jeudi 28 novembre 2019

Développer l'empathie... ou l'égoïsme ? Petit Bout de "Aimer nos enfants inconditionnellement", d'Alfie Kohn

(bon, mon billet sur le lien supposé entre crise des enfants et la qualité de l'éducation que nous leur donnons n'est pas tout à fait finalisé… Mais j'ai un truc tout frais à vous raconter donc hop, petit billet de blog de circonstance, en mode "petit bout de livre" mêlé à un "moment de parentalité positive").

Cela fait quelques semaines que j'avance dans la lecture d' "Aimer vos enfants inconditionnellement", d'Alfie Kohn, offert par mon gentil éditeur (parce que je papillotte si joliment des cils). Je viendrai vous en dire plus dans un billet global, mais tout à l'heure, il s'est passé quelque chose qui m'a fortement fait penser au passage suivant.

Aimer nos enfants inconditionnellement, Alfie Kohn, pp. 93 et 94




Lire ces paragraphes, et toute la réflexion développée autour de l'empathie, m'avait bien fait réfléchir.
Ca fait belle lurette qu'en adepte de Faber et Mazlish, l'absurdité du recours aux punitions m'était évidente : la punition divertit l'enfant de ce qui s'est passé en le focalisant sur ses sentiments d'indignité, de rancœur, etc.
En parallèle, j'ai trouvé utile que F. et E. perçoivent les conséquences réelles de leurs actes : 
  • quand on renverse, on a besoin de nettoyer, 
  • quand on met du temps à se préparer, on peut avoir moins de temps pour la sortie projetée, par exemple. 
Et quand ils m'asticotent, je peux avoir moins envie de faire plaisir.

Mais justement, sur ce dernier point, ces paragraphes m'ont permis de prendre du recul et de me dire "Attention, quand j'exprime les choses comme ça, je peux les conduire à focaliser leur attention sur l'inconvénient qu'il y a pour eux-mêmes dans le fait de m'embêter, et à négliger le souci de ce que je ressens, moi."
Cette lecture m'a donc permis de repérer un truc : sans vouloir complètement renoncer à l'expression de mes envies ou pas de faire tel ou tel truc pour eux, j'ai réalisé à quel point je dois être prudente : en fait je risque, de moi-même, de leur présenter l'impact "maman n'a pas envie de jouer avec moi" comme étant bien plus important que l'impact "maman est embêtée". Je risque donc bel et bien, en cherchant à renforcer l'effet de mes paroles, de renforcer … des tendances égoïstes, au détriment du développement de leur empathie. Arf. Bien embêtant, hein ?



Et voici que cet après-midi...

F. asticote E. alors que je me suis posée hippopotamesquement sur le canapé après une sortie.
J'arrive dans la cuisine et exprime mon mécontentement : 
"Le goûter c'est pour tout le monde ! Quand j'entends qu'on fait exprès d'embêter sa sœur en l'empêchant de prendre une tartine, ça m'agace vraiment ! "
F. continue à tourner autour de la table de la cuisine en tenant bien haut la tartine visée par sa sœur, mais ralentit pour se renseigner
"Et du coup ça fait quoi ?"

Tentation. 
J'ai bien envie de lui donner à sentir que mon agacement n'est pas une bonne chose, je pourrais dire que "ça ne me donne pas envie de ..."; mais je repense à ce passage ; je repense au fait qu'en plus je ne le pense pas, ce truc, là, à ce moment; qu'il n'y a pas de question d'envie ou de pas envie réelle ou supposée. 
Alors je me recentre et je prononce la phrase suivante.
Notons qu'à l'instant où je prononce ces mots, je le fais tout en me sentant à demi-bête / un peu "à poil": je suis clairement en train d'abandonner tout moyen de pression.
"Eh bien ça m'énerve vraiment de voir cela."
"Ah ok. Alors je vais m'arrêter."
Réponse de F.,  formulée sur un ton posé, en déposant les armes la tartine sur la table. Et F. s'arrête, se détourne de sa sœur. Et entame une conversation tranquille sur un autre sujet 2 minutes plus tard.


Nota:  j'ai failli diminuer la portée de ce que je disais par un "c'est tout" : j'aurais ainsi déprécié toute seule la valeur de mes propres sentiments / l'intérêt que F. était susceptible de leur porter. Mais je ne l'ai pas fait ! J'ai laissé F. parfaitement libre du degré d'importance qu'il voulait y attacher, sans le minorer, ni au contraire l'intensifier en mode "et c'est grave ça". APPLAUSE.

10 commentaires:

  1. Ça me fait penser à un livre que j'ai lu et que je recommande beaucoup, il s'agit de "cool parents make happy kids", dedans l'auteur raconte plusieurs situations du quotidien avec ses enfants et y apportent des clés pour mieux gérer les situations :).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. hihihi oui je connais. J'en avais entendu parler quand j'avais déjà bien entamé le mien et j'avais craint que ce soit en doublon ( = du concret, du vécu) du coup j'étais allée vite le feuilleter en librairie, et ouf j'avais vu que le principe était totalement différent.
      Je l'ai lu une fois mon bouquin terminé, j'ai apprécié, sauf le fait qu'elle ne cite pas ses sources. Parler de "sa" technique du rêve c'est un peu gênant, autant dire que c'est un outil qu'on a trouvé chez Faber et Mazlish, ça n'ôte rien à l'intérêt de ce qu'on raconte et ça rend à César ce qui est à César.

      Supprimer
  2. J'ai une question relative à l'aspect "récompense"...
    J'ai en mémoire un billet du blog (mais que je n'ai pas retrouvé) qui parlait du besoin de certains enfants de percevoir malgré tout la "fierté de l'adulte" vis à vis d'un comportement "à encourager" pour l'enfant et pour lesquels la description seule était insuffisante (de mémoire et de mon expérience, à cause d'une insécurité intérieure trop grande de l'enfant). Ça vous dit quelque chose ?
    Du coup, ce billet me donne envie de mettre les deux aspects en résonance pour voir ce qui peut convenir à mon garçon.
    PS : J'ai découvert qu'en ouvrant le blog via Firefox, je peux commenter facilement (avant, tous mes commentaires échouaient lamentablement...). Z'avez pas fini de me lire ! ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. AAAh Madame quelle joie que vous ayez résolu ce souci technique ! je vous lirai avec joie (et je fais votre paquet ce weekend, le gros colis de l'instant présent étant arrivé hier)
      yes tout à fait, je m'en souviens, c'est dans mes billets "quand faber et mazlish ne marchent pas" de l'hiver 2018... Je chemine, je chemine, et je ne sais pas si je suis encore d'accord avec ce que j'écrivais alors. Mais ca n'empeche pas chacun de mettre les 2 en regard et de décider pour soi-même, en fonction de ce qu'il perçoit de son enfant. (Pour le moment. Mon costume de la Gestapo est au pressing donc je relache la pression. Après faudra filer droit, hein, gare à qui osera ne pas me suivre au doigt et à l'œil !)

      Supprimer
    2. J'ai bien reçu le colis samedi, merci, merci, merci !
      En cherchant l'article auquel je fais référence ci-dessus dans les méandres de l'hiver 2018, je suis (re)tombée sur un article extraordinaire que j'ai eu plaisir à mettre en lien avec celui-ci également, mais pour d'autres raisons... Je partage ma trouvaille, sait-on jamais, ça peut intéresser d'autres parents qui découvrent le blog (et à qui je ne saurai trop conseiller de prendre un bon thé chaud, un petit plaid au coin du feu et de se plonger sans retenu dans tout ce que l'amie Gwen peut nous apporter comme grain à moudre !)
      https://petitbout-petitbout.blogspot.com/2017/08/y-de-gros-rates-dans-mon-education.html

      Du coup, je respire un grand coup, je décomplexe et je regarde à nouveau ce billet sans me sentir dépassée avant même de l'avoir appliqué ! Hop, un outil dans la boîte... Je ne sais pas s'il servira, mais au moins, il est là !

      Supprimer
    3. Oh ouiiii c'est exactement ça ! Je me réjouis de savoir que le paquet est arrivé mais encore davantage de voir que ce billet retrouvé sert autant à tes lectures : garnir sa boîte à outil d'un outil pouvant servir sans embarquer avec la culpabilité de ne pas forcément l'utiliser ! 😍😍😍😍
      Allez zou je suis sûre que ça va servir à d'autres alors je vais repartager ce billet sur les réseaux sociaux

      Supprimer
  3. Pardon de me faire l'avocat du diable, mais... je vois mal en quoi insister sur l'empathie ou éviter la punition empêche le développement d'un comportement manipulateur (de la part de l'enfant comme du parent d'ailleurs : je n'embête pas ma soeur pour une tartine parce que ça ne plaît pas à maman, mais quand elle n'est pas là open bar, ou je mets mon manteau parce que ça fait plaisir à maman, pas parce qu'il fait froid dehors... mais inversement je n'exige pas de mon enfant qu'il se comporte bien parce que sinon ça me fatigue... tu l'évoques quand tu dis que tu perds tout moyen de pression, mais parfois la situtation fait qu'on a besoin de ces moyens de pression...)
    ça rejoint un peu le comm au-dessus d'ailleurs : je suis d'accord pour ne pas abuser des récompenses, mais ne jamais en proposer, c'est oublier que ça répond aussi au besoin de concret de l'enfant, non ? Ou à certains langages de l'amour... et donc pour moi les punitions (à condition bien évidemment qu'elles soit proportionnées, annoncées en amont, non humiliantes, tout ça...) participent aussi de ce besoin de concret...
    Il faudrait qu'on tâche de se revoir pour en parler en fait parce que ça touche clairement au comportement de V en ce moment, à qui les explications ne font ni chaud ni froid (ou semblent ne faire ni chaud ni froid) et qui est nettement dans une phase d'opposition à toute consigne rationnelle assez... pénible. Ou que je lise ton livre, aussi ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. [Désolée j'ai eu beau tourner et retourner ce qui me chagrine dans l'extrait que tu nous présentes, je ne suis pas sûre d'avoir réussi à l'exprimer dans le commentaire ci-dessus, je recommence autrement :

      Je comprends très bien l'envie de sortir du dyptique punition/récompense en matière d'éducation, qui a clairement montré ses limites, mais est-ce que parfois le mieux n'est pas l'ennemi du bien ? En quoi est-ce qu'en évoquant ce que l'action de l'enfant provoque chez toi tu empêches le développement des raisonnements "égoïstes" évoqués dans l'extrait (si je fais ceci que se passe-t-il pour moi) et surtout, comment te prémunis-tu du risque de manipulation de l'enfant ("si tu fais ceci je ressentirai ceci" --> l'enfant ne veut pas faire de peine à son parent et ça devient un ressort de sensibilité à des comportements manipulateurs, pas forcément directement de la part du parent d'ailleurs).

      Supprimer
  4. C’est une réflexion intéressante. Je comprends également les doutes émis dans les commentaires précédents. Je pense qu’au delà des techniques de parentalité, le sentiment est plus important.
    Un parent peut utiliser toutes les techniques de parentalité et communication positives, mais si son attachement pour son enfant est faible, ce dernier en souffrira (sans d’ailleurs comprendre d’où vient sa souffrance, vu que son parent se comporte parfaitement bien).
    Un parent peut être nul en parentalité positive, et avoir un fort attachement pour son enfant. Cet enfant aura peut-être des punitions, mais il se saura aimé inconditionnellement.
    Je conseille les livres d’Alice Miller : le drame de l’enfant doué ou c’est pour ton bien.
    Swanilda

    RépondreSupprimer
  5. Je viens de comprendre ce qui me gêne dans ton exemple. Qui est triste hand F pique la tartine de E ? Est-ce maman...ou E ?
    C’est E, évidemment.
    Si maman utilise ses sentiments pour changer les actes de F, c’est de la manipulation psychologique.
    Swanilda

    RépondreSupprimer

Venez enrichir ce blog (et ma réflexion ainsi que celle des autres lecteurs) de vos commentaires et expériences...