Aujourd'hui, je vous parle enfin d'une personne qui n'a été évoquée qu'en filigrane de certains billets de blog : G4, notre dernière mamie-au-pair. Un billet sur le sujet dans les brouillons du blog date de.... janvier 2020.
Pour rappel, nos aventures mamie-au-pairesques (retrouvables ici pour les prémices, puis là, là et enfin là) nous avaient causé quelques doutes sur l'adaptation de ce mode de fonctionnement aux besoins de notre famille, si bien qu'en amont de l'arrivée de notre chère G4, nous avions discuté de ceux-ci avec elle et planifié sa venue au printemps 2019 avec la rigueur d'une campagne militaire.
Ça a été extraordinaire.
Les débuts avaient été compliqués : au bout de quelques jours; F. était parti en guerre contre elle, sur un schéma qui nous avait rappelé les premiers temps avec notre G3. Mais cette fois-ci, prévenus, nous avons pu gérer cela de concert avec G4.
Que de moments passés toutes les deux à comploter pour identifier les meilleures stratégies à déployer pour permettre G4 de trouver sa place et à F. de l'apprivoiser !
Nous avons été aidés en cela par la psy qui suivait encore F. et qui a assez rapidement pu identifier que F. était en fait en plein conflit de loyauté: pouvait-il se laisser aller à aimer G4 sans être déloyal à notre chère G1 ? (laquelle était revenue passer plusieurs mois chez nous durant l'hiver, ce qui avait bien évidemment encore renforcé l'affection que F. lui portait)
G4 a été d'une finesse et d'une persévérance épatantes et je lui en serai à jamais reconnaissante.
Jour après jour, elle a conquis le cœur de F., magnant douceur et fermeté, conspirant avec notre G1 au téléphone pour récupérer auprès d'elle un max de "trucs" sur la meilleure manière de s'y prendre... et elle a elle-même été très émue de constater l'affection que F. lui a ensuite témoignée et la force du lien qui s'est tissé entre eux.
Comme elle l'a dit elle-même après quelques semaines ; "je n'aurais pas parié un centime sur le fait qu'à l'arrivée, je me retrouverais même plus proche affectivement de F. que de E."
Ces développements ont contribué à me permettre de gérer mon déplacement pro en Asie sereinement, et nous ont ensuite amenés à construire l'année 2019-2020 différemment.
- G4 avait bien envie de revenir chez nous, mais souhaitait rendre cela compatible avec sa vie quotidienne en Allemagne.
- De notre côté, cela tombait bien : nous étions ravis à l'idée de revoir G4, et en même temps, ayant prévu que Monsieur Bout quitte son emploi, nous allions avoir moins besoin d'une mamie-au-pair en permanence, ce qui ouvrait des marges de manœuvre différentes.
- Nous réalisions aussi que pour nous, ce serait probablement la fin de la nos aventures mamie-au-pairesques "à l'aveugle" : nous serions toujours ravis de réaccueillir G4, ainsi que G1 si elle réussissait de nouveau à venir nous voir, en revanche, nous ne nous sentions plus en mesure de faire les efforts nécessaires à la sélection et l'intégration d'une toute nouvelle personne dans notre famille. La priorité allait à la stabilité émotionnelle de nos enfants, pas toujours compatible avec l'irruption d'inconnues au sein du cocon familial.Et du fait de notre nouvelle configuration, Monsieur Bout allait être davantage concerné par ce travail d'intégration, ce qui, pour lui qui est introverti, est autrement compliqué. Comme il le formulait lui-même : "Avec G1 ou G4 ce n'est pas un souci d'avoir quelqu'un à la maison, ce sont des membres de la famille, je ne les vis pas comme étant 'dans mes pattes'. Mais je ne me sentirais pas à l'aise avec une nouvelle personne."
Moralité : nous avons convenu avec G4 qu'elle reviendrait tous les 2-3 mois chez nous, pour 3 semaines, ce qui, pour elle, permettait d'avoir sa vie en Allemagne, tout en partant régulièrement "en vacances" chez nous. De notre côté, ce serait un luxe agréable d'avoir son soutien régulier, et une grande aide pour la "germanophonisation" des enfants, dont nous constations déjà des effets prometteurs.
Elle est donc revenue en septembre, puis fin novembre, puis de mi-février 2020 à début mars...
A son départ début mars, j'étais en mode baleine, et on parlait un peu COVID, mais ça semblait encore... vague.
Nous nous sommes donc allègrement dit à bientôt, et elle a laissé une partie de ses affaires dans un coin de placard histoire de ne pas tout trimballer pour rien : G1 allait prendre le relais fin mars afin d'être là tout avril et mai pour aider autour de la naissance de notre petit H., et elle-même reviendrait début juin.
Je me réjouissais qu'elle puisse connaître H. dès tout petit et continuer à réjouir notre maison et accompagner nos enfants à mesure qu'ils grandiraient.
Mais le COVID est intervenu.
- Pas de G1 pour la naissance.
- Pas de G4 en juin.
Nous avons patiemment attendu, elle de son côté de la frontière, nous du nôtre, d'avoir suffisamment de visibilité pour que des retrouvailles soient possibles. Chaque déconfinement / allègement des restrictions nous a donné de l'espoir et s'est traduit par de l'échafaudage de plans / consultation de calendriers pour fixer des dates, pour devoir à chaque fois remettre la concrétisation de ces plans à plus tard. Un peu plus tard, pas longtemps, c'était pour bientôt !
Au printemps 2021, ça y était, on voyait le bout. Nous avons commencé à regarder pour des dates en juin.
Jusqu'à un message de sa part, un jour ensoleillé de mai.
M'informant que les problèmes de digestion dont nous avions plaisanté toutes les 2 les semaines auparavant venaient de se révéler être un cancer du pancréas, et que ses médecins lui donnaient 6 mois à vivre.
G4 aura finalement réussi à se battre pendant 18 mois. 18 mois pendant lesquels nous avons partagé beaucoup de beaux moments au téléphone, des photos des enfants et de ses petits-enfants, des paquets, des blagues, et elle-même aura eu la joie de voir naître deux nouveaux petits-enfants chez elle.
Le weekend dernier, elle a rendu son dernier souffle, et avec elle, c'est une des femmes les plus extraordinaires que je connaisse qui s'est éteinte. Notre G4 avait eu une vie peu commune, marquée par des pans d'histoire mondiale dramatiques, et en avait retiré une niaque et une finesse impressionnantes. Le tout lié à un sens de l'humour aussi pourri que le mien, qui ont conféré à chacun de ses séjours à la maison une fluidité et une joie mémorables.
Tous les jours, je pense encore à quelque chose que j'aimerais lui raconter ; tous les jours, je rentre dans la chambre d'amis qu'une fois sur 2 nous désignons encore du nom de "chambre de G4"; tous les jours, je mesure la chance que nous avons eue de la rencontrer.
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