jeudi 28 janvier 2016

Du peu d'esprit des Lois

Il y a quelques semaines, j'avais eu l'occasion, l'espace d'une matinée, d'expérimenter une des pistes conçues par mon génial cerveau (si si) pour
  • conserver une activité professionnelle l'an prochain, 
  • me dégager la disponibilité nécessaire pour mener nos projets d'IEF en parallèle 
J'ai nommé : donner des cours dans mon domaine d'expertise pro, dans l'enseignement supérieur.
Test doublement concluant, puisque cette première expérience m'avait permis de confirmer à la fois mon intérêt pour ce genre d'activité, et l'intérêt de mon public pour ce que j'ai à proposer.

Ils m'intéressent, je les intéresse, 
tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes...



Ce serait compter sans les subtilités de la loi française, ou plutôt de ses décrets, puisqu'il s'agit d'un décret : le n°87-889, pour être précis.
Celui-ci interdit notamment à une personne au chômage d'assurer des vacations dans l'Enseignement Supérieur.

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Quelle loi bien pensée, quel trésor de finesse législative, quel intelligence des situations!






Chouettes conséquences, en général, de ce sublime décret :
  • Amplifier la grande précarité des vacataires : car cette disposition est liée au fait qu'on ne cotise pas au chômage sur son salaire de vacation. Donc un vacataire n'accumule pas de droits au chômage. Au passage, mes propres interrogations m'auront ainsi permis de découvrir la précarité de la situation d'une énorme proportion des personnes enseignant dans l'Enseignement Supérieur, et cela fait froid dans le dos (vous pouvez aussi lire ici). Encore typique de la manière dont l’État présente le Privé comme le grand Méchant, quand il se permet de traiter ses employés de manière bien pire, et notamment de passer outre toutes les limites qu'il fixe au même Privé. Faites c'que j'dis, pas c'que j'fais....
  • Empêcher l'université de profiter de l'expérience de personnes ayant roulé leur bosse, mais momentanément disponibles : qu'il est judicieux de se priver des compétences de professionnels la plupart du temps trop overbookés dans leur quotidien pour venir apporter leur vécu à des étudiants! Les aléas des carrières des pro auraient justement pu représenter l'opportunité de rendre plus perméable la frontière entre université et monde du travail, en ne réservant pas l'enseignement à des professionnels, de l'enseignement, certes, mais pas de la pratique quotidienne de ce qu'ils enseignent. Bref, mieux allier théorique et pratique, des trucs inutiles, quoi. (je m'arrête là car je pourrais encore écrire des kilomètres rien que sur l'aspect "créer - ou pas - des ponts entre étudiants et professionnels"; ça me démange, mais zut, je garde de mes propres études la hantise du hors-sujet)
  • Priver lesdits professionnels au chômage, non seulement d'un revenu d'appoint, mais aussi d'une occasion précieuse de 
    • sortir de chez eux, 
    • réfléchir à leur pratique professionnelle et l'améliorer (transmettre son savoir constitue en effet une manière très efficace de l'approfondir pour soi ! Cela incite au retour sur soi, à l'analyse des facteurs de succès et de réussite, etc)
    • s'impliquer dans une activité valorisante et valorisable sur un CV, 
    • élargir leur réseau, se faire de nouveaux contacts...
    • autant d'éléments pourtant bien intéressants dans une logique de réinsertion professionnelle.

Non moins chouettes conséquences pour votre humble servante :
  • Techniquement, si je n'avais pas retrouvé du travail juste avant l'intervention réalisée en novembre, je ne sais pas trop si celle-ci aurait été possible/légale (alors qu'on me l'avait proposée avant que je n'aie retrouvé un emploi, cherchez l'erreur)....
  • Cumuler, pendant un temps, chômage + quelques heures de cours par-ci par-là, une organisation provisoire visant à me permettre de tester l'IEF, la vie de femme au foyer / à activité pro très réduite, etc, sans brûler mes vaisseaux si cela devait finalement ne pas me convenir? Cette voie semble fermée.
  • A plus long terme, si je souhaitais persévérer, et me spécialiser dans ce genre d'interventions, m'assurant ainsi un revenu et une activité minimum conciliables avec la disponibilité nécessitée par l'éducation des enfants et l'IEF? Non plus.

Options encore ouvertes
  • cumuler des interventions avec une éventuelle activité à 40 ou 50% si la possibilité dont je vous parlais ici se concrétise. Mais ça alourdit le planning.... Et encore, techniquement, si ils se montrent regardants et s'amusent à convertir en heures mon activité (alors que je suis cadre au forfait-jours), à 50% je serais en dessous du seuil de 900h/an exigé pour être autorisé(e) à vacater...
  • m'installer en tant qu'auto-entrepreneur (il semble que ce soit une manière courante de contourner ce décret); je vais creuser cet aspect, mais cela implique un risque pour moi : renoncer aux revenus du chômage pour tout miser sur ceux de l'auto-entreprenariat. Par ailleurs il faut que je vérifie que ça ne me fait pas perdre les droits chômage acquis, ainsi que l'impact éventuel sur les aides de la CAF. Perdre de l'argent à en gagner ?....si d'aucunes s'y connaissent avec ce statut, je suis toute ouïe !
  • rester au chômage sans rien pouvoir faire
    • Ce qui, dans l'éventualité où nous déciderions d'agrandir la famille prochainement, serait financièrement plus sûr car, grossesse patho oblige, je serai très très vite en arrêt maladie. L'impossibilité de cumuler avec des heures de cours se traduirait donc par un trou important dans le CV : le chômage jusqu'à l'arrêt maladie, puis l'arrêt, le congé mat' - long car 3ème enfant, etc.
    • Alors que, si je donnais juste quelques cours, cela me laisserait suffisamment de repos encore pour reculer un peu le début du congé maladie. Si ce décret m'en empêche, je serai donc moins bien positionnée pour vendre mes cours ensuite, et j'aurai aussi un peu perdu le bénéfice de ma première expérience
  • profiter d'un délai de un an qui permet, si on a été vacataire dans l'année avant son chômage, de continuer à exercer une activité similaire la première année de chômage; ce serait toujours ça !
  • me rabattre, non pas sur un statut de vacataire ou assimilé, mais sur celui de conférencier, non soumis au mêmes règles.... mais à une limite de 12h / an. Donc activité tout à fait anecdotique.... (je me pose tout de même la question de savoir si c'est 12h/an, en tout, ou par école.... car comme j'ai plusieurs écoles en ligne de mire....)
Et enfin, last but not least
  • y aller au culot et tester jusqu'à quel point mon futur Pôle Emploi, ainsi que les écoles que je vise, appliquent ce fichu décret, car visiblement il existe de sacrées différences à ce niveau, et certains se montrent plus coulant que d'autres. 


De la lisibilité des lois, et de l'égalité de tous devant elles....


2 commentaires:

  1. Bonjour! Je découvre ton blog et il me plait bien. Je n'ai pas tout à fait le même parcours mais suite à ce genre de questionnement, je suis entrée dans une coopérative associative (Coop Antigone) à Strasbourg. C'est le début mais c'est très intéressant. Ca voir leur site ;-) et bon courage pour la suite.

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    1. Bonjour et merci ! Je suis allée regarder le site que tu m'as conseillé et en effet, c'est intéressant... je serai ravie d'en causer davantage avec toi. D'ailleurs je crois qu'en fait on se connaît "pour de vrai" ;-)

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