabilité supplémentaire, pas légère, et donc de discuter de la manière dont on va s'y prendre pour éviter que le parent instructeur ne croule sous la charge : avec deux aspects, notamment : 
    • répartition des autres tâches. Déjà qu'être parent au foyer, non, ce n'est pas passer sa journée peinard devant la télé, il est important que le conjoint réalise que parent IEF au foyer, c'est encore moins peinard, et que donc si on doit privilégier certaines choses (l'instruction de notre enfant) ça pourra être au détriment d'autres choses ("mais c'est le bazar ici !" "Rho mais tu aurais pu passer à la Poste quand même, non ?". Ben parfois, non.) 
    • L'IEF signifie passer beaucoup de temps avec son enfant, et ça peut vite devenir du 24h/24... donc réflexion à avoir sur les moyens de s'arranger pour donner du temps "off, kid-free", au parent-IEF : 
      • aménagement des horaires de l'autre parent ?  (et engagement à vraiment consacrer le temps libéré à la gestion des enfants, bien entendu...) 
      • Recours à une aide extérieure ? 
      • Inscription au centre aéré ?
Un point qui nous amène au suivant
  • 9. l'impact financier de l'IEF

Cela suppose de travailler sérieusement sur le budget
    • impact de la perte de salaire due à la disponibilité demandée par l'IEF, 
    • impact de l'éventuel mode de garde destiné à soulager le parent instructeur, 
    • impact du mode d'instruction choisi (Cours par correspondance ?), impact de l'achat de matériel (si Montessori, par exemple)
    • Coût des sorties, des activités
Le choix de l'IEF va peser sur le budget, et donc, impliquer des sacrifices, ou au moins, des choix. Il est donc crucial que chacun soit OK avec les choix faits, afin d'éviter le "ah ben dis donc pourquoi il aurait droit à un globe terrestre et moi pas à une nouvelle paire de chaussures?", ou l'inquiétude devant l'invasion de la maison par de nouveaux supports, de nouveaux supers jeux hyper éducatifs. Quand on est parent IEF, on peut vite être tenté tous azimuts, et cela peut inquiéter (notre conjoint, mais aussi nous-même)
Un autre aspect à discuter est le poids psychologique pour le conjoint ramenant les sous. J'en avais parlé plus généralement dans ce billet, mais en effet, du coup, non seulement le conjoint peut se retrouver seul à porter toute la famille, mais en plus, de sa capacité à ramener le bacon dépend dorénavant un choix de vie important en plus.
Personnellement, quand en janvier nous avons eu certaines discussions un peu houleuses avec Monsieur Bout autour de ce point, j'ai mesuré à quel point l'IEF grossissait l'enjeu : si Monsieur Bout faisait un choix ayant de lourdes implications financières, c'était tout un mode de vie qui était remis en cause. Difficile de garder la tête froide quand on voit son univers menacé !


  • 10. Last, but not least : le discours vis à vis de l'entourage

L'entourage posera un max de questions, et ne nous leurrons pas, les "Whaou, super, vous avez bien raison" risquent de ne pas compter dans les réactions majoritaires. Yep, l'IEF contient un super potentiel de prise de becs avec l'entourage, qui ne se privera pas d'essayer de repérer si, au sein du couple, il n'y aurait pas un "maillon faible" sur la question.
Donc : que voulez-vous dire ? Pourquoi ? Comment communiquez vous sur le sujet, et qui communique ? Car l'un peut ne pas aimer la manière dont l'autre défend les choix ("nan mais là tu tends le bâton pour te faire battre / tu cherches le conflit"), ou l'autre ne pas aimer la manière dont l'un ne défend pas les choix faits : hum, cette impression d'être seul face à la belle-famille un peu hostile au projet, par exemple..



Voilà de quoi occuper quelques soirées! Ceci dit, hein, disons le tout de suite :  le propos d'un tel billet, et le but de toutes les conversations qui pourraient avoir lieu en conséquence, ne peut être d'éviter toute friction au sujet de l'IEF avec le conjoint. Il y aura de toute manière des moments un peu tendus, car chacun évoluant, il y aura un besoin de réajustement régulier. Mais le fait d'avoir déjà abordé ces points pourra toujours aider à ce que les points de vue de départ de l'un et l'autre protagonistes soient tout de même moins éloignés.
Parmi les sujets qu'il ne sert à mon sens pas grand chose d'aborder, c'est l'avenir long terme. Bon, si, on peut toujours tâter le terrain et avoir la surprise de s'apercevoir qu'on est tous les deux partants pour faire cela jusqu'au bac. Mais globalement, vouloir faire des projets long-terme en IEF, c'est vraiment tracer des plans sur la comète.

Bon, et vous, voyez vous des points qui devraient venir compléter cette liste ? Y en a-t-il qui ont particulièrement pesé / posé de soucis entre vous ?

2 commentaires:

  1. Je développerai le point 3, notamment sur les conséquences possibles

    Quand mon mari m'a dit "oui le niveau de l'école n'est pas top, mais tu pourrais les faire travailler plus le soir", il m'a fallu expliquer pourquoi je n'étais pas prête à accepter cette charge (et pourquoi je ne pensais pas que c'était bon pour les enfants).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ah et pour le 7, il y a aussi la question des activités annexes... si c'est pour rater la moitié des cours de l'école de musique / le karaté / la piscine, c'est un peu dommage de s'engager pour une telle activité.

      En fait, la question des activités "extra-scolaires" est aussi à prendre en compte, dans bcp de points (budget, organisation, sociabilisation, ...).

      Supprimer

Venez enrichir ce blog (et ma réflexion ainsi que celle des autres lecteurs) de vos commentaires et expériences...