lundi 28 novembre 2022

RIP Mamie au Pair

Aujourd'hui, je vous parle enfin d'une personne qui n'a été évoquée qu'en filigrane de certains billets de blog : G4, notre dernière mamie-au-pair. Un billet sur le sujet dans les brouillons du blog date de.... janvier 2020.
Pour rappel, nos aventures mamie-au-pairesques (retrouvables ici pour les prémices, puis , et enfin ) nous avaient causé quelques doutes sur l'adaptation de ce mode de fonctionnement aux besoins de notre famille, si bien qu'en amont de l'arrivée de notre chère G4, nous avions discuté de ceux-ci avec elle et planifié sa venue au printemps 2019 avec la rigueur d'une campagne militaire.

Ça a été extraordinaire. 
Les débuts avaient été compliqués : au bout de quelques jours; F. était parti en guerre contre elle, sur un schéma qui nous avait rappelé les premiers temps avec notre G3. Mais cette fois-ci, prévenus, nous avons pu gérer cela de concert avec G4. 
Que de moments passés toutes les deux à comploter pour identifier les meilleures stratégies à déployer pour permettre G4 de trouver sa place et à F. de l'apprivoiser ! 
Nous avons été aidés en cela par la psy qui suivait encore F. et qui a assez rapidement pu identifier que F. était en fait en plein conflit de loyauté: pouvait-il se laisser aller à aimer G4 sans être déloyal à notre chère G1 ? (laquelle était revenue passer plusieurs mois chez nous durant l'hiver, ce qui avait bien évidemment encore renforcé l'affection que F. lui portait)

G4 a été d'une finesse et d'une persévérance épatantes et je lui en serai à jamais reconnaissante. 
Jour après jour, elle a conquis le cœur de F., magnant douceur et fermeté, conspirant avec notre G1 au téléphone pour récupérer auprès d'elle un max de "trucs" sur la meilleure manière de s'y prendre... et elle a elle-même été très émue de constater l'affection que F. lui a ensuite témoignée et la force du lien qui s'est tissé entre eux. 
Comme elle l'a dit elle-même après quelques semaines ; "je n'aurais pas parié un centime sur le fait qu'à l'arrivée, je me retrouverais même plus proche affectivement de F. que de E."

Ces développements ont contribué à me permettre de gérer mon déplacement pro en Asie sereinement, et nous ont ensuite amenés à construire l'année 2019-2020 différemment
  • G4 avait bien envie de revenir chez nous, mais souhaitait rendre cela compatible avec sa vie quotidienne en Allemagne. 
  • De notre côté, cela tombait bien : nous étions ravis à l'idée de revoir G4, et en même temps, ayant prévu que Monsieur Bout quitte son emploi, nous allions avoir moins besoin d'une mamie-au-pair en permanence, ce qui ouvrait des marges de manœuvre différentes.
  • Nous réalisions aussi que pour nous, ce serait probablement la fin de la nos aventures mamie-au-pairesques "à l'aveugle" : nous serions toujours ravis de réaccueillir G4, ainsi que G1 si elle réussissait de nouveau à venir nous voir, en revanche, nous ne nous sentions plus en mesure de faire les efforts nécessaires à la sélection et l'intégration d'une toute nouvelle personne dans notre famille. La priorité allait à la stabilité émotionnelle de nos enfants, pas toujours compatible avec l'irruption d'inconnues au sein du cocon familial.
    Et du fait de notre nouvelle configuration, Monsieur Bout allait être davantage concerné par ce travail d'intégration, ce qui, pour lui qui est introverti, est autrement compliqué. Comme il le formulait lui-même : "Avec G1 ou G4 ce n'est pas un souci d'avoir quelqu'un à la maison, ce sont des membres de la famille, je ne les vis pas comme étant 'dans mes pattes'. Mais je ne me sentirais pas à l'aise avec une nouvelle personne."

Moralité : nous avons convenu avec G4 qu'elle reviendrait tous les 2-3 mois chez nous, pour 3 semaines, ce qui, pour elle, permettait d'avoir sa vie en Allemagne, tout en partant régulièrement "en vacances" chez nous. De notre côté, ce serait un luxe agréable d'avoir son soutien régulier, et une grande aide pour la "germanophonisation" des enfants, dont nous constations déjà des effets prometteurs.

Elle est donc revenue en septembre, puis fin novembre, puis de mi-février 2020 à début mars...

 
A son départ début mars, j'étais en mode baleine, et on parlait un peu COVID, mais ça semblait encore... vague. 
Nous nous sommes donc allègrement dit à bientôt, et elle a laissé une partie de ses affaires dans un coin de placard histoire de ne pas tout trimballer pour rien : G1 allait prendre le relais fin mars afin d'être là tout avril et mai pour aider autour de la naissance de notre petit H., et elle-même reviendrait début juin. 
Je me réjouissais qu'elle puisse connaître H. dès tout petit et continuer à réjouir notre maison et accompagner nos enfants à mesure qu'ils grandiraient.


Mais le COVID est intervenu.
  • Pas de G1 pour la naissance.
  • Pas de G4 en juin. 
Nous avons patiemment attendu, elle de son côté de la frontière, nous du nôtre, d'avoir suffisamment de visibilité pour que des retrouvailles soient possibles. Chaque déconfinement / allègement des restrictions nous a donné de l'espoir et s'est traduit par de l'échafaudage de plans / consultation de calendriers pour fixer des dates, pour devoir à chaque fois remettre la concrétisation de ces plans à plus tard. Un peu plus tard, pas longtemps, c'était pour bientôt !
Au printemps 2021, ça y était, on voyait le bout. Nous avons commencé à regarder pour des dates en juin.

Jusqu'à un message de sa part, un jour ensoleillé de mai. 
M'informant que les problèmes de digestion dont nous avions plaisanté toutes les 2 les semaines auparavant venaient de se révéler être un cancer du pancréas, et que ses médecins lui donnaient 6 mois à vivre.
G4 aura finalement réussi à se battre pendant 18 mois. 18 mois pendant lesquels nous avons partagé beaucoup de beaux moments au téléphone, des photos des enfants et de ses petits-enfants, des paquets, des blagues, et elle-même aura eu la joie de voir naître deux nouveaux petits-enfants chez elle.

Le weekend dernier, elle a rendu son dernier souffle, et avec elle, c'est une des femmes les plus extraordinaires que je connaisse qui s'est éteinte. Notre G4 avait eu une vie peu commune, marquée par des pans d'histoire mondiale dramatiques, et en avait retiré une niaque et une finesse impressionnantes. Le tout lié à un sens de l'humour aussi pourri que le mien, qui ont conféré à chacun de ses séjours à la maison une fluidité et une joie mémorables.

Tous les jours, je pense encore à quelque chose que j'aimerais lui raconter ; tous les jours, je rentre dans la chambre d'amis qu'une fois sur 2 nous désignons encore du nom de "chambre de G4"; tous les jours, je mesure la chance que nous avons eue de la rencontrer.



lundi 7 novembre 2022

"Les enfants c'est QUE DU BONHEUR" - Ou pas.

Mon emploi du temps croule / a croulé, de la même manière que l'année dernière, et j'ai du prendre des mesures de rationalisation parce que pas moyen que je refasse un année comme celle qui est derrière moi.
A l'arrivée, même si le presque cramage n'est pas agréable, c'est positif, puisque ça m'oblige à me poser, et me permet un recentrage express en accélérant une évolution que je pensais possible seulement à moyen terme : travailler moins (pour gagner plus, spécial dédicace Sarko).

Dans le cadre de ce recentrage, j'ai squizzé différentes activités, selon
  • un premier critère absolu : leur niveau d'intérêt pour moi : "Ai-je méga envie de faire ça ?" / "A quel point cela me nourrit-il?"; je pourrais appeler ça la rentabilité énergétique ^^. Mes centres d'intérêt ayant évolué sur mes quelques années de BusinessGwen, il est temps pour moi d'adapter mon activité, et de dire adieu à ce qui m'a plu un temps, mais ne me correspond plus tant que ça maintenant.
  • et un 2ème critère relatif : la rentabilité financière. Je dis "relatif" car j'ai inclus, dans mes plans, un peu de place pour du "peu rémunérateur mais haut niveau d'intérêt". Place que j'ai décidé de consacrer exclusivement à l'animation d'ateliers de parents Faber et Mazlish cette année : j'ai donc, par exemple, arrêté de donner les cours de RH que je donnais depuis quelques années.

Je m'apprête donc à démarrer un cycle "Frères et Sœurs sans rivalité", et j'ai également pu déjà animer une première soirée Piqûre de Rappel en octobre. 
Pour mémoire, le principe de ces soirées est de réunir des parents des différents groupes ayant suivi les ateliers "Parler pour que les enfants apprennent" au fil des ans avec moi, et d'aborder avec eux leurs questions, leurs problèmes actuels, en mode requinquage / approfondissement / rafraichissement de mémoire / reprise de réflexes voire même souvent aussi raccrochage de wagons.

Super soirée, supers échanges et c'est l'un de ces échanges qui suscite l'article du jour.
La soirée regroupant par hasard deux mamans de jumeaux, dont l'une bien occupée avec sa paire de jumeaux en bas âge, la maman en question a été  rassurée d'entendre que ce serait plus facile après. Jusqu'à ce que la maman de jumeaux plus âgés lui dise 
"Oui, maintenant, c'est que du bonheur".
Là, elle a tiqué. 
Moi aussi.
Nous avons donc passé quelques instants à dézinguer cette phrase, qui fait bien évidemment partie des "phrases à la con" de la parentalité.

Nan, les enfants, c'est pas que du bonheur
Jamais. 
Et dire cela, c'est faux, archifaux, et surtout archinuisible, car comme l'ont si bien exprimé d'autres participants à cette soirée 
"Je me suis toujours demandé ce qui clochait chez moi, puisque franchement, non, jamais j'ai trouvé qu'avoir mes enfants n'était que du bonheur".
Petit Bout par Petit Bout détruisant le mythe - Allégorie



Eh bien oui.
Entendons-nous bien : nos enfants peuvent être la source de moments de bonheur inouïs et différents de tout autre forme de bonheur. 
  • Les voir endormis le soir, complètement abandonnés (et ENDORMIS, en plus !). On peut être pris d'une vague d'amour tellement folle, tellement forte, qu'on les en réveillerait presque pour les embrasser et les noyer de mots d'amour (complètement absurde évidemment après tout le mal qu'on a eu à les endormir), 
  • sniffer leurs cheveux, 
  • écouter leurs mots d'enfant, 
  • entendre leurs je t'aime, 
  • les regarder lire,... 
  • Plus grands, partager un jeu de société, un bon film, un puzzle...
Mais à aucun moment les enfants ne sont que ça. 
Disons-le clairement : avoir des enfants ne se fait pas par confort. Si on regarde d'un angle purement rationnel, il est complètement irrationnel et contreproductif d'avoir des gosses
  • on pulvérise son propre confort, 
  • on remplace sa liberté par une série de contraintes, 
  • on dynamite son sommeil, 
  • on divise par 10 ou 100 son temps libre, 
  • par 4 son revenu disponible. 
Sur le plan psychologique, les enfants sont, essentiellement, la source d'un certain nombre de questions inconfortables, d'angoisses, de frustrations, de découvertes pas super agréables sur soi-même, de prises de tête avec son conjoint, et d'une fatigue de ouf. 
Les enfants n'ont pas vocation à nous propulser sur une mer de nuages roses et AUCUN parent ne vit sur cette mer (ou alors, il en fume de la bonne). 

Alors oui, à certains moments les éléments de la première catégorie tendent à justifier et nous faire oublier quasi entièrement les éléments de la deuxième, si bien qu'on en viendrait à dire "Ces difficultés ne sont rien en regard". 
Oui ! 
Et NOOOOOON. 
Ce n'est pas rien du tout, et c'est même tout quand on est en plein dedans, c'est énorme, c'est épuisant.
Et une phrase comme "c'est que du bonheur"
  • nie nos sentiments, 
  • alourdit le sentiment de difficulté, 
  • et lui rajoute en plus celui angoissant de notre inadéquation, puisque comme exprimé durant cette soirée, visiblement, nous, si on trouve pas que c'est que du bonheur, c'est, au mieux, qu'on fait qqch de travers, ou, au pire, qu'on est soi-même tordu. 

Cette ambivalence de sentiments est à la racine de la parentalité. Or, comme le dit Haim Ginott, ce sont les sentiments ambivalents qui ont presque le plus besoin d'être accueillis comme tels. Car "si quelqu'un comprend mes sentiments confus, peut-être ne le sont-ils pas tant que ça". 
Je le mesure encore ces jours-ci, au téléphone avec celle de mes sœurs qui vient d'accoucher de son tout premier bébé et qui se retrouve embarquée dans cette ambivalence de malade, et les montages russes émotionnelles associées, en mode "Notre toute petite fille est tellement géniaaaaale on l'aime on l'aime on l'aime c'est fooooou / Au secours on va mourir on a dormi qu'1h30 cette nuit et allaiter ça fait maaaaal".

Ce dont a besoin ma sœurette d'amour, ce n'est pas d'un "Un bébé, c'est que du bonheur", ni même d'un "Après, ce sera que du bonheur" (publicité mensongère bonsoaââr), c'est d'écoute, d'accueil, de.... de quoi au juste ?
Tenez, si ça vous parle, je veux bien entendre vos témoignages des phrases qui vous ont le plus aidé(e)s dans vos premières galères semaines de parents.

Du côté de notre soirée, nous avons tous convenu de rattraper très vite cette phrase si par ailleurs elle venait à nous échapper ;-)