Travailler est source de rentrées financières, c'est même très souvent un des points qui nous envoie au travail, car vivre d'amour et d'eau fraîche finit par montrer ses limites. Quant à vivre de nos rentes... aaaaahhhhh....[soupir].... un doux rêve uniquement vécu par procuration auprès des personnages de la Comtesse de Ségur [snif].
Travailler pour gagner des sous, OK.
Mais derrière cet objectif, ces sous, se cachent à mon sens 3 grands besoins distincts:
- le besoin de subvenir aux besoins du foyer,
- le besoin d'assurer au foyer une sérénité / stabilité financière,
- le besoin de s'assurer soi-même une indépendance financière
que je traiterai donc dans 3 articles séparés.
Au menu de l'article d'aujourd'hui, donc, nous verrons dans quelle mesure le fait de travailler peut être nécessaire (ou pas) pour subvenir aux besoins du foyer.
L'équation étant
Deuxième salaire = plus d'argent sur le compte en banque = plus d'argent à dépenser.
Il s'agit là, en ayant deux salaires,
d'amener ses revenus à un niveau plus confortable / acceptable.
Beaucoup se joue déjà dans la définition du terme :
qu'est-ce qu'un niveau acceptable ?
En d'autres termes : de quoi avons-nous besoin ?
Il s'agit d'un point éminemment délicat car la question du rapport à
l'argent et aux "biens de ce monde" est très lourdement chargée au
niveau moral.
Entre
- "vivre simplement, pauvrement, à la manière de
François d'Assise"
et
- "rendre grâce au Seigneur pour les joies qu'il
nous donne en les appréciant dignement",
les différences d'approche sont
énormes !
C'est donc
un domaine dans lequel on juge très vite et on se
sent très vite jugé par toute personne plaçant ses priorités autrement
que nous.
Toute dépense au-delà du niveau que nous estimons nécessaire est estimée superflue, frivole, toute dépense en-deçà de ce niveau confine au masochisme.
Le grand appart des Trucmuche sera donc de l'esbrouffe, les repas
sans viande chez les Bidule une mortification puant le jansénisme à
plein nez...
Et pourtant, comme pour l'équilibre vie pro / vie familiale, il n'y a
pas de solution universelle, d'équilibre parfait convenant à tout un
chacun, car là encore, les besoins de chacun diffèrent et sont légitimes ! (mème si bien entendu mes besoins sont quand même un peu plus
légitimes que ceux des autres, n'est-ce-pas)
- pour certains manger des raviolis en conserve plusieurs fois par semaine ne pose aucun souci, pour d'autres la qualité de ce qu'il y a dans leur assiette est essentielle à leur moral.
- de la même manière, on est plus ou moins sensible à l’exiguïté de son logement,
- on a plus ou moins besoin d'être entouré ou non d'un jardin,
- on est plus ou moins sensible à l'esthétique (ou au manque d'esthétique) / charme du quartier,
- selon le style vestimentaire, les estimations de ce qu'est un budget raisonnable pour l'habillement varieront grandement,
- le besoin et le type de sorties va lui aussi varier (pique-nique ou restau étoilé ? film tranquille chez soi ou représentation à l'opéra ?)
- idem pour les voyages : camping en Ardèche ou roadtrip au Canada...
Certaines données de base influent par ailleurs grandement sur la capacité à atteindre ledit niveau acceptable sur un seul salaire.
Selon la taille du salaire principal, l'impact de l'absence d'un 2ème salaire variera énormément: y a pas à dire, il est plus facile de "se contenter d'un seul salaire" de 4 ou 6 mille euros par mois que d'un SMIC (oui oui, je vous livre de grandes découvertes, aujourd'hui). La notion de "sacrifice" financier ne recouvre alors pas la même réalité !
Selon la
région, le coût de la vie variera beaucoup aussi. Un changement de région peut représenter une solution...
ou pas !
- déracinement,
- boulot qui ne s'exerce que dans une capitale par exemple,
- ou même tout simplement, c'est notre cas : nous sommes des citadins, nous voyons bien à quel point nous apprécions notre vie de presque centre-ville de grande ville dynamique, aller chercher du m² pas cher à la campagne ne nous conviendrait pas du tout.
Néanmoins, faute de gagner plus d'argent,
on peut aussi diminuer sa dépendance à un 2ème salaire en dépensant moins.
C'est l'autre manière d'équilibrer son budget : à défaut d'augmenter ses revenus, les billets tels que
ceux-là (il y en a de nombreux !) fourmillent d'astuces sur la manière dont on peut réduire ses dépenses quotidiennes et donc réussir à se passer d'un 2ème salaire.
Mais encore faut-il regarder les choses en face :
ce mode de vie vous convient-il à vous?
Car ces astuces demandent d
'investir du temps et de l'énergie dans leur mise en place et leur maintien.
Certaines s'épanouiront dans la relève de ce challenge, seront ravies de produire leur lessive elles-mêmes, super fières d'apprendre à repriser, et en feront une occasion de
stimulation intellectuelle ; d'autres le vivront nettement moins bien et auront le
sentiment, ô combien frustrant, de passer leur temps à compter des centimes.
Ainsi, chez moi
investir du temps dans
- l'entretien des couches lavables : no souci. Le surcroit de travail qu'elles occasionnent me semble assez léger, et ne me gêne pas du tout. Il pourrait être ressenti tout à fait différemment par une autre personne.
- le fait de cuisiner moi-même : miam miam, j'aaime cuisiner
- la recherche de bonnes affaires sur leboncoin & cie (et globalement : acheter d'occasion): ça me va très bien aussi !
en revanche :
- passer du temps à faire le ménage alors que je pourrais passer le même temps dans un boulot (que j'aime, rappelons-le!) à gagner de quoi me payer les services d'une femme de ménage ? Nope.
- Passer des heures à fabriquer moi-même des trucs plutôt que de les acheter? J'ai deux mains gauches, souvenez-vous. Et la conscience aiguë que j'en ai rend la perspective même d'un bricolage un tant soit peu complexe extrêmement angoissante.
- Faire des travaux nous-mêmes dans notre logement plutôt que faire faire ? Monsieur Bout est un écœuré du bricolage et haïrait chaque minute passée à poncer, tapisser, carreler, whatever. Au bout d'un certain nombre d'années de mariage je sais d'ailleurs que si il est obligé de bricoler, il vaut mieux pour notre couple que je m'éloigne afin d'éviter que ses rouspéteries incessantes ne finissent par me taper tellement sur le système que la séance de bricolage ne débouche sur un conflit thermo-nucléaire. Nous lancer dans des travaux complexes représenterait très honnêtement un risque énorme pour la survie de notre couple.
Je me souviens même avoir lu une fois, sur internet, une combine de femmes qui profitaient de toutes les réducs des grandes surfaces à la "ce produit 100% remboursé", opérations commerciales nécessitant de découper une petite étiquette pour l'envoyer par la Poste; elles passaient un temps fou à cela, pour un montant au final franchement modeste.
Peut-être était-ce effectivement, au vu de leurs revenus et du niveau de salaire auquel elles auraient pu prétendre, une solution rentable, mais je pense que dans beaucoup d'autres cas l'avantage comparatif à passer ce temps de repérage des promos, découpage d'étiquettes, envois de courriers (et réenvoi de courriers pour réclamer, comme c'est proposé, le remboursement des frais d'affranchissement) à exercer une activité pro qu'on peut espérer un poil plus intéressante, serait indéniable.
La volonté d'éviter de trop grosses frustrations n'empêche pas de faire quelques efforts pour boucler un budget,
bien entendu; tout est une question de mesure. J'ai tendance à penser, du haut de ma tour de RH,
qu'on ne peut être en situation d'effort dans tous les domaines à la
fois : la difficulté, le choc, à passer trop brutalement d'un style de
vie lambda à un style de vie méga-méga économe, d'un style de vie
"j'achète tout" à "je fais tout moi même", ne doit pas être sous-estimée,
ni par ceux qui s'y engagent, ni par ceux qui conseillent de s'y
engager.
Il y a à mes yeux
un vrai travail de discernement à opérer sur cette question du niveau acceptable.
Il est bon de réinterroger les besoins évoqués plus hauts, comprendre d'où ils proviennent, afin de voir comment on peut être capable de s'en détacher... mais aussi réaliser à quel point ils sont importants et reconsidérer ses options en conséquence. Eviter de se placer soi-même dans une situation qui nous insatisfait chroniquement, voire qui nous angoisse car elle nous donne l'impression d'être toujours "limite".
Pour cela il est nécessaire de
prendre un peu de recul par rapport aux modèles qu'on a autour de soi. Prétendre qu'une même solution peut convenir universellement à tous et à toutes
risquerait d'enfermer le couple dans un fonctionnement qui ne lui convient pas.
Nous admirons donc ceux de nos amis qui retapent de leurs mains une masure achetée 3 francs 6 sous... mais de loin ! Je m'extasie sur la manière dont ils sont ainsi capables de créer un truc hyper adapté à leurs besoins, plein de charme, machin. Mais je sais qu'il me faudra faire avec du plus "tout-venant".
Fonctionnement qui ne convient pas... Ou pas encore !
Ainsi, mes
progrès d'entretien de maison avec Flylady m'ont-ils rendu moins dépendante de ma femme de ménage, j'ai même su survivre 6 semaines sans, l'été dernier
(que dis-je, survivre. Jugez-en : j'ai réussi à recevoir ma belle-famille à l'issue de ces 6 semaines sans devoir lancer une action "nettoyage des écuries d'Augias" juste avant leur arrivée. Ma maison était propre, point. Et rangée. Naturellement, comme ça. Applaudisseeeez!). Un exploit totalement impensable quelques mois auparavant.
Je mûris là-dessus, à mon rythme. Peut-être qu'un jour, si notre budget l'exige, je serai capable de sauter le pas et de "faire sans"; on verra....
Discerner... et cheminer !
Cela vient encore une fois illustrer à quel point
le "bon" équilibre vie pro - vie perso évolue au fil du temps : à 25-30 ans on peut ne pas encore être prête pour des sacrifices qu'on choisira avec sérénité à 35-40 ans.
D'un autre côté, il est bon aussi de réaliser que la différence réelle de niveau de vie
entre deux choix de vie n'est pas toujours aussi importante qu'on le croirait.
En effet, l'équation au départ de notre article : Deuxième salaire = plus d'argent sur le compte en banque ne se vérifie pas forcément toujours tant que ça.
D'où l'intérêt d'établir un budget vraiment détaillé. En janvier je me suis bien amusée à faire plusieurs simulations selon si je continuais ou non à bosser au-delà de mai, et à quel taux. (car bien évidemment ces calculs comparatifs sont valables pour toute réduction de temps de travail, pas uniquement un passage de 100% à 0)
Car chez nous, le fait que la Gwen bosse en 2016, ça veut dire
un salaire
(ainsi que les éléments périphériques au salaire : intéressement / participation, mutuelle avantageuse, avantages CE...)
mais
- de gros frais de garde (dont une partie est toutefois absorbée par les impôts)
- des frais de transport / essence (nous avons même du acheter une 2ème voiture)
- des frais courants augmentés :
- moins le temps d'aller "au moins cher" pour les courses (typiquement en ce moment c'est le marché - ça c'est bon, ça resterait - ou Leclerc Drive - et curieusement les marques les moins chères ne sont paaas achetables sur le Drive, quelle surprise; c'est tout, plus trop le temps d'aller faire un détour au Lidl ou ailleurs),
- cantine d'entreprise,
- moins de fait-maison (et pour tout vous dire, certains soirs nous avons tellement la flemme que c'est japonais en livraison; solution économique si il en est...),
- et aussi malheureusement, plus de gaspillage car il peut m'arriver de ne pas éplucher certains légumes à temps, ou de zapper une date de péremption à force de n'ouvrir mon frigo qu'en mode rapide.
- des frais de vêtements (je peux pas aller au boulot en jogging -
comment ça je n'ai de toute manière pas enfilé de jogging depuis mon dernier cours de sport de Terminale ? oh ça va, faut pas finasser non plus) et d'entretien de ceux-ci (pressing - même si depuis l'arrivée des enfants c'est curieux, je mets nettement moins de vêtements qui ne se lavent qu'à sec)
- un surcoût en terme de ménage : à l'heure actuelle je ne fais tellement rien moi-même que c'est 4h/semaine et non 3 qui sont nécessaires.
- moins (beaucoup moins !) d'aides de la CAF puisque le montant de celles-ci dépend des revenus :
- adieu la PAJE,
- divisées par 2 les allocs,
- couic l'Allocation de Rentrée Scolaire plus tard (bon sur ce dernier point, l'IEF met tout le monde d'accord),
- CMG dans la tranche la plus basse
- plus (beaucoup plus!) d'impôts (même si cela est tempéré par ailleurs par les réductions dues à des frais de garde important)
Quand on additionne tout, et selon les chiffres qui s'appliquent à l'une ou l'autre situation, il est bien possible qu'on arrive au constat que dans un certain nombre de cas, plus d'argent fait quasiment moins d'argent... ou, à tout le moins, que la différence est finalement suffisamment minime pour que les sacrifices nécessaires pour pouvoir se passer de ladite différence restent tout à fait acceptables.
Travailler plus pour gagner plus ? Pas si sûr !
Personnellement, m'être livrée à ce calcul précis m'est d'autant plus utile qu'il m'a permis d'être assez ferme dans mes négos actuelles concernant ma prolongation sur un 50%: parmi mes exigences figure celle d'une réévaluation à la hausse de mon salaire. La conscience, très claire, que j'ai du fait que sans cette réévaluation, continuer à travailler n'est que modestement rentable financièrement, me permettait d'exiger avec sérénité...et m'aurais permis de tirer mes conclusions sans trop d'états d'âmes si finalement on n'avait pas accédé as à ma demande.