jeudi 4 juin 2020

"Un parent positif parle d'une voix douce" - vraiment ? - petit Moment de Parentalité Positive

Un court billet pour venir fixer un des moments réussis partagés sur le groupe Facebook destiné à cet effet.
Raconter celui-ci sur le groupe a provoqué chez moi quelques songeries complémentaires.


Ce qui m'amène à inaugurer une série de billets avec un tag particulier : phrase à la con.
Car aujourd'hui, nous allons parler d'une phrase à la con, ce genre de phrase que nous avons entendu, intégré, et qui constitue une croyance limitante.
C'est quoi une croyance limitante ? Ben un truc qui nous limite, qui limite notre capacité à être, à agir, à entrer en relation, à vivre. Qui est faux (croyance, pas vérité), mais a valeur de vérité car transmis par notre entourage, hérité de notre famille, inculqué pendant notre enfance, etc.
BOUH la méchante croyance limitante.
C'est une sœur jumelle de ces nains-là.
Et donc une seule chose à faire avec celles-là : les repérer et les dézinguer avec force et hémoglobine.


Donc, le moment partagé :

Retour de ballade avec les 3 enfants (bébé en porte-bébé) ; dans l'impasse privée de notre résidence j'ai la joie de tomber sur Claire (à qui nous devons les sublimes illustrations du bouquin). Confinement oblige, nous ne sommes guère vues ces dernières semaines, donc papote à 1m de distance (voire plus, afin de l'empêcher, à sa demande, de "manger le bébé"), pendant que nos enfants respectifs, aussi ravis de se retrouver que leurs mères, font de même.
Mais assez rapidement H. s'agite dans le porte-bébé : il n'a pas tété depuis longtemps…
Mes
"on rentre les enfants" 
"les enfants c'est le moment de rentrer"
"H. a faim il nous faut rentrer" passent visiblement complètement au-dessus de mes enfants, je me sens invisible. L'agitation de H. s'accentue, la mienne aussi... Je ne suis pas plus écoutée.
Ouille.
Et je me souviens juste à propos de l'exemple 10 de mon bouquin feuilleté la veille au soir pour les besoins du groupe.
Je me rapproche de F. et je pose ma main sur son épaule. Je dis d'une voix calme :
"J'ai répété vraiment beaucoup de fois que c'était le moment de rentrer. 
- E., on y va !"
Direction le jardin pour tout le monde.



Suite à ce moment, réflexion en 2 temps


1. "D'une voix calme, douce…", disais-je


Il ne s'agit pas là d'une douceur feinte, de cet écueil classique en parentalité positive, où l'on est victime du mythe / injonction
"en parentalité positive on parle toujours avec des paillettes et des fleurs dans la voix"
... au risque d'exploser encore plus fort juste après.


C'est un écueil, oui.
  • Oui, maîtriser le ton de sa voix se révèle souvent très utile pour ne pas rajouter du rapport de forces dans la voix.
  • Cependant… comme le dit Haïm Ginott
"on peut se montrer un peu plus gentil qu'on se sent, mais un peu seulement" 
(yep, encore une application de cette maxime ! A mettre à toutes les sauces ;-) ), et s'obliger à utiliser un ton eeeextrêmement doux quand on bout à l'intérieur nous force à un manque d'authenticité qui risque bien de se retourner contre tout le monde ensuite.
  • Adoucir légèrement sa voix : oui, pour ne pas donner TOUTE l'ampleur de notre colère à sentir à l'enfant, oui.
  • Parler doucement à un très jeune enfant parce qu'on perçoit qu'à un très jeune âge le non-verbal supplante tellement le verbal que c'est la seule chose qu'il peut comprendre : oui, encore.

Mais pas de fausses paillettes ni de fleurs en plastique !
Si on est en colère, gaspiller notre énergie à travestir notre ton de voix risque fort de ne pas nous laisser d'énergie pour ce qui compte vraiment : l'attention
  • 1. aux mots qui sont ainsi dits : quelle différence énorme il y a entre 
    • beuglement numéro 1 "Vous êtes INSUPPORTAAAABLES !!!" (attaque de l'enfant) et 
    • beuglement numéro 2 "Je suis FURIEUSE de voir le linge éparpillé partout !" (expression très vigoureuse de sentiments très très vigoureux) : le message passé est très très différent...
  • 2. à la brièveté : quelle différence énorme d'impact entre 
    • un bref cri "Les enfants LA PORTEEEEUH" et 
    • un looong hurlement "J'en peux plus j'en ai marre vous avez encore et puis la dernière fois etc et faudra pas venir vous plaindre et d'ailleurs vous pouvez toujours rêver de". (nan, regardez pas ailleurs, on l'a tous entendus de nos parents, et... on l'a tous reproduit aussi. Parce qu'une colère trop longtemps réprimée a cette fâcheuse tendance à ne plus pouvoir s'arrêter une fois que la valve de sécurité saute). Alors que s'astreindre à être le plus bref possible permet à la colère de sortir, ce qui est absolument nécessaire, mais sans dommage, ce qui nous tient tout autant à cœur. (cf l'extraordinaire chapitre consacré à la colère sans dommage dans le Parents Epanouis, Enfants Epanouis de Faber et Mazlish).

Se forcer à ne pas sortir sa colère, la réprimer, c'est hyper coûteux, et nuisible à la relation parent - enfant, au fond : comme le dit Haim Ginott : les enfants ont besoin d'authenticité.
La colère est une information utile, elle constitue un signal d'alerte, tant pour nous que vis à vis de nos enfants, et se forcer à ne pas l'exprimer
  • 1. nous épuise 
  • 2. nuit à nos sentiments positifs envers nos enfants : dans leur excellent Frères et sœurs sans rivalité, Faber et Mazlish (encore eux. M'enfin vous êtes habitués avec moi) disent "pour permettre aux sentiments positifs de rentrer, il faut laisser les sentiments négatifs sortir"; c'est valable dans les relations au sein de la fratrie… mais pas que !) 
  • 3. expose notre enfant à se prendre de plein fouet notre colère quand la cocotte minute explose 
  • 4. nous expose, nous, à nous engluer dans la culpabilité, culpabilité qui vient encore plus saper notre moral et donc notre capacité à mobiliser nos ressources pour faire différemment. 
Super bilan.


2. Ne pas adoucir artificiellement sa voix... mais adoucir effectivement ses sentiments ?

Nos sentiments ne peuvent ni ne doivent être réprimés, donc.
En revanche, ils peuvent être orientés par tout un tas de choses.
Par exemple, si on est fatigué, un verre renversé, un refus de notre enfant, ou une de ses colères, risque bien davantage de provoquer chez nous agacement, fureur ou détresse, que si on a notre content de sommeil. Alors que si on a pu veiller à notre jauge de sommeil, il y a plus de chance que les mêmes évènements n'aient pas du tout le même impact émotionnel.
Idem si on se sent stressé, seul, bref, c'est l'impact du découvert émotionnel, superbe concept exposé ici.
Se permettre d'exprimer sa colère comme vu en point 1, oui. En revanche si on constate qu'on passe son temps à devoir exprimer sa colère... c'est le signal que quelque chose ne va pas.
  • Ca peut être que notre enfant agit de manière particulièrement relou en ce moment, et ça risque fort d'être lié à un réservoir vide chez lui. 
  • Ou ça peut être que nous percevons notre enfant comme particulièrement relou en ce moment... et c'est le signe d'un réservoir d'amour vide chez nous !
Or notre compte en banque, il s'agit à la fois de veiller à ne pas trop le vider…. mais aussi et surtout de prendre le soin de le remplir ! Contrairement aux vrais sous, où trouver de nouvelles sources significatives de revenus s'avère souvent assez compliqué, sur le plan émotionnel aller chercher de nouvelles ressources est très souvent ZE truc à faire. On peut
  • 1. dresser une liste de tout ce qui nous fait du bien, nous remplit vraiment et 
  • 2. décider que cocher dans cette liste est une priorité... une fois qu'on met de côté la peur d'être égoïste.
Agir ainsi, renflouer ses finances de manière proactive nous donne beaucoup plus de ressources et oriente nos sentiments dans une direction tout autre.

Quel rapport entre ce laïus (passionnant par ailleurs) et le petit épisode en introduction de ce billet ?
Orienter nos sentiments, vous dites...
Et c'est là où cet épisode a attiré mon attention sur l'une des grandes forces du toucher.
  • Toucher notre enfant l'aide à coopérer, à connecter son cerveau et se connecter à nous et ainsi être en mesure d'entendre notre demande.
  • Mais toucher notre enfant nous aide aussi à être véritablement, nous aussi, dans une logique de coopération. Il connecte l'enfant à nous, il nous connecte également à notre enfant. Dans ce cas toucher F. a vraiment adouci mon état d'esprit, que la douceur de ma voix est donc venue refléter.
Ce qui m'a remis en mémoire un conseil de conseillers conjugaux : ils est recommandé, lors des disputes / discussions conflictuelles avec le conjoint, de mener celles-ci en tenant la main de son conjoint. Afin d'éviter des dérapages et de favoriser le maintien d'une bonne empathie, et donc un maximum de constructivité.

Bref, de la même manière que dans mon billet sur les Sims nous voyons 
  • qu'il existe des moyens pour orienter nos sentiments amoureux / les garder orientés / les réorienter vers notre conjoint, 
  • la nécessité d'y avoir recours en dézinguant la petite voix qui nous dit que "c'est du luxe" ou encore que "je néglige mon enfant quand je prends du temps avec mon conjoint", 
il s'agit ici de voir quelles ressources nous avons pour orienter nos sentiments vers notre enfant. Soit sur le long terme, soit directement en situation.
De voir, et de taper dedans sans complexe.


2 commentaires:

  1. je n'ai qu'une chose à dire : testé et approuvé !
    Rien que le fait de toucher l'épaule m'encourage fortement à me mettre à la hauteur de mon fils, et à partir de ce moment là il peut m'expliquer ce qui ne va pas, ou je peux dire ce que j'aimerais qu'on fasse.
    Au fait, tu m'as donné envie de lire des albums des Schtroumpfs (que je n'ai jamais lus), j'en ai pris à la bibliothèque : c'est distrayant pour moi et mon fils adooooore ! Il me réclame encore le schtroump nooooaaaar emprunté il y a presque un mois.

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    1. Ah trop bien ! Oui c'est impressionnant, hein… et en meme temps tellement logique quand on y pense : nous sommes des êtres de corps et d'esprit et agir sur notre corps nous permet d'agir sur notre esprit (toucher l'autre = yoga relationnel, en fait hihihi)
      Raviiiie de t'avoir contaminée sur les Schtroumpfs, et effectivement, je trouve que c'est très… dépaysant. Evidemment ces Schtroumpfs se comportent de manière assez peu CNV( ils s'en mettent plein la figure franchement, et bonjour les étiquettes) mais qu'est ce qu'on rigole

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