2019 -2020 aura été une année particulière chez nous, à plus d'un titre.
L'arrivée d'un nouveau bébé est toujours source d'un certain nombre de questions, de préparatifs.
Parmi les points qui préoccupent tout parent, à partir du moment où ce n'est pas l'attente d'un premier, figure en bonne place le souci que ce Bébé soit bien accueilli par son ou ses frères et sœurs, et de faire en sorte que cette arrivée soit bien vécue par le(s) "grand(s)".
Vaste sujet, que je ne prétendrai pas traiter exhaustivement ici. Je me bornerai à lister quelques petites choses qui peuvent aider, quelques réflexions pouvant être utiles, issues de notre expérience.
1. Soigner l'annonce de la grossesse
Quand ?
La question de quand l'annoncer aux aînés n'est pas évidente à trancher.
Du temps de la grossesse d'E., nous l'avions dit à F. une fois le premier trimestre passé, histoire d'éviter autant que possible le risque d'avoir à faire machine arrière en cas de fausse-couche précoce.
Dans d'autres cas on préfèrera annoncer cela plus tôt, notamment si le comportement de l'enfant montre qu'il "sent" quelque chose ce qui est assez fréquent. Dans ce cas, autant le rassurer en mettant aussi vite que possible des mots sur son ressenti.
Avec deux enfants plus âgés comme l'étaient F. et E., nous avons surtout tenu à ce qu'ils l'apprennent de notre bouche, et ne se sentent pas trahis / doublés.
Mon ventre ayant pris très vite du volume, nous avons donc simplement attendu la première échographie (8 semaines) avant de lâcher le morceau : trop de gens commençaient à me féliciter, me pensant bien plus avancée, je voulais à tout prix éviter une "gaffe"' devant eux !
Nous avons estimé qu'ils seraient en mesure de comprendre une éventuelle fausse-couche précoce si celle-ci devait intervenir après l'annonce, et, sans en faire des caisses non plus (pas la peine de créer de l'anxiété), nous avons d'ailleurs précisé qu'à ce stade le petit bébé dans le ventre de Maman était encore très fragile.
Comment ?
Dans le cas d'un aîné "petit", en tous cas, soigner l'annonce n'implique en rien une réaction particulière de sa part, autant s'y préparer, afin de ne pas projeter trop d'attentes sur ce moment. En ce qui concerne F. à l'époque, du haut de ses 18 mois ça avait été très abstrait pour lui… 1 ou 2 phrases et hop, il était déjà passé à autre chose. Je crois que nous avions du d'ailleurs en reparler moult fois avant qu'il n'imprime.
Pour nos grands, nous étions au contraire conscients que cette annonce les marquerait davantage, nous avons donc tenu à rendre ce moment particulier. J'ai hésité : petite sortie au resto ? Puis j'ai choisi l'option "maison", à la fois pour la souplesse, mais aussi tout simplement par ce que ça rejoignait certaines de mes réflexions du moment sur la simplicité / frugalité.
Pour que ce souvenir soit une preuve de plus que le bonheur se vit sans nécessairement coûter grand chose, nous avons donc opté pour une soirée crêpes sur la table basse du salon, devant la cheminée, en ayant annoncé une surprise, que ce serait "la fête". Ce fut un très très beau moment, et je crois que ça peut aider à commencer l'aventure sur une note positive (et on a le droit de marquer ça d'une sortie au resto, hein).
2. Soigner le discours autour du bébé
Comment et à quelle fréquence parler du bébé qui arrive ?
Haim Ginott souligne ainsi impitoyablement qu'un aîné va obligatoirement ressentir des sentiments négatifs envers le nouveau venu. Ca fait mal aux fesses, car on aimerait bien s'auto-persuader que ces sentiments peuvent juste ne pas exister, mais au moins, couic les illusions. Ca ne veut pas dire qu'il n'y aura que des sentiments négatifs, hein, mais des sentiments mélangés, et être conscient de ça aide à se positionner.
Et surtout, à être réceptif à toutes les manières dont ils vont pouvoir s'exprimer. Ainsi, dès la fameuse soirée crêpes, E. a-t-elle pu poser la question "Mais euh… vous allez encore vous occuper de nous ?".
Alors justement : quel avenir peindre aux enfants ?
A l'usage, je trouve qu'une peinture mesurée est utile
" ce sera génial, vous jouerez avec lui, etc" ne laisserait pas de place aux sentiments négatifs ("pourquoi est ce que je ressens ça alors que visiblement je devrais trouver ça génial?") et/ou risquerait de créer de la déception (déjà que depuis l'arrivée d'H. à la maison, F., bien que nous l'ayons prévenu, répète tous les jours qu'il a trop hâte que celui-ci puisse jouer...).
Prévenir que maman sera fatiguée, que le bébé pleurera, tout en disant qu'on fera de son mieux pour jouer avec eux aussi. Quelque chose que F. a d'ailleurs très bien fait quand, suite à la question d'E., à laquelle nous avions répondu par l'affirmative, celle-ci a poursuivi "Vous vous occuperez, de moi, de F., et du bébé", et que F. a répliqué "Non, parce que le bébé sera tout petit. Donc ils s'occuperont du bébé, d'E., et de F."
Et notamment, faire gaffe à ne pas mettre tout sur le dos du bébé.
Typiquement, pendant la grossesse, les enfants m'ont laaaaargement assez entendue dire que j'étais fatiguée. Mais j'ai essayé de lier ça à la grossesse, plutôt qu'au bébé.
De la même manière, depuis qu'H. est né, Monsieur Bout a pu vouloir inciter les enfants à se montrer moins bruyants "pour ne pas déranger le bébé". C'est tentant, les aînés étant (notamment au début et/ou si on n'en abuse pas) assez sensibles aux besoins du bébé. J'ai préféré moduler le discours et prendre la responsabilité : au fond, H. est encore assez peu sensible aux bruits ambiants, il serait donc doublement mauvais (en terme de sincérité, et en terme de bébé-marketing) de se servir de lui pour faire respecter notre limite à nous.
En revanche, expliquer les besoins du bébé se révèle très utile.
F. a très bien compris la notion de "H. avait des habitudes dans le ventre de maman et là tout a changé pour lui, ça le perturbe, ça peut lui faire peur" et du coup lors d'un orage récent, de lui-même il m'a dit "ah oui les orages il ne s'en apercevait pas vraiment dans ton ventre". Ces informations aident à accepter et interpréter le temps que H. passe dans mes bras ou ceux de Monsieur Bout : "avant, il était tout le temps contre moi, du coup ça lui fait bizarre et donc pour se rassurer il a besoin d'être encore souvent dans mes bras".
Hasard, coïncidence ? F., il y a quelques jours, m'a justement redemandé pourquoi un déménagement perturbait un enfant… Le parallèle est vite fait, et tout, sauf fortuit.
Prévoir aussi des choses "quand le bébé sera là", mais qui ne tournent pas autour du bébé = détailler des projets en mentionnant le bébé, mais des projets qui sont faits pour eux et dans lequel le bébé a juste un rôle de participant, pas le rôle principal.
Par exemple, l'an dernier au 14 juillet pour la première fois nous étions allés regarder le feu d'artifices avec les enfants, sur une couverture dans le grand parc royal à 2 pas de chez nous. Enooorme succès. Du coup, à un moment cet hiver quand le sujet est revenu sur le tapis, nous avons parlé de comment nous allions refaire ça cette année avec le bébé et il était clair dans la tête des enfants que eux en profiteraient un max mais que le bébé, lui, dormirait plus ou moins tout du long - si si on y croit. Bon là avec le COVID ça risque de cramer mais bon...
Enfin, aussi, parler d'autres choses.
C'est long, 9 mois, et même si nous beaucoup de nos pensées tournent autour du bébé, prêter attention aux mini évènements de la vie de nos aînés demeure important, même si effectivement, moins intuitif… J'ai moi même du régulièrement me recentrer là dessus.
Un point valable également, d'ailleurs, vis-à-vis de notre entourage. Celui-ci a vite fait de ne parler que du bébé, à nous devant nos enfants, ou à nos enfants directement "et alors tu es content d'avoir un petit frère ?".
L'enfant peut être content mais à la 107ème personne qui le lui demande son sentiment de contentement risque de disparaître, et il peut avoir envie qu'on s'intéresse à LUI en tant que personne et non simplement en tant que futur grand frère / grande sœur. A l'usage j'ai donc pris l'habitude de "recentrer" le débat autant que possible "et F. a fait tel truc ou E. voudrait te parler de telle chose etc".
3. Revenir aux temps où ils étaient bébés
C'est un vrai besoin chez les aînés : pouvoir voyager un peu dans le temps, se rassurer sur le fait que lui aussi a été dans cette situation de quasi fusion avec le parent. Cela contribue encore à la compréhension que le surcroit de contact dont il est témoin (être dans le ventre de maman, puis si souvent dans ses bras), et la différence avec sa situation à lui, ne sont pas dues à une différence d'amour, mais à une différence de temps / de besoins.
Du coup on peut
raconter des anecdotes "de quand ils étaient bébé"; mais pas à tout bout de champ non plus, car il ne s'agirait pas qu'ils aient le sentiment qu'ils étaient plus intéressants bébé. Personnellement, c'est pour cela qu'autant que possible je prends également le soin de souligner aussi toutes les acquisitions qu'ils ont faites depuis, ou la joie qu'ils ont eue à devenir capables de faire tel ou tel truc, etc.
Ce point, je l'avais lu chez
Aletha Solter, qui souligne que ça fait du bien à tout aîné de pouvoir jouer au bébé, lors de l'arrivée d'un nouveau bébé. Et j'ai été impressionnée de voir F. proposer de lui-même ce jeu avant même que je n'aie fait le moindre pas dans ce sens, dès tôt dans la grossesse.
Une Gwen avertie en valant 2, j'étais prête pour répondre / saisir la balle au bond, et donc tout au long de la grossesse nous avons beaucoup joué au bébé :
F. a fait des km à 4 pattes dans le salon,
il a fait "gaaa",
j'ai mimé des changes de couches, des tétées,
j'ai fait semblant d'enfiler et d'admirer ses bodys et ses babygros, et de chatouiller ses petits pieds (bouhou ! il chausse du 33-34 maintenant…),
je l'ai "porté' (sur le canapé, hein),
il a fait à dada sur mes genoux,
nous avons fait des jeux de coucou-caché,
il a fait semblant de "faire des bêtises" / toucher et renverser plein de trucs, mais en bébé coopératif, il a toujours stoppé les dégâts (pas comme un bébé, donc) dès qu'on lui expliquait, comme à un bébé, les choses de base (en donnant des renseignements très F&M, eh) "Bébé, ça c'est un vase, les vases ça peut casser" ou "Bébé, les boîtes à œufs retournent près de la cheminée".
Moralité… il a pu, dans le même temps, continuer à grandir tranquillement sans la moindre régression. Ayant son espace clairement délimité pour "faire le bébé", le faisage de bébé n'avait pas besoin d'infiltrer d'autres domaines.
Autant que possible, j'ai tâché d'intégrer E. à ces jeux. Visiblement, pour elle, selon les moments cela permettait de faire le bébé, et à d'autres d'explorer l'autre grand changement : F. étant le bébé, elle devenait grande sœur … celle de F.
4. Lire des bouquins avec eux.
2 grands sujets
Ca permet d'aider les enfants à visualiser ce qui se passe, le développement de bébé, l'attente (c'est LONG 9 mois). Et globalement, une grossesse est aussi un moment tout trouvé pour avancer dans l'éducation sexuelle des enfants, puisque de manière tout à fait naturelle leurs questionnements sur le sujet se multiplient.
Du coup nous avons fait le plein de bouquins informatifs à la médiathèque
combinés avec des livres plus poétiques :
les bouquins autour de la
relation frère-sœur, de l
'amour du parent
(il existe une foule d'excellentes références sur le sujet, venez donc partager vos préférées en commentaires histoire d'inspirer les foules de mon lectorat. Suggestions à compléter d'un petit passage exploratoire sur l'excellent groupe Facebook "Ma Bibliothèque Bienveillante")
5. Investir dans du temps de qualité exclusif
Alors là c'est ZE truc absolu.
Pendant comme après la grossesse comme tout le temps gnagnagna mais quand même paaaarticulièrement pendant la grossesse et après l'arrivée de bébé, investir dans du temps de qualité, seul à seul, avec chacun des membres de la fratrie est essentiel… et peut pourtant siiii facilement passer à la trappe !
Dur dur dur ! Quelques minutes quotidiennes sont pourtant ZE meilleur moyen pour sécuriser notre enfant sur la grande question que soulève chez lui l'arrivée de cet être minuscule : est-il aimé, est-il ou sera-t-il toujours autant aimé, est-il menacé / sera-t-il supplanté, dans le cœur de ses parents, par ce petit frère ou cette petite sœur dont tout le monde fait si grand cas ?
Pour maximiser les effets de ce temps passé avec l'enfant, on aura recours aux points évoqués dans l'
article qui lui est consacré (et que, pour mémoire, on retrouve en intégralité en annexe des
200 moments de parentalité positive : je ne pouvais pas laisser paraître ce bouquin sans que cet ingrédient essentiel n'y figure !)
-
Et toutes les fois où on sera tentés de perdre de vue l'intérêt de placer ce temps en tête de ses priorités, on pourra aller relire le rappel de
ce qui se passe quand on l'oublie...
Ceci dit, hein, ce n'est pas facile à caser, alors on pourra s'aider des béquilles suivantes
le conjoint peut
1. prendre en charge d'autres activités pour nous libérer du temps et de l'énergie à consacrer à nos enfants
Par exemple, pendant cette grossesse, j'avais 2 priorités : bosser autant que possible (réussir un mi temps) pour rapporter le plus de noisettes à la maison en prévision de temps de disette, et être dispo affectivement pour les enfants. J'ai fait la cuisine, aussi, mais je n'ai pas touché à la machine à laver ni étendu une lessive, Monsieur Bout a géré la majorité des trajets d'école (= le matin je DORMAIS), les courses, les promenades, bref, la logistique des enfants, pour que je puisse réserver mes forces à l'affectif.
2. prendre le temps, lui aussi, de passer ces moments avec nos enfants.
Car lui aussi est source de réassurance affective
3. prendre en charge le bébé, une fois né, pour nous permettre de récupérer des forces à utiliser pour les aînés, et de passer du temps avec lesdits aînés
En ce qui nous concerne, nous avons profité du fait que suite à la rupture de son contrat de travail Monsieur Bout est à la maison, mais même sans de telles circonstances, très favorables il est vrai, il est très important de s'asseoir en couple pour réfléchir à une stratégie compatible avec les besoins et contraintes spécifiques de chacun des membres de la famille / du couple.
yep, ce qui peut nous sembler un luxe en temps normal (une femme de ménage, par exemple) peut provisoirement remonter en tête dans la liste des priorités budgétaires.
Nombreuses sont les familles dans lesquelles on (s')offre des heures de ménage pendant et après la grossesse. C'est même un cadeau de naissance qu'on peut suggérer aux personnes assez proches, et qui, notamment quand c'est un numéro 3, 4, etc, pourra être bien plus précieux que de petits vêtements.
Idem, une jeune fille pour venir gérer le créneau 17-19h, les bains et le dîner par exemple. On sous-traite la logistique fatigante de la fin de journée, et on en profite pour prendre seule à seul chaque enfant.
Cf mon
billet récent sur le sujet, un moyen de portage bien employé peut devenir quelque chose de très proche d'une
potion d'ubiquïté: être présente pour plusieurs enfants à la fois.
Mais ça, je vous en parle dans le point 6….
Yep, on a des millions de choses à faire. En fin de grossesse ou après l'accouchement, y en a du
rangement à faire, par exemple. Sortir les affaires de bébé, aménager son coin, etc. Moi je me suis lancée dans une opération en mode
Flylady, et
je partais de loin.
Les souvenirs de notre dernier déménagement m'ont cependant servi. Si il y a bien une leçon que j'ai tirée de ce déménagement, c'est que tout le monde (moi y compris) aurait beaucoup bénéficié que j'investisse moins d'énergie à amener rapidement notre logement à un état globalement ordonné.
Si au lieu d'essayer de pulvériser le plus vite possible les 170 et quelques cartons qui avaient colonisé le moindre recoin de notre nouvelle maison, j'avais permis à ceux ci-de squatter plus longuement, pendant que je passais du temps avec nos enfants... Si du coup la fatigue accumulée dans le déballage de cartons n'avait pas
retenti autant sur la qualité de mes interactions avec les enfants...
C'est bien le problème de gros changements comme un déménagement ou une naissance : ils ont un impact "physique" en plus de leur impact psychologique, et l'impact physique est
1. visible
2. plus concrètement maîtrisable ; une fois le carton défait on a la satisfaction tangible de l'avoir défait. Y a peu de chances qu'il se reremplisse tout seul dans la nuit ; alors que chez un enfant, on remplit, on remplit, et on n'a jamais fini. On peut dire "ah, j'ai fini de laver et ranger les affaires taille naissance" et cocher. Jamais "ah, j'ai fini de rassurer l'aîné sur notre amour".
3. immédiatement payant : la place libérée par nos 10 minutes de rangement est visible, alors qu'on peut avoir passé du temps avec notre enfant sans que cela l'empêche de faire une crise dans les 3 minutes qui suivent (quand ce n'est pas PENDANT le temps qu'on lui consacre. Alors que rares sont les cartons qui vont se mettre à hurler pendant qu'on s'occupe d'eux - ou alors vous habitez dans le monde de Harry Potter)
Et pourtant, à moyen terme on paiera beeeaucoup plus cher le temps passé à ne pas donner à nos enfants le surcroit de sécurité affective dont ils ont un grand besoin dans ce moment de transition, que le bordel ambiant.
Donc, laisser couler les aspects physiques, autant que faire ce peut ( et faire ce peut toujours ! Mais ça demande parfois un gros effort de recul), et réallouer le temps ainsi libéré au traitement des aspects émotionnels.
J'ai notamment eu cette réflexion en fin de confinement : c'est le moment où, 1. les problèmes digestifs du Bébounet ont commencé à s'amplifier, réduisant de beaucoup ma disponibilité et 2. la perspective du déconfinement - retour à l'école m'a fait réaliser que très bientôt, je n'allais plus avoir F. et E. à dispo H24 pour grapiller mes minutes de disponibles au fil de la journée. J'ai donc laissé en plan mes travaux de nettoyage des écuries d'Augias (ce qui m'a coûté: j'avançais bien, et c'était un soulagement) pour investir le peu de temps que j'avais avec les enfants.
6. Gérer ses limites physiques comme on peut
Ah là là ce que c'est compliqué. Biieeeeen avant que Bébé soit là physiquement, comme entité reconnaissable, il impacte déjà la vie quotidienne et nos interactions avec les aînés, en impactant nos capacités physiques.
Dur dur, car il s'agit de respecter un subtil équilibre entre
les besoins de nos enfants : si les aînés sont encore petits, notamment, c'est vraiment difficile de ne pas (trop) les porter; si ils sont plus grands, c'est quand meme bien embêtant une maman durablement incapable de s'asseoir sur un tapis pour jouer aux petites voitures, ou de courir pour attraper, ou de faire de grandes promenades...
les nôtres ; pour nous préserver, d'abord, évidemment, et préserver le petit être qui grandit à l'intérieur de nous. Mais aussi pour préserver lesdits aînés! Là encore, c'est une question de
gestion de découvert : nous sommes fragile, vite "usable", si nous piétinons nos besoins particuliers, il est inévitable que cela ressorte par des mouvements et mots d'humeur !
Sur le plan des limites physiques, 4 choses peuvent aider
On soigne le discours en expliquant ce qui se passe dans le corps de Maman. Les livres évoqués en point 4 seront des alliés précieux.
Plus que jamais, nos enfants sont friands d'informations, qui les rassurent et viennent remplacer les hypothèses angoissantes qu'ils se construisent sinon.
Les Bébous ont été très intéressés de savoir que mes organes se déplaçaient dans mon corps, que j'avais tant de kilos de plus à soulever (et de quoi ils étaient constitués : sang en plus, liquide amniotique, placenta, paroi utérine, rétention d'eau, bébé en lui même - QUI a dit "chocolat" ?) et qu'en fait mes muscles et mes articulations n'y étaient pas habitués, que mon estomac n'ayant pas la place habituelle les acides qui servent à la digestion venaient me brûler l'œsophage (ce qui pouvait expliquer mon humeur parfois changeante…), etc.
Privilégier un discours scientifique et objectif m'a semblé beaucoup plus parlant et rassurant, pour les enfants, que le perpétuel et vague "Maman est fatiguée". Cela permet par ailleurs un recours beaucoup plus efficace aux points suivants
Les contraintes de Maman étant connues, il est plus facile de formuler ensuite des choix compatibles avec ces contraintes : "Préfères-tu lire avec moi sur le canapé ou que je reste assise sur le fauteuil et je fais les bruitages de ton circuit de train ?"
"Hum, m'asseoir sur cette petite chaise n'est pas possible pour moi, mais nous pouvons dessiner ensemble sur ton lit si nous trouvons un support rigide" ou même solliciter notre enfant pour trouver une solution "Je ne peux pas m'asseoir sur cette chaise car mes muscles n'arriveront pas à me remonter ensuite / je risque de la casser tellement je suis lourde, as tu une idée de ce que nous pourrions faire / utiliser à la place ?".
F. m'a souvent apporté des coussins pour m'aider à me caler, il a échangé sa chaise (en bois) avec celle qu'il me proposait (en plastique), etc. Raisonner à partir de ma contrainte pratique permet d'aménager le refus et de le transformer en réussite commune, car le message perçu est alors "j'ai envie de passer du temps avec toi, et nous cherchons ensemble un moyen d'y arriver".
ou comment transformer les contraintes en opportunités.
Maman passe son temps au lit ? C'est le moment de privilégier des instants coocooning lecture sous sa couette à elle, par exemple.
Maman a du mal à se baisser ? On peut en profiter pour cuisiner à 2, les missions des enfants s'élargissant : à eux d'aller récupérer le saladier au fond du placard du bas, les légumes tout en bas du frigo, etc.
En ce qui nous concerne, la plus belle transformation de contrainte de ce post partum s'est faite sans préméditation. Mais ce fut vraiment une belle réussite, alors je vous la partage des fois qu'elle puisse être pertinente chez vous.
Avant la naissance de H., Monsieur Bout et moi avons pris le temps d'affiner notre stratégie pour le post partum. En effet celle initialement envisagée s'est retrouvée laminée par le confinement, puisqu'il il était prévu que l'une de nos
mamies-au-pair (G1) vienne passer les mois d'avril-mai avec nous et constituer une ressource bien précieuse en prenant sa part de la charge. Et pis bah non, frontières fermées, avions (G1 habite sur une île) cloués au sol, couic-couic le plan A.
Du coup, plan B avec 2 joueurs seulement : Monsieur et Madame. J'avais souligné auprès de Monsieur Bout l'importance que je pose le moins possible pied par terre les 8 premiers jours à la maison. En conséquence, nous avions prévu que je prenne mes repas au lit, d'autant plus que maison sur 3 niveaux, chambre conjugale tout en haut, cuisine tout en bas = prendre mes repas dans la cuisine aurait impliqué pas mal d'exercice.
Nous avons annoncé cela aux enfants à mon retour de l'hôpital : GROS moment de flottement. D'un coup j'ai réalisé que
- les enfants risquaient de mal vivre cela…
- Monsieur Bout risquait de le payer par des repas agités un peu galères.
Illumination ? J'ai subitement proposé que F. vienne dîner avec moi dans ma chambre, et que E. vienne déjeuner.
Délire d'enthousiasme.
Ca fait donc un repas en tête-à-tête de chaque enfant avec chaque parent (je petit-déj toute seule au lit, en décalé de tout le monde puisque ça dépend des horaires de tétée du Bébounet, et du rab de sommeil que j'arrive à grapiller en fin de nuit). Monsieur Bout monte donc un plateau avec 2 couverts, et l'enfant concerné s'installe sur un tabouret Ikea à côté de mon lit (oui, pas folle hein, j'ai des draps à préserver un minimum)
Quel succès ! Nous avons vite réalisé que nous avions ainsi transformé des temps "vides", voire "à valeur négative", en moments remplissage de réservoir d'amour. Quel que soit le déroulé de la journée, même si je suis accaparée par le Bébounet, E. est assurée d'avoir un moment avec Maman à midi, F. assuré de son moment le soir (bon, j'ai ptet un bébé au sein, mais ça a l'air d'aller), et inversement avec leur papa. De chouettes instants où l'un comme l'autre se livre, raconte sa vie…
Devant ses effets positifs, nous avons décidé de prolonger cette organisation pendant encore un bout de temps (sauf exception : les températures estivales des derniers jours nous ont parfois fait privilégier l'option "repas tous ensemble dans le jardin") et j'avoue que j'aimerais bien ne pas totalement perdre cela à moyen terme : instituer un jour comme cela dans la semaine peut-être ?? Si vous avez des idées ou des expériences analogues pouvant nous inspirer, je suis preneuse !
Autre remarque concernant les limites physiques : que les mamans très handicapées pendant la grossesse se consolent, là aussi il peut y avoir un revers positif à cette médaille. J'ai réalisé qu'une des choses qui aplanit un peu l'atterrisage en ce moment est précisément le degré de loquitude extrême que j'avais atteint les dernières semaines de grossesse. Très vite après la naissance, je me suis retrouvée mille fois plus en forme que je ne l'avais été depuis longtemps. Capable de monter mes escaliers, de me baisser, de bouger, de courir même, bref, juste de me mouvoir normalement !
De ce fait, même si je suis trèèèès occupée avec Bébounet, à l'arrivée
celui-ci en naissant n'a pas piqué leur maman à F. et E., il la leur a rendue, puisque dans les faits je fais plus de choses avec eux qu'avant la naissance, et je refais des choses dont ils étaient privés depuis longtemps (
jouer à attraper, par exemple - vous auriez vu leurs yeux quand ma proposition leur a fait réaliser que c'était de nouveau possible !).
Voilà, si ça peut consoler… Bien évidemment, à nous d'avoir cela en tête et de le rendre perceptible à nos aînés en utilisant effectivement, même à petites doses au départ, nos capacités physiques fraîchement retrouvées.
7. Une fois le bébé là, verbaliser les besoins et les peurs
On a préparé en amont, il s'agit aussi d'accompagner spécifiquement les sentiments qui vont fleurir dans les premiers temps.
Un 1er besoin sera d'aller explicitement souligner à quel point on aime chaque enfant, et qu'on n'a pas divisé l'amour en "plus de parts". Là-dessus 2 petites métaphores peuvent aider à passer le message
celle de la bougie : on allume une grosse bougie qui symbolise l'amour de papa et de maman. On y allume une première petite bougie qui symbolise l'amour de papa et maman pour l'aîné. Puis on y allume une seconde (ou une 3ème si déjà deux ainés, etc) petite bougie qui symbolise l'amour pour le petit frère et on fait remarquer que les autres flammes d'amour n'ont pas diminué avec l'allumage de la bougie supplémentaire.
celle de la feuille de papier : on montre une feuille de papier à l'enfant en disant "Ca c'est l'amour de papa et maman pour toi. Regarde ce qui s'est passé avec l'arrivée de XX" ; et hop on rajoute une feuille en disant "ça c'est l'amour de papa et maman pour XX. Tu vois ? On n'a pas eu à partager ta feuille."
F. et E. se montrent très sensible à cette notion de "cœur des parents qui grossit à chaque naissance".
2ème besoin, selon la maxime de Faber et Mazlish "pour laisser entrer les bons sentiments il faut d'abord laisser sortir les 'mauvais' " : Verbaliser les sentiments de frustration
"Oh, ça t'embete que je sois très occupée avec le bébé, tu aimerais m'avoir plus pour toi ! Tu peux me le dire, c'est important pour moi de savoir comment tu te sens"
Verbaliser également l'ambivalence ! Il serait faux et gênant pour l'enfant d'entendre un "tu n'aimes pas ton petit frère" trop général; un "des fois tu aimes ton petit frère, et d'autres fois / en même temps parfois tu aimerais bien qu'il ne soit pas là" retranscrit bien mieux la complexité de ce qu'il ressent, et évite de figer sa perception de la situation.
En revanche, éviter autant que possible (et assommer direct les gens qui se les permettent) les remarques à la "Toi tu es grand tu n'as pas besoin de ça" ou "Mais ce sont les bébés qui font ça".
Etre un bébé est quelque chose d'un peu chouette quand même, vu toute l'attention qu'on leur donne, et cela explique les régressions siiii souvent constatées chez les aînés autour des naissances des cadets. Souligner ces régressions serait donc contre-productif en plus d'être blessant pour l'enfant ;-)
Idem d'ailleurs sur les aspects positifs : on pense souvent faire bien en complimentant un enfant en disant qu'il "a fait tel truc comme un grand" mais comme toute étiquette, c'est glissant.
Est-ce quand il rate, à la déception de cet échec ponctuel se rajoute alors une conséquence plus durable puisqu' il perd son statut/étiquette de grand ?
Et si il n'a justement pas si envie que ça d'être grand puisque franchement être bébé ça a l'air cool, vaut-il mieux renoncer à cette conquête dont il pouvait être si fier par ailleurs ?
La période délicate qu'est l'arrivée d'un nouveau bébé représente une fois encore un moment où les compliments descriptifs sont nos amis :
"oh, tu as réussi à faire ce truc qui était super compliqué / qui t'a demandé beaucoup d'efforts / après avoir essayé plusieurs fois"
"c'était compliqué et tu as insisté jusqu'à comprendre comment tu pouvais y arriver"
"ouahou, ça t'a demandé beaucoup d'entrainement, tu peux être fier de ton réussissement"
Dans tous les cas, si comportements de régression il y a, il vaut mieux verbaliser en mode
"oh, aujourd'hui tu as envie d'aide pour t'habiller même si tu sais faire toute seule en général", ou encore
"ah, tu trouves ça intéressant de te rappeler comment c'était quand tu devais être porté partout ?" ou encore
"hihihi, c'est drôle hein tous ces jouets de bébé" + moment de qualité dès que possible + jeux de régression.
Il est beau et long (très long) mon billet hein ? Y a de quoi s'occuper, hein ?
Ben ouais mais ça n'empêchera personne de galérer.
QUOI qu'on fasse : oui, il y aura des trucs compliqués avec les aînés.
Si pas tout de suite, alors en différé (notamment quand le nouveau venu commence à prendre plus de place, savoir faire plus de choses… chez nous, par exemple, F. avait commencé à avoir vraiment du mal avec sa petite sœur quand celle-ci avait acquis la maitrise de la marche, à 12 mois)
L'acceptation d'un nouvel être, la digestion de cet énorme changement au sein du cocon familial EST et demeure quelque chose de difficile à digérer. Donc, même en faisant "tout bien comme il faut", on ne coupera pas à une période où le comportement des aînés manifestera la difficulté de cette transition.
C'est bien ballot, parce que bien évidemment ca tombe forcément à un moment où nos ressources à nous sont bien sollicitées, également, par le fait que pour nous aussi c'est une transition, les soins que ce bébé sollicite, les nuits qu'il hache menu, bref… Toi-même tu sais.
Moralité :
si la période est difficile, (ou plutôt : puisque la période est difficile) on peut repasser en revue cette check-list et vérifier qu'on n'oublie rien, intensifier un peu (si on peut) les moments de qualité, mais la difficulté ne veut pas nécessairement dire qu'on fait les choses mal. Juste qu'il faut que ça passe.
et si on trouve soi-même qu'on gère moyennement… alors qu'on sait bien que nos aînés auraient particulièrement besoin d'interactions douces (y compris dans la fermeté) avec nous leurs parents, mais on ne peut s'empêcher de démarrer au quart de tour quand, au hasard, une dispute entre les 2 grands déclenche des cris tellement stridents chez notre fille, que le bébé fraichement endormi se réveille en pleurs ...