lundi 21 mars 2016

Travailler pour...? - Avoir une vie sociale

Le travail constitue souvent un lieu de sociabilité naturel et facile.
Cette portée "sociabilisante", intégratrice, d'une activité pro est symbolisée par la machine à café : il y a d'autres gens, on dit bonjour, on peut papoter, il y a le temps des pauses, du déjeuner, les échanges sur différents sujets, qui forment un cadre favorable permettant de construire et approfondir des relations.
En plus des relations avec les collègues, il y a les contacts avec des clients, des fournisseurs, des partenaires, ou mieux encore l'URSSAF, l'inspection du travail, la Justice...

Quels qu'ils soient, il s'agit de contacts
  • avec des adultes, permettant donc des échanges plus élaborés que "je veux la cuiller bleue", et portant sur d'autres thèmes que la couleurs des bottes de Petit Ours Brun 
  • suivis, offrant éventuellement davantage (ou plus facilement) de possibilités d'approfondissement que le bonjour-bonsoir avec la boulangère ou le livreur Colissimo.

L'observation de mon entourage m'a permis de réaliser à quel point, pour une personne timide / introvertie, ayant quelques difficultés à "socialiser", c'est-à- dire à nouer des liens, le travail peut donc représenter un vecteur essentiel de socialisation, en "obligeant", en instituant, la mise en contact avec d'autres personnes.

En effet, quand il nous est difficile d'aller vers les autres, la vie pro peut représenter une aide puissante : un cadre protecteur et incitatif, légitimant l'entrée en relation puisque celle-ci se fait sous un prétexte neutre. Une fois la mise en relation effectuée, la récurrence des contacts facilite l'approfondissement des liens sans que la personne n'ait à en prendre l'initiative.

Bien entendu, beaucoup (et c'est mon cas) n'auront pas forcément besoin de ce cadre pour rentrer en relation : aborder une autre maman au parc, lui demander son numéro de téléphone et lui proposer un café, ou s'incruster dans une réunion pour une association et aller à la rencontre de ses adhérents qui se connaissent déjà entre eux.

Cependant cet aspect n'est pas à négliger, tout simplement parce que ce qui demande peu d'efforts à certains caractères peut se révéler une montagne pour d'autres. Renoncer à une vie pro peut alors être source d'un grand isolement et causer un fort et durable repli sur soi. Ayant observé ce phénomène dans notre entourage, j'avoue que c'est un aspect auquel Monsieur Bout et moi-même sommes particulièrement sensibles, et vis-à-vis duquel nous préférons nous montrer prudents.
Plus généralement, même si on est d'une nature à nouer facilement des contacts, la gestion d'enfants en bas-âge (leurs horaires, leurs siestes, leurs colères, la masse de matos parfois nécessaire pour la moindre sortie,...) n'est pas toujours propice à l'entretien de relations suivies. Cela peut se traduire par une phase d'isolement qui, même si elle est ponctuelle, peut elle aussi se révéler difficile à vivre.


Cependant, l'apport d'une vie pro en "vie sociale" est à évaluer pour chaque cas individuel car il varie énormément selon l'organisation du travail (auto-entrepreneur, télétravail, équipes stables ou tournantes....) le type d'entreprises, les types de postes, le secteur d'activité, l'ambiance, les personnes elles-mêmes...
  • Pour ma part, chacune de mes expériences pro m'a permis d'y nouer des amitiés dont plusieurs durent encore aujourd'hui. Outre ces relations "durables", je garde aussi le souvenir d'une foule de conversations marrantes / instructives / profondes avec des personnes qui, si elles ne sont pas restées dans mon entourage une fois notre collaboration professionnelle terminée, auront tout de même contribué à m'enrichir et / ou à me faire rigoler.
  • En revanche il va de soi que l'apport "social" d'une entreprise au sein de laquelle règne un climat délétère et où chacun se tire dans les pattes est à relativiser. 
  • Plus classiquement, une connaissance me confiait que, depuis la naissance de ses enfants, elle ne trouvait plus aucun intérêt aux contacts qu'elle avait dans son milieu professionnel (la com'), tant la culture et les préoccupations de ce milieu étaient à mille lieues de ses nouvelles priorités. 
  • Une autre regrettait, que seule fille, et la plus jeune, dans une ambiance de mecs, elle n'eût personne à qui parler / avec qui apprécier de prendre des cafés. On est ainsi parfois plus isolée au milieu de 30 ou 100 personnes que chez soi...


Par ailleurs, la prise en compte de sa propre capacité à tisser des liens par soi-même peut permettre là encore de réfléchir à des stratégies alternatives : y a-t-il quelque chose d'autre que le travail qui pourrait m'aider à contourner ma timidité et m'aider à m'entourer?
  • Est-ce le moment de renouer avec ma passion pour la peinture sur porcelaine ou de m'inscrire à des cours de broderie? On prendra soin de choisir des cours dont l'ambiance / la taille est favorable aux discussions et à l'établissement de relations plus personnelles, et non une association ou chacun arrive, "consomme" le cours et repart.
  • Si le côté "utilité" est un point important pour moi, dans le sens qu'il m'aide à me sentir légitime pour aborder les personnes (je ne les aborde pas pour un motif "futile", mais pour servir la cause. Je suis "en mission"), serai-je plus à l'aise en m'investissant dans un but caritatif plutôt que dans une dynamique de pur loisir ?
  • La participation à un forum ou les échanges par le biais d'un blog sont également des moyens utilisés par de nombreuses mamans pour entretenir des relations avec leurs pareilles. 
    • Ces possibilités offrent l'avantage de permettre une communication en décalé, donc plus facilement compatible avec les contraintes de rythme liées à des enfants : pas besoin de sortir de chez soi, et on répondra le soir venu, les enfants couchés, à ce que l'autre a écrit pendant la sieste. 
    • Elles peuvent par ailleurs représenter un prélude à des rencontres dans la vraie vie, en permettant d'identifier des âmes-sœurs habitant finalement tout près. 
    • Mais elles présentent aussi le risque d'isoler davantage, si des relations virtuelles prennent le pas / conduisent à se désinvestir encore davantage des contacts "de la vraie vie".
  • La pratique de l'IEF peut tout aussi bien être 
    • un facteur d'isolement : pas de sorties d'école pour rencontrer d'autres parents, et préjugés envers l' "extra-terrestre" peu propices à des conversations prolongées
    • qu'un facteur d'inclusion : approfondissement des relations avec les voisins et les commerçants, intégration au sein d'un éventuel réseau IEF dans les environs, avec ses sorties non-sco, ses échanges de tuyaux et de services.

De nombreux aspects viendront influer sur la réussite de ces "stratégies de sociabilisation alternatives". 
Il vaut donc mieux prendre le temps d'évaluer aussi le contexte, les opportunités et facteurs de risques qu'il présente.
  • urbain, campagnard ? 
  • replié sur soi, accueillant ? Sur ce dernier point, la vie de paroisse peut représenter un énorme atout, ou pas. Ce sera une histoire de culture: 
    • en Normandie, les sorties de messe, où les anciens allaient spontanément faire la connaissance des nouveaux arrivants, nous avaient rapidement permis de tisser des liens puis de les renforcer.
    • Inversement, il manquait à notre première paroisse alsacienne cette chaleur / culture d'accueil, que nous avons en grande partie retrouvée en choisissant un clocher à peine quelques centaines de mètres plus loin.
    • on retrouvera le même potentiel inclusif pour les sorties d'école, si on a des enfants scolarisés, avec les mêmes nuances:  là encore, ce sera une histoire de culture, accueillante, ou pas ?
  • Est-on là depuis longtemps, avec un réseau déjà établi qu'il sera relativement facile d'entretenir, ou arrive-t-on à l'occasion d'un déménagement ?
  • Si déménagement (car souvent cela est l'opportunité de remettre à plat l'équilibre pro), dispose-t-on d'un réseau "naturel" (famille présente depuis longtemps) ou de facilités (contacts préexistants) pour le créer ? 
  • Les associations sont-elles trustées par les mêmes personnes depuis 30 ans, peu disposées à laisser la moindre place à des "étrangers" ?
  • L'IEF est-elle développée dans la région ? Alors que je commence, comme prévu, à rencontrer des familles du réseau IEF du coin, je mesure ma chance d'habiter en Alsace, une région dynamique à cet égard. D'autres amies se retrouvent plus isolées, car si la diversité des familles IEF constitue en elle-même une chance et une richesse, elle peut également signifier que les seules personnes avec lesquelles on pourrait partager sur l'IEF dans la région ont en fait des valeurs, un style de vie, un mode d'éducation tellement éloignés du sien que les échanges en sont rendus pour le moins laborieux.
Il pourra être pertinent de réfléchir à la localisation du logement familial, ou même de la reconsidérer : centre-ville, banlieue, village ? En ce qui me concerne cela a joué dans notre choix d'habiter en presque-centre-ville :
  • proximité de nombreuses familles, 
  • facilité d'accès à des infrastructures culturelles et associatives,
  • mais aussi tout simplement... la possibilité de faire beaucoup de choses sans voiture ! Une dimension qui, il faut bien que je l'avoue, est essentielle pour m'inciter à sortir de chez moi, car étant douée d'un sens de l'orientation proche de 0 (QUI a dit "du négatif " ?? Non, on ne pouffe pas!) et de surcroît nulle pour me garer (mais alors NULLE ! Il est indéniable que je n'ai eu mon permis que parce qu'on ne m'a pas demandé la moindre manœuvre), la perspective (ô combien angoissante: je me pomme, je n'arrive pas à me garer, je me repomme en cherchant une place où me garer) de devoir utiliser la voiture pour le moindre truc se traduirait automatiquement par une moindre activité...
Enfin, dernier point, quel est, de nouveau, mon propre besoin ? Selon les personnalités, là encore, on a plus ou moins besoin d'un large cercle de connaissances pour se sentir épanouie socialement / partie intégrante de la société. Il n'est pas non plus forcément indispensable de se fatiguer à prévoir mille manières de rencontrer du monde si on est d'un naturel plus solitaire et que ce monde nous épuise....

4 commentaires:

  1. Super intéressant comme article! Je m'y retrouve dans plusieurs points.
    Mais au final tu es une timide ou pas? ^^

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    1. Merci!
      Non moi j'ai la chance de ne pas être timide mais c'est l'observation de fonctionnements différents dans mon entourage proche qui m'a fait réaliser à quel point cet aspect pouvait compliquer une vie de femme au foyer.
      Et toi ?

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    2. Alors je suis d'autant plus contente de lire dans tes mots que j'ai bien saisi certains aspects de ce qui peut peser dans une décision de "timide" ! merci...:)

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