vendredi 8 décembre 2017

"plutôt que de vous opposer trop vite..." - Petit Bout de Lawrence COHEN, Qui veut jouer avec moi? #11

Parmi mes tout premiers pas en parentalité positive, il y avait déjà eu le constat de la nécessité de réduire drastiquement l'usage du "non".
  • en prenant davantage conscience des besoins et du mode de fonctionnement d'un enfant, j'avais réalisé que beaucoup de "non" sont absurdes / en contradiction avec ceux-ci: 
    • dire "non" à un câlin, quand l'enfant en a besoin pour se calmer lors d'une colère, par exemple. 
    • Ou refuser à un enfant de s'habiller seul ou d'aider à mettre la table, quand il cherche à tout prix à s'exercer et à s'intégrer à la vie du monde.
  • en travaillant sur le mode de communication, et notamment en lisant Faber & Mazlish, j'avais constaté qu'il existait beaucoup d'alternatives à ce fameux "non". En mettant en pratique ce que j'y ai appris, je fais chaque jour l'expérience de l'efficacité, souvent bien supérieure, de mille autres manières de faire respecter une limite.

Le petit bout de Lawrence Cohen qui nous occupe aujourd'hui est venu encore enrichir ma vision du "non", et de ses alternatives.
Car la citation du jour est:
"S'il veut se lancer dans une tâche [qui ne vous convient pas], plutôt que de vous opposer trop vite, vous pouvez lui dire 'Bonne idée!'  "

Issue du paragraphe suivant :
Lawrence COHEN, "Qui veut jouer avec moi ? - Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants", p226.

Encore une fois, sa manière de présenter les choses m'a frappée: empêcher, interdire une action dangereuse, impossible, ou indésirable d'une manière ou d'une autre, ce serait donc nuire au développement de la responsabilité de l'enfant et de son esprit critique...? On le priverait de l'occasion de réfléchir par lui-même, d'anticiper des conséquences, voire de s'y confronter.

Et au fond, c'est logique! En tant qu'adulte, en tant que parent, nous avons à la fois l'expérience des désagréments possiblement causés par une action, et le souci de les éviter à nos enfants.
Mais peut-être cela nous pousse-t-il à être trop interventionnistes, et peut-être est-il bon que, de temps à autre, nos enfants en fassent l'expérience, au moins à travers cet imaginaire déjà si utile pour gérer leurs désirs...?

Concrètement, chez nous, il y a eu des applications proches des exemples donnés par L. Cohen, et j'ai apprécié la manière dont "rentrer dans le jeu" de F. permettait une inversion des rôles : à lui d'être la personne responsable dans notre duo. J'ai ainsi pu faire l'expérience, à la fois de la manière dont  le fait d'aller dans son sens
  • lui permettait, à lui, de sortir d'une logique d'opposition
  • et l'encourageait à anticiper et prendre des précautions utiles


Mais c'est dans un domaine un peu différent que j'ai particulièrement aimé comment rentrer dans le jeu de l'enfant pouvait l'amener à s'interroger sur l'intérêt de son comportement, et/ou percevoir les conséquences de sa propre logique si on la poussait jusqu'au bout.

Depuis la fin de l'été, et cela a connu sa phase la plus aigüe dans les semaines qui ont suivi le déménagement, F. a connu une période grossière bien marquée: "pipi caca prout" et j'en passe...

Les premières fois où, ainsi, il m'a dit que j'avais cuisiné du caca, j'ai contredit, expliqué, dit que cela ne me faisait pas plaisir après tout le temps que j'avais passé en cuisine. Résultat: nul.
Et puis j'ai pensé à ce passage et je l'ai appliqué:
- J'aime pas, c'est du caca!
- Oh ouiiii, j'ai cuisiné pleeeein de caca, ah oui vraiment c'est du caca!
- Euh... non non !
- Ah si, regarde, là j'ai fait du caca, et là c'est aussi du caca, et...
- Non non, pas du tout! C'est pas du tout du caca, c'est très bon, et j'aime beaucoup ça!

J'étais sur les fesses.
Et j'ai usé et réusé du même enthousiasme, dans des situations analogues, et à chaque fois c'est F. qui a de lui-même corrigé sa maman et tiré notre duo vers le haut.
Fondamentalement, être parent à deux, cela permet parfois de se décharger sur l'autre parent du rôle de la personne raisonnable... Mais en fait, pouvoir refiler cette position à son enfant, ça a du bon!

(évidemment, il y a des limites aux bénéfices de cette exagération: quand F. interpelle les gens à haute et intelligible voix "eh Madame qui pue des fesses!" (aaaah, ces grands moments de solitude que nous offre la maternité!), je vois bien que renchérir avec un "Oh oui, c'est une Madame qui pue, elle est PLEINE DE CACA!" pourrait, certes, permettre à mon gamin de se détourner de ce genre d'affirmations, mais poserait un gros, gros problème d'acceptabilité sociale #pourquoij'aipasfaitdespoissonsrouges)



Petits Bouts de Lawrence Cohen précédents: 
Mettre un terme à un jeu violent
Difficiles retrouvailles avec un enfant
Une bonne manière de jouer à la guerre (?) 
Une alternative aux câlins 
Déclarations enflammées 
Transformer une situation tendue en jeu 
Les enfants qui tentent de s'humilier les uns les autres 
De l'importance de l'éducation émotionnelle des  garçons 
Entraînement à la maîtrise de ses impulsions
Les aînés face aux plus faibles

7 commentaires:

  1. J'avoue j'ai bien ri avec l'exemple de la "dame qui pue des fesses"!
    Merci pour cet article qui me redonne un coup de booste pour encore plus faire attention aux multiples "non". Je tente toujours au max de ne pas refuser même si l'idée est irréalisable, exemple de mon fils fana de robotique "hé maman, aujourd'hui je veux construire une invention, mais une vraie hein, une qui fonctionne et qui sera incroyable!" "hhheeeu, oui héhé c'est une excellente idée! comment on va pouvoir faire?", puis il cherche des idées mais parfois il reste déçu de voir que ça tombe à l'eau parce que clairement il n'a ni le matériel ni les compétences pour réaliser son idée incroyable, encore moins le jour même.

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    1. merci Cendra!
      En même temps c'est cool, ces inventions qui ne marchent pas! ça lui donne l'occasion de voir qu'on peut rater et ne pas mourir pour autant...

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  2. Oh quel bel article qui me parle tant. Laisser nos enfants être maître de leurs choix, c'est les autoriser à ÊTRE tout simplement ! Une complicité partagée et tant de jolis moments offerts grâce à cette prise de position.

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  3. Rajouter des louches de caca à la place de petit Jo, j'ai tenté : si lui réagit sensiblement comme F, sa petite soeur en revanche trouve ça très drôle et en redemande. Le papa n'est pas fan...
    J'ai eu l'occasion de mettre en pratique cet article dimanche dernier. Au parc, petit Jo m'annonce qu'il compte dévaler la pente bouillasseuse, caillouteuse, glissante, à vélo (celle qui débouche sur un ruisseau d'eau stagnante et qu'il fait 2°). Je refrène ma première réaction d'angoisse, respire, repense à la lecture de cet article et lui dis : "Chouette idée, comment compte-tu faire pour que je n'ai pas à te repêcher dans le ruisseau tout sale, tout mouillé et tout grelottant ?" réponse : "tu vas voir !" (gloups). Et j'ai vu : il maîtrise parfaitement son véhicule et a du dévaler la pente une bonne dizaine de foi, riant de bon coeur ! ça valait le coup de le laisser tenter !

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    1. J'ai un peu le même problème avec E.
      D'ailleurs c'est une constante en parentalité positive, je trouve: très souvent, l'outil qui fait mouche avec un membre de la fratrie rate complètement avec le suivant, ce qui est fort embêtant quand on a besoin de trouver un truc qui soit valable pour les deux simultanément...
      Ceci dit chez nous, F. étant la force motrice des délires-cacahesques, quand lui ne trouve plus quelque chose de drôle, E. se lasse assez vite ... (ou pas)


      Bravo pour cette belle mise en pratique!

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