jeudi 5 octobre 2017

Fratrie : Bébou & Bébounette

Je prends enfin le temps d'aborder un sujet à propos duquel j'ai eu de nombreuses demandes, et que j'avais promis d'évoquer il y a déjà, euh... mais pourquoi s'attarder sur le passé ?

J'ai nommé : les relations dans la fratrie, et plus concrètement :
comment ça se passe entre Bébou et Bébounette?
Comment on gère ? (ou pas?)
Est-ce 
l'amour fou,
la guerre à mort,
la vitrine parfaite du "Frères et sœurs sans rivalité" de Faber & Mazlish,
ou un remake des "Trois Frères" ? (excellent film, au demeurant)


Petit état des lieux, rétrospective incluse.
 
Les débuts

les débuts ont été assez cools : Monsieur Bout s'étant retrouvé au chômage quasi simultanément avec la naissance d'E., nous avons passé plusieurs mois à 4 à la maison.
Franchement, accueillir un numéro 2 dans ces conditions, c'est un peu le rêve : beaucoup moins de stress que le numéro 1 ne manque d'attention! Et ce d'autant plus que Monsieur Bout ayant eu un rythme de fou les derniers mois de ma grossesse, il avait été, dans les faits, quasiment absent.
En conséquence de quoi, au fond, naissance + chômage ont fait passer F. de la constellation 1 adulte s'occupe de 1 enfant à 2 adultes s'occupent de 2 enfants, ce qui constitue une évolution assez douce ;-)

Ainsi quand j'étais sollicitée par E., F. avait plus ou  moins toujours son père sous la main, et la transition s'est donc plutôt bien faite.
Ajoutons à cela qu'avec un allaitement au rythme peu répandu mais bien pratique, et une Bébounette bonne dormeuse, j'étais en mesure d'être assez disponible quand même.
De ce fait peut-être, les premiers mois de relation frère-sœur ont été très paisibles.

Nous y avons contribué du mieux que nous pouvions en fonction de notre degré d'information de l'époque:
  • Nous avions suffisamment lu pour savoir interpréter et réagir correctement aux quelques menus gestes brusques que F. put avoir envers sa sœur : attraper la petite main prête à frapper, et expliquer, et montrer, comment caresser. 
  • Néanmoins, étant tout juste en train de découvrir nos premiers bouquins vraiment orientés parentalité positive, nous n'avons pas vraiment cherché à verbaliser tous les sentiments que cette arrivée avait pu provoquer chez F.. 
  • En revanche, nous avons fait notre possible pour faire démarrer leur relation sous un jour positif, notamment en valorisant F. et ladite relation avec sa sœur
"oh, elle adore quand tu lui parles", 
"elle est toute contente que tu joues avec elle", 
"elle te trouve très intéressant".
  • Après quelques mois, nous sortîmes E. de notre chambre, non que nous ne souhaitions pas l'y garder, mais justement car nous souhaitions coucher nos deux zouaves ensemble afin de favoriser le renforcement des liens et notamment l'émergence d'une complicité
F. en était ravi et ça s'est toujours bien passé : même dans les moments plus tendus je ne me souviens plus que les moments post-coucher aient jamais été l'occasion de disputes/drame/pugilats/coups et sales coups. Si ensuite nous les avons séparés,  c'était bel et bien que ça se passait trop bien: passé 23h, nous devenons beaucoup moins sensibles à l'aspect mignon de ladite complicité - vieux schnoques que nous sommes !

Je repris le boulot aux 5 mois et demie d'E., Monsieur en retrouva 2 mois plus tard, rythme monstrueux soutenu mais la relation F./E. restait bonne malgré les progrès rapides (et donc l' "encombrement" grandissant) de la miss.

Et puis aux alentours des 3 ans de F., celui-ci devint plus difficile à gérer

... et l'un des premiers points gênants fut des manifestations de violence envers sa sœur: elle se faisait abondamment taper.

Je m'en suis fait un sang d'encre... Ayant un historique très conflictuel avec mon propre grand frère, voir se répéter ce que j'avais vécu me mettait dans tous mes états! C'est d'ailleurs un des domaines dans lesquels j'avais (et j'ai toujours) le plus de mal à gérer ma colère parentale.

Il y eut des périodes où le problème était très fort : pas moyen de les laisser seuls sans qu'E. ne risque de s'en prendre une, ou plutôt, plusieurs... et d'ailleurs, c'était également valable en ma présence. 
Il y eut des périodes où tout allait bien
Et il fallut l'alternance de quelques unes de ces périodes pour que je finisse par mettre le doigt sur le vrai facteur déterminant la "température" de leurs relations : j'ai en effet constaté que le problème de base n'était pas vraiment la relation entre les deux.

Non, clairement, sur cette période, la violence ou pas de F. était en fait directement liée à la quantité de présence paternelle (ce qui est se comprend, rapport à leur lien particulier)
* Monsieur Bout trop absent (retours tard du travail, disponibilité réduite le weekend)
=> F. violent
* Monsieur Bout très présent (vacances  - l'été par exemple fut cuicui les petits oiseaux; ou présence tôt les soirs, et beaucoup de temps passé avec son fils soirs et weekends)
=> F. aux petits soins avec sa sœur, disparition totale des manifestations violentes.
  • Forte de mes observations, je m'en suis servie pour un lobbying encore plus fort auprès de Monsieur Bout pour qu'il modère ses horaires de travail, et cela a bien aidé.

Puis même avec ce paramètre bien pris en compte, peu à peu les choses se sont à nouveau gâtées.
Je vous avouerai que durant quelques mois cela a vraiment été dur à vivre pour moi, en particulier du fait, comme mentionné plus haut, que ça venait aussi remuer des souvenirs d'enfance difficiles, et m'emplir de la crainte que les disputes de la petite enfance ne nuisent ensuite à la construction d'une relation profonde plus tard.

Faute de savoir à quels autres saints me vouer, j'ai tenté de mon mieux de Faber & Mazlisher. (eh? C'est quoi Faber & Mazlish ?)
Sans relâche (c'est-à-dire que j'y suis toujours revenue, en m'y cramponnant comme à  une bouée dans la tempête)...
Mais pas sans erreurs /  ratés (très fréquents, ah ça oui! Pluriquotidiens, hein!)

J'ai
  • verbalisé les sentiments de F., et comme quoi c'était relou d'avoir une petite sœur, qu'il pouvait craindre de ne pas être aimé
  • recadré les comportements et indiqué des alternatives "si tu lui en veux, tu peux lui dire avec des mots. Tu peux dire : ...."
  • rassuré F. sur nos sentiments envers lui
  • passé du temps seule à seul avec lui (idem Monsieur Bout)
  • verbalisé les sentiments d'E., "ça fait mal d'être tapée"
  • fait de mon mieux pour m'occuper d'abord de la victime (dur dur!)
  • donné des règles : "les petites sœurs ça n'est pas fait pour être tapé", "jouer ça doit être un moment agréable pour les deux", "quand on veut le jouet de l'autre on lui demande, on peut lui proposer quelque chose en échange"
  • cherché à sortir F. du rôle du "méchant grand frère" en valorisant tout geste positif de sa part envers elle
  • favorisé des moments positifs entre eux (les bains, notamment, ont toujours été une grande source de rigolades à partir du moment où j'ai eu cadré - et appliqué - que "le bain est un moment agréable pour les deux; si il devient désagréable pour l'un, le bain se termine". J'en ai donc usé, abusé, et j'ai laissé mes enfants mariner looonguement dans une eau devenue tiédasse)
  • travaillé sur la réparation du préjudice: "pardon", câlin, donner un jouet...
  • réorienté ma carrière professionnelle vers celle de commentatrice sportive de leurs conflits, interprète de leurs positions : "F., E. est triste que ... . F., E. préfèrerait...
  • ramé pour favoriser des négociations de compromis entre eux : pas facile avec une demoiselle aussi jeune que E., qui ne saisit pas toujours bien les possibilités offertes / leurs implications!

J'ai répété, répété, répété tout cela pendant des mois. 
En boucle, dans un sens, dans l'autre, n'importe comment, un poil moins mal, un chouilla mieux, "et vous en reprendrez bien une louche?".

En parallèle, j'ai aussi pris un peu de recul : oui, c'était parfois voire souvent franchement nul entre eux, mais chaque jour j'assistais aussi à de gros moments de complicité, des jeux partagés, des fous rires en commun. Chose dont je n'ai pas forcément le souvenir avec mon propre grand frère. 
Ces observations m'ont incitée à ne pas réduire la relation Bébou/Bébounette à ses aspects regrettables, mais à aussi faire confiance dans le fait que cette complicité dont j'étais la spectatrice pouvait représenter une base pour une belle relation plus tard. (ce qui a probablement manqué chez moi, peut-être du fait que j'étais la numéro 3? Le complice de ses jeux, mon frère le trouvait déjà en ma sœur aînée. Difficile toutefois d'être catégorique, les souvenirs de la petite enfance sont si brumeux!)
Du reste, je crois bien que l'IEF influe également sur ce point, et je m'en félicitais déjà ici: la meilleure compagne de jeu de F., pour le moment, c'est E.! Elle est incontournable, elle est toujours là, elle peut être énervante mais sa présence offre tellement de possibilités!
Ils passent énormément d'heures ensemble, pendant lesquelles aucun autre enfant ne peut venir proposer une interaction plus intéressante.

Bref, j'ai essayé de ne pas accorder une attention disproportionnée au négatif, et face à celui-là, j'ai répété, je me suis cramponnée à ma boîte à outils et j'ai avancé dans le noir, en espérant très fort que ça porte du fruit.
Et ... c'est marrant que je finisse enfin d'écrire ce billet maintenant, car j'avais abandonné l'idée d'écrire un billet en mode partage d'expérience / clés du succès "j'ai fait comme ci, comme ça, et ça a fini par payer", et m'étais résolue à vous livrer un état des lieux "c'est la jungle mais sachez que si chez vous c'est pareil, z'êtes pas seul(e)s".
Et finalement, ce billet est un peu un mix des deux.


Car ces dernières semaines, j'ai vraiment le sentiment d'un mieux. Un apaisement.

Un F. dont les gestes de violence envers sa frangine s'espacent, cessent plus rapidement, cèdent plus souvent et plus vite le pas à des gestes de réparation. Il y a des ébauches spontanées de négociation, des consolations dans lesquelles je n'ai aucune part,...
Euh bon, hein, il y a encore toujours beaucoup du reste, et nous n'échappons pas aussi, dans les progrès, à quelques couacs du style pas plus tard qu'hier soir :
Pleurs de Bébounette  
la Gwen y va 
- F. m'a tapé avec le léopaaaard [Schleich] 
- F. ça fait mal ça ! 
- Oui, je l'ai fait beaucoup de fois, mais à chaque fois j'ai dit pardon!

Vraiment, y a du mieux, et, je l'avoue, c'est un soulagement énorme.
Ainsi qu'un encouragement bien appréciable à continuer à ferrailler avec les quelques outils que j'ai à disposition pour patiemment, inlassablement, contribuer dans la mesure de mon possible à la construction d'une relation saine.

Quelques lignes plus haut, j'écrivais "dans la mesure de mon possible"... car j'ai beau faire un maximum d'efforts, je m'efforce de rester réaliste : la qualité de la relation entre le Bébou et la Bébounette dépendra également d'eux, de leurs choix. Je peux ôter de leur chemin des obstacles, favoriser des rapprochements, mais ils demeurent deux êtres libres, libres de chercher à se rapprocher de l'autre, libres d'investir du temps et des efforts pour mieux se connaître et se comprendre, et ainsi mieux s'apprécier. Ou pas.
Et ce, même si mon cœur de maman à moi ne cesse d'espérer que se forge entre eux un lien fort, tel que ceux qui constituent une de mes grandes joies à l'âge adulte, au sein de ma propre fratrie.









Reportage photo tout ce qu'il y a de plus biaisé : aucune, mais AUCUNE  photo des moments où ils s'écharpent!
Et ça se prétend vouloir illustrer le sujet...
Prétextons que dans ces moments-là mon premier réflexe n'est pas toujours de saisir l'appareil photo.
Prétextons..

12 commentaires:

  1. Merci pour cette idée de lecture, j’ai illico commandé le livre.
    On aimerait tellement les voir complices et en adoration l’un devant l’autre :)
    Peut-être prennent ils aussi exemple sur leurs parents ? Alors à nous d’être hyper complices pour montrer la voie à nos enfants !

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    1. Bravo! C'est des sous très bien investis ça !
      Tout à fait d'accord quant à l'exemplarité des parents. De notre côté nous essayons notamment de leur permettre d'être spectateur de nos réconciliations / demande de pardon / recherches de compromis... meme et surtout si, dans les faits, ils sont également le premier public de nos disputes mesquines, accusations, et phrases assassines !
      (Ouais y a encore du boulot dans l'application des principes de CNV dans le couple !)

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  2. Ce que tu dis à la fin est très important : ils sont libres, de s'aimer ou pas. En revanche, ils se doivent le respect. Avant la naissance de mon deuxième, une amie fille de psychologue pour enfants m'avait conseillé de ne pas chercher à forcer l'amitié entre mes enfants, ne pas dire "c'est ton petit frère, tu dois l'aimer". On ne peut pas forcer les sentiments et cette intrusion peut même avoir l'effet inverse. Elle m'avait conseillé de dire : "c'est ton frère, tu n'es pas obligé de l'aimer, mais tu dois le respecter et ne pas le taper/ crier dessus".

    J'aime bien cette formule et l'utilise toujours, même par rapport à nous les parents.

    Swanilda

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  3. Ah... Les relations entre frères ou frères/sœur... Vaste sujet... Je pense que l'écart d'âge joue et l'âge tout court aussi... Mes deux ados se sont pendant longtemps plutôt bien entendus... En ce moment, ils sont comme chien et chat... Même si je suis plutôt heureuse que mon deuxième, qui pendant longtemps était plutôt suiveur de son frère, prenne son autonomie, les sujets de différents s'accumulent et l'ambiance est bien souvent électrique!

    Et que dire de ce "petit" garçon de bientôt six ans et de sa petite sœur de 2 ans! Parfois super complices... mais le plus souvent, c'est la guerre de tranchée! En attendant, l'urgence du moment, c'est de les séparer: on espère fort que les choses s'apaiseront quand ils auront chacun leur chambre (on peut toujours rêver, non?)...

    Il faut vraiment que je me plonge dans Faber et Mazlish...

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    1. Plonge, plonge ! C'est une perspective tellement précieuse

      Tout à fait d'accord avec les histoires d'âge et d'écart d'âge, et en effet l'adolescence, période de doute et d'affirmation de soi, peut légitimement être costaud à gérer AUSSI sur ce point là (j'ai pas hâte !). Ca a été un période très compliquée avec ma sœur suivante (et pour le coup avoir enfin des chambres séparées a permis l'indispensable bouffée d'air), ce qui n'a pas empêché de belles retrouvailles / l'épanouissement d'une belle relation une fois les turbulences de l'adolescence derrière nous (et pourtant l'opposition avait été rude !)
      Bon courage pour naviguer dans ces différentes constellations

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  4. Moi aussi j'aimerai tellement qu'ils s'aiment, mes deux grands (3 et 7 ans). Mais je dois composer avec mon propre passé : depuis au moins 4 générations, d'après les témoignages des concernées, ma mère, ma grand mère et mon arrière grand mère ont toujours marqué une grosse préférence pour leur garçon ainé, et une certaine dureté envers leur fille née en deuxième place. C'est fou, parce qu'elles reproduisaient ce qui les a tant fait souffrir. Comme j'en ai pris conscience, j'essaie de ne pas favorisé mon grand... Mais j'ai tendance à tomber dans l'injustice inverse en prenant toujours la défense de la plus petite !
    Ah, on en traîne, des casseroles !
    Mais tu as raison, la chance avec l'IEF, c'est que nous donnons une chance à nos enfants de bien se connaître et de partager beaucoup de bons moments. Et, euh... des moments plus mouvementés !

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    1. Argh, lourde hérédité en effet.
      Je trouve que c'est vraiment un des aspects les plus inconfortables de la parentalité : la manière dont elle nous confronte, de plein fouet, avec tout ce qui nous a marqués enfant, et qu'on aurait préféré laisser dans un coin.

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  5. Je découvre ton blog grâce à l'IEF, sujet qui m'intéresse beaucoup en ce moment.
    Nous avons aussi 2 minus (garçon et fille) qui ont 3 et 1 an(s), donc ton billet est très intéressant, merci !
    Et pardon mais j'ai rigolé à l'anecdote avec le léopard ... C'est à la fois mignon et pas mignon haha !

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    1. Merci de ton passage ici!
      Hihihi, tu as bien raison de rigoler, eh, quand ça nous arrive on a parfois du mal, alors autant aller se détendre chez les autres !!
      Je te souhaite plein de chouettes réflexions sur l'IEF, je viens de voir grace à ta page que tu es auto entrepreneur, ça permet de concilier vie pro et ief c'est chouette ! Comme tu pourras le voir dans pas mal de billets ici, c'est un sujet qui me (pré) occupe beaucoup! à bientôt

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    2. Eh bien justement tu vois, je ne sais pas si c'est le plus simple d'être AE et de le concilier avec vie personnelle/familiale ;) c'est aussi un sujet qui me préoccupe hihi !

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    3. Je vois ce que tu veux dire, en effet ce n'est pas facile de donner sa place à chaque chose. On a peut être plus de souplesse mais aussi d'autres contraintes. Du coup ça demande de penser l'organisation spécifiquement pour... Tout dépend aussi de l'ampleur de l'activité d'AE / de la part du revenu familial qui repose sur elle !
      J'ai une bonne copine AE, et moi meme j'y réfléchis pour le moyen terme...

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