Dans la
première partie du billet nous avons vu qu'en tant que parent nous nous retrouvons à faire de la satisfaction des besoins de notre enfant notre priorité, mais qu'il nous faut déjà nuancer cela puisque nous avons aussi pour mission de veiller à ne pas crever en route quand même.
Un parent en état de fonctionnement constitue incontestablement un besoin de l'enfant.
Et puis j'ai évoqué le fait que peu à peu, il nous faut ajuster notre comportement en fonction de l'évolution des besoins de l'enfant.
Poursuivons sur ce point.
En effet,
si on reprend ce que je listais comme évolutions des besoins de
l'enfant, on retrouve le fait qu'au départ les besoins primaires de
l'enfant ont besoin d'une satisfaction la plus rapide possible.
Mais ensuite... l'enfant a besoin d'autre chose que cela.
3. L'enfant se met à avoir besoin d'apprendre plein d'autres choses.
Il
a besoin d'apprendre à attendre...
Pas pour le plaisir, pas pour ce bon
vieux truc parfois transmis par les générations précédentes et qui sent bon le rapport de
force "ça lui fera les pieds, il doit apprendre qu'il n'est pas le roi".
Non, il doit apprendre à attendre, il a besoin de faire l'expérience de
l'attente, pour
- pouvoir se rassurer sur le fait qu'attendre ne le tue
pas,
- développer une sécurité dans le fait que différer une
satisfaction ne le met pas en danger,
- développer une conscience de sa
propre solidité et résistance,
- en fin de compte : développer son
autonomie (je serais presque tentée de dire : au sens quasi mécanique
du terme, comme l'autonomie d'une batterie de téléphone portable...).
Cela ne veut pas dire que je vais "m'amuser" à le faire attendre, dans
une dynamique qui ressemblerait curieusement à un jeu de pouvoir ("je
viendrai quand JE l'aurai décidé, ce n'est pas un marmot qui va me
dicter ma vie").
Cela signifie qu'à certains moments, et de plus en plus, je me
permettrai de le faire attendre pour satisfaire d'abord un autre besoin.
Je terminerai ma phrase avant de lui répondre, je terminerai une
discussion avec ma voisine de banc avant d'aller le pousser sur la
balançoire, je prendrai ma douche avant de lui lire une histoire, je
finirai de lire ma page avant de me jeter sur le tapis pour une partie
de ce qu'il voudra.
De la même manière : il a besoin d'apprendre à dormir.
Je dois toujours un billet sur le sommeil, mais pour moi les
deux parties ont besoin de dormir.
Certes, dans les premiers temps notamment, des besoins de l'enfant peuvent venir
limiter le sommeil nocturne desdites deux parties: manger, être changé, être câliné. Mais un autre
besoin de l'enfant est de pouvoir se sentir en sécurité dans son
sommeil; et à mes yeux un besoin à moyen terme est de se sentir autonome dans son
sommeil, de percevoir son lit comme un lieu rassurant.
En ce qui
me concerne, c'est l'importance que j'accordais à ce besoin de sécurité à
moyen terme qui a fait que j'ai préféré
sacrifier d'autres choses (mon planning de la journée, ma liberté
d'action : entre poussette et écharpe, c'est pourtant facile d'emmener
un
nourrisson partout) pour permettre à mes tout jeunes nourrissons de
dormir autant que possible dans leur berceau en journée durant leurs
premières semaines de vie.
Mon objectif était qu'ils puissent au maximum
se familiariser avec et qu'ils s'y sentent
ensuite en sécurité pour quelque chose d'un peu plus angoissant : le
sommeil de nuit.
Ces quelques lignes ne se veulent PAS une condamnation
du cododo. Mais doivent plutôt venir souligner que si le besoin du
parent est autre / d'y mettre un terme, ce n'est pas forcément contradictoire
avec les besoins de son enfant... et notamment ses besoins
d'apprentissage et de prise de confiance.
Par ailleurs je ne pense pas qu'on puisse clamer avoir trouvé ZE manière, seule bonne, seule acceptable, pour accompagner son enfant vers l'autonomie vers le sommeil...ne serait-ce que parce que ces sales mioches se mêlent de ne pas tous fonctionner exactement pareil!! Les affreux. C'est un complot j'vous dis.
Ce besoin d'autonomie se
retrouve partout, et on retrouve la phrase célèbre de Haïm Ginott:
"l'amour d'un parent se mesure à ce qu'il est prêt à ne pas faire pour
son enfant".
Habiller mon enfant, lui débarrasser ses affaires, lui
gérer son linge... C'est l'aider, c'est se donner,
mais en fait ?
Est-ce que je ne l'aiderais pas davantage en
acceptant de ne pas me sentir utile directement, mais en lui donnant
l'occasion de développer ses compétences, de les mettre à l'épreuve, de
renforcer sa confiance dans ses capacités à s'assumer lui-même ?
On retrouve là le dicton sur donner un poisson, ou apprendre à pêcher...
4. Il
a également besoin d'apprendre à vivre en société
c'est-à-dire
- apprendre à
prendre en compte autrui, ainsi que les limites d'autrui
- et apprendre à
signifier à autrui ses limites à lui.
Et là-dessus, le premier autrui auquel il se confronte, qui est-ce, si ce n'est nous, ses parents?
Quand
je faisais mes premiers pas en parentalité positive, que je cherchais
mon chemin, et tâtonnais un peu partout, j'avais été un peu décontenancée par certains arguments
rencontrés. Ceux-ci disaient que point n'était besoin, pour le parent,
de rajouter des limites à l'enfant, il en rencontrerait suffisamment
dans le vaste monde.
Une argumentation que j'entends tout à fait, elle
prend en quelque sort le contrepied de l'argument que j'adooore "ah ben
autant qu'il soit confronté à la violence tôt, le monde est violent
dehors." (on peut remplacer violence par injustice ou d'autres chouettes
réalités).
- J'ai trouvé l'argument intéressant. J'ai piétiné mes limites.
- Puis,
démoralisée, je me suis dit que l'argument était débile. J'ai posé des
limites et cherché à les faire respecter tant bien que mal. Plutôt mal
que bien, du reste.
Et puis chemin faisant, peu à peu a émergé chez moi l'idée que l'argument était
juste, mais qu'en fait... il fallait l'appliquer dans les deux sens :
point n'est
besoin de rajouter artificiellement des limites à l'enfant,
mais
il ne
faut pas non plus en ôter qui existent.
Et celles qui existent, qu'on
peut être tenté de nier, ce sont justement elles : nos limites à nous, parents.
J'en suis donc arrivée à la conclusion que je n'avais pas
à poser de limites "comme ça".
J'avais à exprimer et tâcher de faire
respecter MES limites (ou me faire l'interprète des limites des autres /
de la société, en mode "quand on crie dans le train, cela fait mal aux
oreilles des autres passagers").
Que par ce biais, je répondais bien mieux au double besoin mentionné en début de paragraphe
- apprendre à prendre en compte autrui : je commence par lui apprendre à
prendre en compte mes limites à moi, qu'il a à disposition
quotidiennement pour s'entraîner
- apprendre à signifier ses limites à autrui... comme tout enfant apprend : je lui mets sous le nez un modèle à imiter.
J'ai
fini par développer la conviction suivante :
il n'y a pas de meilleure
manière pour lui d'apprendre à signifier ses limites d'une manière
constructive, que de me voir le faire au quotidien, notamment vis-à-vis
de lui.
(Mais pas que, du reste : tenez d'ailleurs, il y a quelques
jours un déménageur venu faire un devis a été
témoin de la dernière agression de ma voisine chérie. Il a été
estomaqué et m'a dit "je ne sais pas comment vous faites pour rester
aussi calme". Sur le coup j'ai bredouillé un truc vague, mais après
coup, j'ai réalisé que le fait que ces altercations aient lieu sous les
yeux de mes enfants joue probablement un rôle important : j'en tire une
sacrée motivation à
rester à la fois ferme et constructive, car je ne veux pas que mon
attitude leur délivre un message qui soit "devant l'agression, on
s'aplatit", et pas non plus "si désaccord,
agresse!".)
Et j'ai également admis qu'il serait risqué d'attendre que mon
enfant soit confronté, par la société extérieure, à des limites, en
comptant que cette confrontation brute suffirait pour lui enseigner qu'autrui
avait une limite, et de quelle manière la signifier... :
- déjà que moi, la mère, malgré tout l'amour que je porte à
mon enfant et tous les réflexes que j'essaie d'acquérir, il m'est
parfois difficile (c'est peu dire) de lui exprimer mes limites de
manière constructive et non-violente,
- je ne vois pas comment le reste de
la société, qui n'a pas ce même amour pour mon enfant, ni forcément les
mêmes principes de communication, pourrait faire cela correctement. Ni avec la même progressivité. Ça
m'inquiète plutôt, même.
A moi, donc, d'être le premier professeur de mon enfant, sur ce point aussi.
Besoin d'apprendre l'autonomie, besoin d'apprendre à vivre en société... Il existe encore une 3ème
grande catégorie de besoin, qui est capitale, et que je n'ai découverte
qu'avec
Jane Nelsen:
5. L'enfant a besoin d'appartenir au collectif, il a
besoin de se sentir utile.
Lui exprimer mes limites, mes besoins, ne pas tout lui donner,
c'est lui donner quelque chose de très précieux : l'occasion de se sentir utile, de voir la manière dont
il peut contribuer au collectif (dont moi parent je fais partie. Le premier collectif, c'est la famille). Je ne suis pas une réalité inamovible,
intouchable, sur lequel son comportement n'a aucune prise. Il peut faire
des choses pour moi. Il a ce pouvoir!
Inversement, ne pas lui
exprimer mes limites, me sacrifier en permanence, piétiner allègrement
mes besoins, c'est lui livrer une toute autre image de lui-même que cette
image de quelqu'un d'utile et bénéfique au collectif...
"Le plaisir d'un enfant ne devrait pas se prendre au prix de la
souffrance d'un des parents. Le prix à payer est trop important pour
tout le monde. Les parents paient de leur santé et de leur bonne
intention, et l'enfant paie d'une autre façon."
"Quand nos enfants
nous voient souffrir pour eux, ils se sentent automatiquement
responsables. Notre souffrance leur apporte peur et culpabilité."
"Et
savez-vous quelle émotion on ressent, à la fin de compte, envers
les gens qui nous font sentir coupables ? C'est de la haine. En
permettant la culpabilité, on invite la haine."
C'est fort, n'est-ce pas ?
Cela
ne veut pas dire "ne plus rien faire pour mon enfant à moins d'en
crever d'envie"... mais là encore, je citerai Haïm Ginott :
"on peut se
montrer un peu plus gentil qu'on se sent, mais pas beaucoup plus".
6. L'enfant a donc besoin que nous nous donnions... mais avec discernement.
Concrètement, cela signifie peut-être, me montrer un peu plus prudente : vais-je en vouloir à mon enfant ? Quel prix va-t-il payer pour ce "don"?
Or fondamentalement, même si je suis prête à donner, j'identifie deux grands risques d'en vouloir à mon enfant
-
quand j'estime qu'il devrait être capable de se comporter autrement.
Humm, ça, cela me fait facilement grincer des dents.
Ceci dit c'est un terrain
glissant ! Mais ô combien intéressant et exigeant.
Car en fait cela suppose de
- se documenter
sur les capacités d'un enfant, son développement, d'une part,
Car bien entendu, si je pars du principe qu'un enfant de 1 mois DOIT être capable de faire ses nuits, un enfant de 2 ans de ranger systématiquement derrière lui, et un de 3 ans de m'exprimer son mécontentement par des alexandrins, y a de petits risques d'incompréhensions…
Plus sérieusement: je suis très, très heureuse de vivre au 21ème siècle où l'on peut avoir
accès à des connaissances (et non des idéologies) concernant l'enfant, cela me permet de donner avec beaucoup
plus de sérénité.
En effet, par exemple, mes lectures m'ont sensibilisée au
besoin,
pour l'enfant, de la répétition pour apprendre, et sur le fait qu'un
schéma d'apprentissage comporte nécessairement des phases de régression. J'accepte donc
mieux les erreurs, et de réexpliquer, plutôt que de m'énerver et lui en vouloir parce que "
il DEVRAIT savoir faire comme il faut ! Je lui ai montré
100 fois / hier encore il l'a fait correctement".
Inversement, quand je me suis intéressée à Montessori j'ai découvert qu'un enfant pouvait déjà être impliqué très tôt dans le nettoyage et le rangement de son environnement. Sans cette découverte je n'aurais pas encouragé F. de la même manière, ni ne l'aurait mis en situation de développer cette compétence.
- et,
d'autre part, passer du temps avec lui à
- 1. l'observer pour savoir à
quel stade LUI est, indépendamment des "standards",
- 2. "enseigner" à la
Jane Nelsen, pour améliorer lesdites capacités.
Par exemple,
depuis des mois je mets un point d'honneur à ne plus tirer la chasse
derrière F. une fois que je lui ai essuyé les fesses (enfin, ça
m'échappe parfois, hein! Mais j'évite). Je lui rappelle de le faire (en
mode
Faber &Mazlish : description de problème, question de curiosité, un seul
mot,... les moyens ne manquent pas et tout y passe) et je m'abstiens
également de frotter les WC si il reste des traces. Je me contente de
décrire le problème, et je le regarde pendant qu'il met un siècle à
nettoyer ce que j'aurais réglé en deux secondes.
Mais ce don (car c'en
est un! Je donne mon temps, et j'ai d'autres chats à fouetter, moi) est judicieusement placé :
il rend F. plus capable, l'intègre davantage dans la communauté de vie
qu'est notre famille, ne lui donne pas une image des autres comme étant
là pour nettoyer derrière lui, et ne me donne pas cette impression, à
moi.
Bref, je vois bien qu'en gardant à l'esprit que je comble ainsi un besoin d'apprentissage chez mon enfant, il m'est bien plus facile de ne pas lui en
vouloir des efforts que je fais pour lui. Alors que si je devais à
chaque fois me coltiner de belles traces de freinage, je crois que tôt
ou tard, le ressentiment s'installerait.
- quand j'ai donné au
mauvais endroit, donc en pure perte. Je n'ai pas donné, j'ai perdu.
En
effet, nos enfants auront toujours laaargement assez de vrais besoins
pour qu'être parent ne soit pas une sinécure, mais un don. Alors autant
ne pas s'épuiser à répondre à des désirs confondus avec des besoins.
Quelle frustration sinon ! et on bascule vite dans des ressentis /
accusations d'ingratitude.
2 exemples chez moi.
Sortir le soir
constitue souvent un cas de conscience pour les jeunes parents. En ce qui me concerne, je suis partie des postulats suivants.
- l'enfant
a besoin de la présence d'une figure
d'attachement notamment les premiers mois de sa vie :
- néanmoins, ce
besoin peut-être comblé de
plusieurs manières : lui donner d'autres figures d'attachement, le
prendre avec nous (pour un dîner, au resto ou chez les potes; mais j'ai
même une bonne copine qui m'avait soufflée en me disant qu'elle était
allée avec son nouveau-né au cinéma, en écharpe.) ;
- si allaitement, cela
peut compliquer. Mais j'avais la chance qu'ils ont fait très tôt leurs
nuits, donc une fois la tétée de 20h passée, j'étais tranquille; par
ailleurs je me suis toujours très bien entendue avec mon tire-lait.
- Ensuite il a envie que nous restions avec lui, mais
non plus besoin.
- Or, outre notre envie à nous de passer du temps
en couple, et le besoin de notre couple de moments d'intimité à intervalles
pas trop éloignés pour subsister, j'estime que pouvoir compter sur un couple
parental solide constitue également un besoin de l'enfant, celà lui apporte sécurité et stabilité.
- Comme de nombreux besoins, il ne s'agit pas d'un besoin vital au sens premier du terme: beaucoup d'enfants grandissent sans un couple parental solide, de même que beaucoup d'enfants grandissent avec une déficience dans l'un ou l'autre de leurs autres besoins, car les circonstances ne le permettent pas. Quand on ne peut pas, on ne peut pas...
- Je pars néanmoins du principe que travailler à la solidité de notre couple n'est pas un besoin égoïste, puisque cette solidité bénéficie à notre enfant. Ensuite, il y a manière et manière de faire:
- personnellement, je ne me verrais pas me barrer 3 semaines en amoureux 1 mois après l'accouchement, au motif que nous aurions besoin de nous retrouver...
- mais notre besoin de nous retrouver peut, selon les moments, être comblé au
moins en partie, par des moments en amoureux à la maison, puis des
moments en amoureux à l'extérieur.
A ce sujet, j'ai noté
aussi une évolution dans mon cheminement
: j'ai eu du mal à laisser F., notamment le premier soir où nous sommes
sortis, beaucoup moins à laisser E. . Je la sentais mieux
attachée (circonstances de naissance trèèès différentes, gestion des
pleurs
différente également), mais aussi : je la laissais avec un repère stable
:
F..
Aujourd'hui encore, du reste, je préfère laisser les deux ensemble que séparément, pour cette raison également.
Mais
en réfléchissant à la question du besoin derrière la demande, un autre
exemple m'est venu, issu de mes propres souvenirs d'enfance : à l'âge de
11 ans,
j'ai demandé à faire du piano.
J'étais la première de la fratrie à demander à jouer
d'un instrument de musique (nous ne tiendrons pas compte de la fameuse
flûte à bec du collège, que du reste à l'époque aucun de nous ne
pratiquait puisque nous habitions en Allemagne, loin de tout collège
français), et mes parents ont longuement réfléchi. Ils m'ont demandé de
réfléchir, m'ont sensibilisée au fait que cela avait un
coût important au moment où leurs moyens financiers diminuaient et où
la famille venait encore de s'agrandir. J'ai insisté, persévéré dans ma demande, ils ont accepté.
Mais... qu'y avait-il au fond derrière cette demande?
Il y avait beaucoup de choses, et notamment
- le souci de la n°3
d'une grande fratrie de se différencier un peu de ses frères et sœurs,
- une conception un peu romantique de la musique (eh, oh, le nombre de
princesses qui séduisent leur prince
en s'égosillant dans la forêt par leurs talents musicaux)
- le fait que j'aimais (et j'aime toujours beaucoup) particulièrement écouter du piano (je n'avais pas de lecteur CD à moi...)
- ...
La
somme investie dans la réponse à ma demande fut-elle judicieusement
placée, ou aurait-on pu trouver d'autres moyens plus adaptés ?
Je
n'ai d'ailleurs fait du piano que durant 3 ans, ayant assez vite perdu mon
intérêt... notamment à partir du moment où ma sœur cadette s'y est mise
elle aussi, et a, par dessus le marché, rapidement démontré des
capacités supérieures aux miennes. Et j'ai arrêté avec une certaine culpabilité.
Moralité, me voici doublement prudente face à un besoin de mon enfant: la demande que j'entends constitue-t-elle bien le besoin? Ou dois-je me garder d'y répondre en l'état, et réfléchir au besoin qui se cache derrière, et qui peut d'ailleurs être plus compliqué à combler que la demande initiale ?
Ce qui aurait été probablement le cas de cette demande de piano, et qui est également le cas dans l'exemple pris par Haim Ginott dans ce fameux chapitre 11 de "Parents Épanouis...": celui d'un garçon qui demande un chien... quand il a besoin d'un ami.
Bien entendu, tous ces points ne signifient pas qu'il n'y aucun risque de devenir un parent égoïste...
Ceci dit j'ai remarqué que les points suivants m'aidaient également dans mon discernement
-
me poser la question : Qu'est ce que ça apporte vs. qu'est ce que ça ôte?
Par exemple : habiller mon enfant de 4 ans une fois de temps
en temps le matin, ça lui apporte avant tout des câlins dont il peut
avoir fort besoin ce matin-là. Mais si c'est systématique, ça lui ôte de
l'autonomie...
Je l'ai entendue plus d'une fois dans la bouche de F., cette fameuse question "pourquoi c'est toi qui fais ?". Généralement, elle ne m'est pas posée dans le premier cas de figure...
- creuser l'origine de mes propres besoins /
attentes / émotions.
Cette situation qui m'use, de quoi est-elle faite
? En détricotant, parfois je m'aperçois que je mésinterprète, non
seulement les besoins de mon enfant, mais peut-être aussi les miens, voire que je mélange allègrement les deux.
ZE
exemple pourri mais vécu : mon enfant a-t-il absolument besoin de moi
ce soir, ou ai-je plutôt le souci d'éviter un moment à deux avec un
conjoint avec lequel les relations sont plus tendues? Joker.
-
évaluer les
moyens à ma disposition pour faire respecter ma limite.
Lesquels sont en accord avec mes convictions profondes, mes vrais
objectifs concernant ma vie et l'éducation de mes enfants? Cela suppose
- de consacrer du temps à enrichir ma caisse à outils éducative : parce que dire "j'ai pas moyen de" peut être une réponse un peu rapide... ou tout simplement provisoire: parfois le moyen existe, il attend juste d'être découvert, au hasard d'un échange, d'une lecture, d'une observation.
- et de consacrer du temps
à passer en revue ladite caisse à outils afin d'identifier ce qui serait susceptible d'aider mon
enfant et moi-même à sortir d'une situation difficile. (la fameuse pause éducation de Coralie!)
Si pour
faire respecter un de mes besoins je me retrouve à me détourner de ces
objectifs, c'est un signal d'alarme.
- Soit c'est que je suis déjà
carrément dans le rouge concernant mon besoin, ce qui me fait perdre en capacité d'enseignement, disponibilité d'esprit, recul, etc
- soit c'est que à ce stade, le besoin de mon
enfant qui est en conflit avec le mien est encore tellement important
pour lui qu'il n'existe pas de "bonne manière" de l'amener à s'en
détacher au moins un peu, et c'est à moi de patienter, trouver une autre
voie.
Et ça peut être les deux à la fois, sinon c'est pas drôle...
Bref, identifier ses besoins, reconnaître ses limites, ne pas les piétiner, mais les communiquer à son enfant à mesure qu'il est capable d'apprendre à les prendre en compte, et cela avec progressivité et ménagements... c'est au fond un sacré projet !
Et en ce qui me concerne, je ne vis pas duuuuu tout cela comme la voie de la facilité [soupir].
Voici
pour le versant "séculier" de ma réflexion sur ce passionnant sujet...
je la terminerai avec un volet traitant plus précisément de l'aspect
spirituel.