vendredi 12 janvier 2018

Quand Faber & Mazlish ne "marchent" pas... #1 - d'autres outils

Cela fait plus ou moins 9 mois déjà que ce billet mûrit dans ma tête et dans les brouillons du blog.
C'est un billet long et difficile à écrire, parce que les expériences qui l'ont constitué ont été longues, parfois, à intervenir, et difficiles, souvent, à vivre.
Mais aujourd'hui, il est important pour moi de venir partager cela avec vous.
A la fois, toujours, parce qu'écrire me permet de structurer ma pensée, d'ordonner mes réflexions, et de mûrir ma démarche.
Et aussi, parce que plus j'avance, plus j'estime que partager ses difficultés avec son entourage, et non entretenir une vitrine scintillante en prétendant que "tout va très bien Madame la marquise", constitue presque un devoir, ou en tous cas, une noble cause (3615PreuxChevalier Bonjoôôuur).

De nos jours (mais est-ce seulement de nos jours ? Je n'en suis pas si sûre, et ne voudrais pas sombrer dans ce laïus si commun et facile du "c'était mieux avant"), nous sommes très menacés par l'isolement, un isolement qui empire nos difficultés
Partager les difficultés, c'est s'offrir un triple soulagement
  • mes difficultés ne sont pas "de ma faute", puisque je peux voir que je suis loin d'être seule à les rencontrer. Par opposition à "mais y a que chez moi que c'est comme ça donc c'est moi le problème, je suis nulle". Auto-dévalorisation qui ne vient qu'empirer les choses.
  • mes difficultés sont normales (ou pas) : grâce à ces partages, j'ai des points de comparaison qui me permettent 
    • de ne pas dramatiser des broutilles / choses "normalement difficiles", 
    • ni de passer à côté de problèmes véritablement préoccupants en pensant que tout le monde vit la même chose 
    • exemples au hasard: discuter avec pas mal de mamans peut permettre à une maman de bébé ne faisant pas ses nuits à 6 mois de s'apaiser en constatant que c'est très commun; et à celle dont le bébé se réveille 15 fois par nuit de peut-être réaliser qu'il peut y avoir une cause particulière à ces réveils vraiment très/trop fréquents.
  • mes difficultés peuvent avoir des solutions, et je peux gagner du temps à cibler celles qui marchent : par opposition au fait que chacune, dans son coin, s'échine à réinventer l'eau tiède. Et du reste c'est pour cela que maintenant est le bon moment pour moi pour venir écrire les lignes qui suivront: j'ai pataugé longuement, désespéré, longtemps, et en ce moment l'espoir revient, l'impression d'avoir peut-être trouvé une clé, valable pour mon enfant, valable peut-être aussi pour d'autres.

C'est le sens de pas mal de billets rédigés ici, et particulièrement, vous l'aurez remarqué, de certains des billets plus récents. (qu'il s'agisse de mes infidélités à Faber et Mazlish, de la difficulté à pratiquer la parentalité positive passé l'âge de 2 ans, ou encore des crises de couple).
Des conseils de parentalité positive, on peut en lire plein, mais il est aussi important de réaliser que, quelque soit le packaging parfois très vendeur qui les accompagne, non, la "parentalité facile" ça n'existe pas.

Être parent les doigts dans le nez ?
Oh, si, c'est possible. 
Mais faudra demander à quelqu'un d'autre de mettre ses doigts dans votre nez, alors, parce que vos mains à vous seront toujours bien trop occupées pour cela.
(l'image est pourrie limite dégueu, je sais. Mais j'écris cette intro à 22h38, et je ressens une envie irrépressible de partager cette image loufoque qui s'est subitement imposée à mon esprit)

Fin de l'introduction.
Passons au vif du sujet.


J'ai découvert Faber et Mazlish avec passion.

         J'ai lu et relu leurs bouquins, puis nous avons suivi les ateliers de parents correspondants 
                      J'ai écrit un certain nombre de billets sur la théorie (leurs bouquins, et d'autres associés)
                             J'en ai écrit un encore plus gros nombre sur la pratique. Mes Semaines de Parentalité Positive, notamment, ont eu vocation à partager toutes ces expériences "whaou", ces moments où l'application d'un conseil porte du fruit et vient débloquer, faciliter, embellir, illuminer, un instant du quotidien.
                                                  Aujourd'hui encore, j'en suis toujours aussi mordue (au point que dans quelques semaines je vais enfin suivre une formation à l'animation d'ateliers; parce qu'à force j'ai juste envie de me donner les moyens de contaminer encore plus de gens).

Il n'empêche. Parfois, Faber et Mazlish, ça ne marche pas.


Alors, d'abord, hein, c'est normal que Faber et Mazlish ça ne marche pas toujours.
J'en avais parlé dans mon billet sur les ratés de la parentalité positive: personne n'est un robot, nos enfants non plus, Dieu merci. Il n'y donc pas de télécommande universelle.

Mais l'objet du billet d’aujourd’hui n'est pas les situations à la "j'ai dit ça à mon gosse, et il n'a pas coopéré".
Il s'agit davantage des moments où, dans la durée, un problème subsiste, persiste, s'installe et nous gêne, tel un kyste, sans que toutes les habiletés Faber&Mazlishiennes ne parviennent à nous en débarrasser. Au point, parfois, de venir sérieusement polluer la relation à notre enfant, voire de nous faire désespérer et douter de notre chemin éducatif.

1. Quand Faber & Mazlish ne "marchent" pas - et qu'il nous faut recourir à d'autres outils


Agir sur l'environnement.

Ah, ce bon vieux principe montessorien! On a vite tendance à l'oublier, et pourtant...
Parfois, c'est assez anodin.

Ainsi, dans notre appartement strasbourgeois, j'avais tenté par tous les moyens F&M-compatibles de dissuader les Bébous de grimper sur une armoire en forme d'escalier pour aller brutaliser la lampe posée sur la "marche" la plus haute.
Sans succès. Cette lampe souffrait très régulièrement, et mes nerfs avec, au point que je n'osais plus trop laisser mes deux mômes 2 secondes sans supervision dans le salon. Le stress!
Jusqu'à ce que le hasard me conduise à déposer une plante verte sur la marche la plus basse (vraiment, le hasard: plante verte achetée pour le "Noël" d'équipe du boulot de Monsieur Bout, pour lui faciliter la tâche. Cadeau dont j'ai vite compris qu'il n'était pas exploitable, quand Monsieur m'a expliqué que la réunion en question réunirait des collègues du monde entier. Il pouvait tirer au sort quelqu'un qui repartirait en avion, or l'avion avec une plante verte de quasi 1 mètre de haut, c'est vache)
Bref, plante verte déposée = obstacle naturel sur le chemin de la lampe = lampe tranquille
= Gwen sereine.

Pour les lecteurs avertis du blog, la fascination de F. pour les volets, les fenêtres, et leurs systèmes de fermeture, ne fait pas de secret.
A quoi cela est du? Mystère.
Ça a commencé à ses 18 mois, nous avons espéré que le temps ferait son œuvre, nous avons accompagné, réorienté, encadré, nous avons même essayé de laisser libre cours à ses envies d'exploration, mais à un moment (celui où le moteur d'un premier volet électrique a commencé à donner de gros signes de faiblesse), il a fallu admettre que les systèmes de fermeture et notre patience s'épuiseraient avant l'intérêt de F..
Nous avons donc fait usage du tableau électrique très clair de notre appartement strasbourgeois: mise en position OFF du disjoncteur étiqueté "volets", pour ne le remettre en position ON que pour les quelques secondes nécessaires à leur ouverture/fermeture, matins et soirs.
= Disparition des conflits incessants.

Plus préoccupant: sa passion pour les fenêtres conduisait F. à ouvrir celles-ci et à se jucher sur leur rebord sans trop crier gare.
Puis, F. se mit également à jeter des objets par les fenêtres. Ses jouets, au départ. Des objets lourds, plus tard. J'ai détaillé ici plusieurs des stratégies employées pour l'en dissuader. Chou blanc.
Cela nous a amenés à admettre le constat suivant: quand le problème concerne la sécurité, on n'a pas forcément le temps d'attendre que l'enfant comprenne l'importance de la règle qu'on cherche à lui faire respecter. Nous avons donc changé toutes les poignées des fenêtres en y installant un mécanisme à clé. Contraignant, mais indispensable.

Énervant: l'hiver dernier, suite à la visite de bons amis avec leur garçon plus jeune que F., F. se mit à fréquemment imiter la voix de ce jeune enfant. Toutes mes tentatives pour l'amener à prendre sa voix à lui rencontrèrent un mur. Au contraire, après quelques jours, j'avais surtout l'impression qu'elles avaient plutôt renforcé la détermination de F. à user de sa voix de bébé.
J'ai donc arrêté les frais et décidé de laisser le temps faire son œuvre. Peu à peu, le recours à cette voix a décru, et c'était quasiment terminé cet été.
Jusqu'à ce que notre déménagement ne signe son retour.



L'aménagement de l'environnement, le temps, constituent des outils autres.
Faber et Mazlish donnent d'excellents conseils et vraiment, je les considère comme incontournables. Mais bien entendu il ne s'agit pas de prétendre que leurs bouquins contiennent TOUT ce qui peut servir à un parent: il existe bien d'autres sources, excellentes, auxquelles s'abreuver sur le chemin de la parentalité positive!
Ainsi, concernant l'intérêt de F. pour le jet d'objets par les fenêtres, c'est chez Lawrence Cohen que j'ai lu, bien plus tard, une idée lumineuse.
Ou encore, concernant les couchers difficiles que nous avions l'an dernier, c'est chez Jane Nelsen que j'avais trouvé une manière de procéder qui nous a longtemps assuré des soirées paisibles.



Et puis il y a d'autres points, encore, qui ont résisté, non seulement à tout Faber & Mazlish, mais à toute notre bibliothèque.
Deux points notamment.


J'ai parlé plusieurs fois de la tendance de F. à aller piller nos placards tôt le matin.
Très fréquemment, nous retrouvions des plaquettes de chocolat entamées, nos réserves de biscuits apéritifs dévorées, etc.
Cela avait fait l'objet de ma toute première tentative de résolution de problème, avec succès au départ, puis des rechutes de plus en plus fréquentes. J'ai testé de nombreuses choses.
Nous avons aussi tenté d'aménager l'environnement.
  • Faute de détenir une clé pour la porte de la cuisine, 
  • nous avons déplacé les plaquettes de chocolat. en les plaçant en hauteur, par exemple. Qu'à cela ne tienne, au bout de quelques jours F. avait trouvé comment empiler des tabourets Ikea sur la chaise haute de sa sœur. Ce qui ajoutait un problème de sécurité au souci initial. 
  • Puis nous les avons déménagées dans notre chambre. Pour découvrir, le matin suivant, que les biscuits apéritifs et le sucre vanillé avaient fait les frais des ardeurs de notre fiston. Pas moyen de déménager l’intégralité de nos placards, pourtant! 
Et ces tests ont été très utiles: ils n'ont pas réglé le problème, non, mais quand j'ai fini par aller demander conseil sur un groupe Facebook spécialisé F&M, l'énumération de tout ce que j'avais déjà fait sur le sujet a permis aux réponses de m'orienter: oui, j'avais déjà fait beaucoup, donc si le problème persistait, c'est qu'il se cachait peut-être autre chose derrière.
Désemparée, j'ai fini par arrêter de faire quoi que ce soit. Je me levais dès que je percevais le moindre bruit (bonjour les nuits détendues), j'allais attraper F., et je ne faisais plus rien, à part l'arrêter, le prendre dans mes bras, attendre qu'il termine de se débattre et de hurler, dire "c'est très dur" (car je sentais que c'était dur, mais pourquoi?), et le recoucher, pour être prête à intervenir la fois suivante.

De la même manière, j'avais beaucoup travaillé sur la gestion de ma colère parentale.
J'avais mis en place beaucoup des stratégies définies dans le premier billet consacré à ce sujet, puis dans le deuxième. Grâce à ce travail, j'avais réussi à beaucoup mieux gérer pas mal d'épisodes. Mais je me retrouvais, malgré tout, confrontée à des moments où mon cerveau disjonctait totalement: plusieurs fois, une claque est partie sans que je l'aie vue venir, j'en étais aussi surprise que F. .
C'est durant nos ateliers Faber et Mazlish que les participants et l'animatrice m'ont alors permis de réaliser vraiment que je touchais aux limites de ce que j'étais capable de maîtriser MOI, avec mes petits moyens rationnels de travail sur moi, et qu'il était peut-être temps d'aller chercher ailleurs.

Ces points feront l'objet de la seconde partie de ce billet.


7 commentaires:

  1. je ne sais pas si c'est très charitable d'entretenir un tel suspens?! bon week end

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    1. ai-je déjà prétendu être charitable ? :D
      Bon weekend ;-)

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  2. j'ai pas encore tout lu mais je tiens à partager mon fou rire. J'aime l'idée de la parentalité avec les doigts dans le nez :D :D plutôt que quelqu'un d'autres qui les mettent dans mon nez je propose de changer les bébés avec les pieds :D :D Sinon quand on a plusieurs enfants, ils peuvent se relayer pour mettre leurs doigts dans notre nez ! y a un âge où ils aiment ça :D

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  3. J'adore ces billets sur la vraie vie. C'est tellement authentique et humble... Bravo de cheminer ainsi. J'ai beaucoup aimé le billet où tu expliques aussi combien être parent t'apprends l'humilité. Je ressens cela aussi, et c'est ce qui me prend le plus d'énergie au quotidien, avec la gestion des émotions ressenties par 3 enfants. Je crois que dans ma formation et mon éducation ce point a été complétement minoré. Apprendre progressivement à gérer ses émotions à un enfant et les porter en attendant c'est un travail à temps plein !

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    1. Merci pour tes commentaires (et tes pistes de solution concernant les doigts dans le nez :D . A mon tour de me marrer!)

      Je suis heureuse de lire que ces "billets sur la vraie vie" servent vraiment.
      Je ne veux ni lancer de polémique / cracher dans la soupe, ni peindre la mariée en blanc, mais ce n'est pas toujours facile de rester loin de ces deux écueils (d'où le temps qu'il me faut souvent pour pondre un billet de ce genre)

      Et oui, comme toi, je me retrouve absolument pas préparée à ce que je réalise pourtant être l'une de mes missions les plus cruciales: aider mon enfant dans sa maturation émotionnelle.
      Je fais comment, hein, quand je réalise que j'en suis parfois quasiment au même point que lui?!

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  4. Ah, j'ai hate de lire la suite !
    J'aime beaucoup en tout cas le fait que tu insistes sur l'environnement. C'est effectivement fondamental, parce qu'on demande parfois des choses à nos enfants qui sont juste trop difficiles pour eux ! Comme de resister à l'envie de cette lampe !

    Certaines de tes remarques m'invitent à partager plus, cependant.
    1- pour le coup des jouets par la fenêtre, F et M t'apportent effectivement l'outil de la resolution de problème, qui, d'après ce que tu dis n'a pas marché chez toi mais... attends le point 2 ! Et avant ca, illustration du fait que ca peut marcher :
    https://les6doigtsdelamain.com/il-jette-les-jouets-par-le-balcon/

    2- Mon avancée dans "la discipline positive pour les ados" me rappelle 'importance, dans la recherche de solution, du suivi, et de l'adaptation. Le fait que cela ne marche pas au depart ne veut pas dire que ca ne marchera pas. Ca demande une période d'observation, un ajustement, un suivi fort.
    Pas facile, pas facile, mais ca change tout à la démarche !!
    3- Et c'est donc bien sur ce que je voudrais t'encourager à faire au sujet des placards, et nous pourrons, si tu veux, en discuter, la prochaine fois que nous nous parlerons...

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    1. Merci coralie !
      En ligne avec toi et ... comme toujours, vivement notre prochain coup de fil !

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