"Les meilleurs parents du monde sont ceux qui n'ont pas d'enfants".
Ce dicton est très vrai, et personnellement je m'y retrouve tout à fait: qu'est-ce que j'étais une bonne maman avant d'avoir des gosses !
J'étais pleine de certitudes, je savais précisément ce qu'il fallait faire pour gérer les enfants (des autres), et je ne me gênais pas pour juger les parents que je voyais à l'aune de ces certitudes.
Ce constat est, je crois partagé par une grande majorité de parents.
Que celle-ci nous ait été transmise par notre entourage, où qu'on soit allé la piocher dans divers livres, articles, émissions,... la théorie semble claire.
(à ce petit détail près que la teneur de cette théorie sera très différente selon les sources auxquelles on sera allés puiser. Et d'ailleurs, entre mes convictions éducatives de quand j'avais 20 ans, et celles que j'avais toute jeune maman, il y avait déjà un monde...
Cela devrait-il nous mettre la puce à l'oreille ?
Les choses ne seraient donc pas si simples ?
Non, c'est simplement qu'il y a des gens qui ont raison, et d'autres qui sont aveugles, n'ont rien compris au schmilblick, bref: ont tort.
C'est évident!).
La théorie semble claire, jusqu'au moment où elle se confronte à la pratique: l'enfant en chair et en os.
Ses réactions.
Les nôtres.
OK.
Mais mon expérience à moi a encore été différente, et c'est parce que j'ai lu plusieurs témoignages dans ce sens, récemment, que je ponds un billet sur le sujet.
"Les meilleurs parents du monde sont ceux qui n'ont pas d'enfants..."Et les meilleurs parents bienveillants du monde sont ceux dont les enfants ont moins de 2-3 ans.
??
Petit retour en arrière : pendant longtemps j'ai trouvé la "théorie" autour de la parentalité positive assez facile à appliquer et à vivre
- laisser l'enfant explorer beaucoup de choses,
- aménager l'environnement de manière, à la fois, à favoriser son autonomie, et à réduire le nombre d'interdits nécessaires,
- lui parler,
- mettre des mots sur ce qu'il ressent,
- montrer et valoriser le positif plutôt que de réprimer le négatif,
- "enseigner" (au sens de Jane Nelsen) avec une voix douce, plutôt que punir, frapper et/ou crier
- ...
Vraiment, les deux premières années de F. ont été faciles à vivre.
Je ne dis pas que c'est forcément le cas de tous les parents faisant ces choix éducatifs-là, en particulier pour ceux chez qui le sommeil, par exemple, pose problème.
Mais nous faisions partie des veinards doté d'un bébé qui a espacé ses tétées et fait ses nuits très tôt, donc franchement, c'était chouette : j'étais en mesure de faire preuve d'une superbe dose de patience et d'amour en journée, et je pouvais reconstituer mes stocks sur les temps de sieste ainsi que le soir et la nuit.
Des problèmes à gérer ma colère ? Aucun. Fondamentalement, je ne ressentais pas vraiment de colère, ayant les informations suffisantes pour comprendre les comportements agaçants de mon enfant, et savoir comment y réagir: comprenant leurs causes, je ne les interprétais pas comme dirigés contre moi, ils ne m'atteignaient ni ne m'angoissaient.
Du coup, je ne comprenais absolument pas comment des parents d'enfants plus grands pouvaient en arriver à sortir de leurs gonds avec leur progéniture.
Puis F. a grandi;
- sa personnalité s'est affirmée. Une affirmation, hélas, qui se fait nécessairement aussi "contre". Donc contre moi, ou en tous cas contre la manière dont je prétends régir sa vie..
- En parallèle, ses capacités d'action (et donc de nuisance) se sont considérablement élargies.
- Ses horaires de sommeil (et la prévisibilité dudit sommeil - bicoz sortie du lit à barreaux) se sont eux réduits : mon temps de récupération, du coup, aussi.
Histoire de compliquer un peu, il a eu une petite sœur, qui a puisé elle aussi dans ces fameux réservoirs d'énergie et de patience qui jusque là m'avaient semblé peu ou prou inépuisables.
Alors, ce qui semblait si naturel durant les deux premières années de F. m'a demandé peu à peu de plus en plus d'efforts.
Désarçonnée par la violence des réactions de F., je l'ai également été par celle des miennes. J'ai découvert ce qu'était ma colère. Il m'a fallu développer des stratégies pour gérer cette fameuse colère parentale. J'y ai travaillé, et j'ai avancé, laborieusement.
C'est également pour cela que la découverte de Faber et Mazlish m'a tant impressionnée, aux alentours des 3 ans de F.: avec le recul, je réalise que, si beaucoup d'aspects de parentalité positive peuvent sembler assez naturels durant les deux premières années, les défis des années suivantes exigent de s'outiller de manière plus systématique, afin de réussir à naviguer en eaux agitées: concilier le respect de l'enfant et le respect de soi!
Comme expliqué en début de ce billet, ces derniers temps j'ai lu à plusieurs reprises des témoignages concordants avec mon expérience:
- les réactions inquiètes et honteuses de parents découvrant soudain qu'ils étaient eux aussi capables de s'énerver et de dépasser les bornes qu'ils s'étaient eux-mêmes fixées.
- Et aussi... des témoignages tout fiers de parents de jeunes enfants ne comprenant pas que quiconque puisse agir différemment d'eux.
Cela m'a permis de constater que je n'étais pas un phénomène isolé, et m'a poussée à analyser les causes de ce changement.
Aux premiers, je voudrais donc dire: c'est normal.
L'enfant mûrit, il croît, et cette maturation ne se fait pas sans difficulté pour lui. Et nous, nous grandissons et mûrissons avec nos enfants. 2-3 ans, pour nous aussi, c'est une crise de maturation! D'autant que c'est généralement à ce stade que nous nous prenons de plein fouet un certain nombre de choses issues de notre propre éducation. Nous devons alors gérer à la fois les émotions de notre enfant, et celles de l'enfant que nous avons été. C'est... du sport.
Nous aimerions nous persuader que nous pouvons traverser cette époque sans erreur, mais c'est illusoire et dangereux. Stop au perfectionnisme: mêmes nos erreurs éducatives apportent à nos enfants!
Quant aux seconds...
Les seconds m'agacent parfois un peu, je l'avoue. Mais pas longtemps, car je me souviens très bien du moment où j'étais dans leurs chaussures.
Et je pense que cette période de sérénité est également un trésor: on constitue des stocks de réussites, on renforce sa confiance en soi et en une éducation un peu "alternative", et ces stocks-là sont bien utiles dans les périodes de turbulence qui suivent ! Ils aident à trouver l'énergie pour, toujours, reprendre le cap.
Aux seconds, donc, je conseillerais plutôt de commencer dès maintenant à s'outiller un peu, de manière à être mieux préparés à affronter une période au cours de laquelle y aller "au feeling" fonctionne moins bien, parce que ledit feeling est chamboulé par mille émotions contradictoires et fortes.
De s'outiller mais aussi de s'entourer, parce que pouvoir compter sur des regards bienveillants de parents engagés dans des démarches similaires, c'est précieux.
Et puis aussi: de faire preuve d'indulgence envers les "mauvais parents d'enfants plus grands" ;-)
Et puis aussi: de faire preuve d'indulgence envers les "mauvais parents d'enfants plus grands" ;-)