J'ai tout récemment repartagé, sur la page FB du blog, un billet qui datait d'il y a plusieurs mois, à savoir ma réponse à une autre maman qui m'avait demandé, apprenant que j'instruisais moi-même les enfants "mais comment fais-tu pour passer tes journées avec tes enfants ?".
Les réactions à ce billet ont été assez diverses. Mais leur vigueur fréquente m'a rappelé à quel point les jugements que tout un chacun porte sur les choix des autres, notamment en matière éducative / équilibre vie pro / vie familiale, constituent un obstacle pour que chaque femme, chaque famille, puisse trouver l'équilibre qui lui conviendra, et qui lui sera propre.
Oui, fondamentalement, je pars du principe que quand on "fait" des enfants, c'est pour s'en occuper.
Et oui,
- 1. une mentalité à la "moins je les vois, mieux j'me porte"
- 2. et / ou toutes ces vidéos, fleurissant sur ce célèbre réseau social dont le nom comme par F, où l'on voit des parents danser la lambada tout en feignant la tristesse le jour de la rentrée,
- 3. ainsi que l'usage généralisé des écrans comme une manière d'anesthésier les enfants à longueur de journée
me mettent un chouilla mal à l'aise. Oui, un enfant, ça prend du temps, la vie ne sera jamais plus comme avant, et il est bon d'y réfléchir avant, histoire de ne pas placer notre enfant dans le rôle ô combien culpabilisant d’empêcheur permanent de tourner en rond.
Ceci dit
- 1. je ne pars pas du principe que s'occuper de ses enfants doive impérativement être synonyme de "s'en occuper à 100%, 100% du temps"
- 2. ayant scolarisé F. pour la première fois cette année, à l'âge de 5 ans, eh bien, oui, c'est un soulagement : je mesure combien lui et moi avions besoin d'air ("parce que c'était lui, parce que c'était moi", hein ! Loin de moi l'idée de tirer de mon cas personnel une généralité anti-Instruction En Famille. D'ailleurs, autant je suis ravie de scolariser mon F. cette année, autant je suis enchantée de continuer l'IEF avec sa sœur dans le même temps)
- 3. et ouh làààà, j'ai moi-même écrit un billet où je parlais de la manière dont il m'arrivait d'utiliser la télé (ou son équivalent youtubesque), notamment pour m'octroyer quelques instants de calme. Un billet toujours d'actualité, même si la fréquence de l'usage des écrans chez nous, est assez variable: parfois 2 mois s'écoulent sans le moindre petit film, puis hop, plusieurs jours d'affilée, c'est 1/2h des Mumins (les Mumins ? Un charmant dessin animé d'origine finlandaise, ayant connu un grand succès en Allemagne dans les 80s. Donc double effet kisscool :
- dans les 80s = images bien plus douces, dialogues beaucoup plus recherchés, scénarios bien plus intelligents, que ce qui se produit généralement de nos jours ;
- en Allemagne : nous n'avons pas dévié d'un iota de notre politique pro-germanique : les enfants continuent à ne regarder de films qu'en allemand)
Bref, non, pour bien s'occuper de son enfant, il n'est pas indispensable de s'en occuper 100% du temps.
Voire, pour être en mesure de bien s'en occuper, il est souvent indispensable de ne pas s'en occuper 100% du temps.
(vous noterez le "souvent" : loin de moi l'idée d'"obliger" quelqu'un à ressentir le besoin de temps sans ses enfants. Encore une fois, zut, si il y a bien un droit que chacun a, c'est d'avoir ses besoins bien à lui, sans devoir reprendre à son compte ceux du voisin. Combler ses propres besoins est déjà une affaire suffisamment compliquée, sans qu'on se sente obligé de devoir combler des besoins qu'on n'a pas...)
(vous noterez le "souvent" : loin de moi l'idée d'"obliger" quelqu'un à ressentir le besoin de temps sans ses enfants. Encore une fois, zut, si il y a bien un droit que chacun a, c'est d'avoir ses besoins bien à lui, sans devoir reprendre à son compte ceux du voisin. Combler ses propres besoins est déjà une affaire suffisamment compliquée, sans qu'on se sente obligé de devoir combler des besoins qu'on n'a pas...)
Cette année, non seulement F. va à l'école, mais sa tendre mère a repris le chemin du travail.
Indépendant, à temps partiel, certes, mais impliquant tout de même une bonne dose de temps passé loin de sa progéniture.
Indépendant, à temps partiel, certes, mais impliquant tout de même une bonne dose de temps passé loin de sa progéniture.
Le constat est sans appel : oui, depuis, je suis plus présente à mes enfants.
Je mesure à quel point, autant ma vie de maman IEF à Strasbourg avait encore été vécue "en pleine conscience", d'une manière qui me permettait d'être disponible mentalement pour mes enfants, tout en / et parce que nourrissant aussi mes propres besoins, autant ce n'a pas été le cas de ma vie après le déménagement en Île de France.
Un symptôme bien clair : le temps passé sur le Smartphone en présence des enfants a explosé au cours de l'année passée. Beaucoup de présence physique, oh oui, mais alors, quelle présence réelle ? Et qu'était-ce, si ce n'est une tentative maladroite et un chouilla desespérée de m'évader d'une situation ne me convenant pas franchement ?
Fichu Smartphone. Je suis en cours de sevrage partiel, tout n'est pas gagné, mais honnêtement...
Mais honnêtement, aussi, depuis que je rebosse, depuis que F. va a l'école, eh bien il m'est nettement plus facile de profiter de mes enfants quand je les vois.
- Le temps est plus structuré, et au lieu d'avoir toujours le temps d'être avec eux dans l'heure qui suivra, je sais que le temps avec eux m'est compté, et il s'avère que moi, cela m'aide à l'apprécier.
- Ma reprise pro m'alimente, me stimule, m'offre de fait des moments rien-qu'à-moi durant lesquels je m'éclate, et c'est une maman fatiguée, certes, mais d'une bonne fatigue, d'une fatigue de quelqu'un qui a accompli quelque chose qui lui plaît, qui retrouve ses rejetons.
- Du coup, magie magie, mon Smartphone a moins d'attraits. Il m'est plus facile (même si il existe encore une marge de progression) de lui/me dire "eh non, là, ce n'est pas le moment."
Un constat amenant l'autre, j'ai ainsi réalisé que je jouais assez peu avec mes enfants. Je m'y suis remise.
Et j'ai réalisé qu'il m'était plus facile de jouer à certains jeux qu'à d'autres avec eux.
C'est notamment la découverte des Bâtisseurs en Herbe, dont je vous parlais dernièrement, qui a contribué à me mettre sur la piste d'un type de jeux dans lequel je suis vraiment capable de m'investir à fond avec mon enfant : les jeux de construction. (parce que, j'avoue, hein, la dinette, etc, je me lasse vite...)
Alors, je suis allée rechercher les boîtes de Chalet Suisse Jeujura, reléguées dans un placard depuis plusieurs mois, à la faveur d'une rotation des jouets un peu expéditive (en mode "ouh que c'est relou ces centaines de petites pièces à ranger").
Ah, ces chalets !! Je ne saurais trop vous les conseiller; ils ont fait l'objet du cadeau destiné à F. pour le Noël dernier, car je gardais un souvenir ému des longues heures de mon enfance passées en fratrie, à construire moult machins, et à y faire évoluer nos Playmobils.
- Un jeu en bois, aux finitions excellentes, agréable à manipuler
- On peut construire ce qu'on veut ou reproduire les modèles fournis : encore une excellente manière de développer la capacité à se repérer dans l'espace / sur un plan. Et figurez-vous que cela m'a permis d'expliquer facilement la notion de patrimoine génétique à de mon fiston : il a toooout à fait compris le parallèle quand je lui ai exposé qu'il était fabriqué avec la moitié des plans de construction qui venait de Papa, et l'autre moitié de Maman
- Une complexité évolutive puisque E., déjà, a compris le principe des emboitements et réalise, avec beaucoup de soin, des "maisons" cubiques sans ouvertures. Et ensuite, on s'amuse à inclure des ouvertures, des étages, à poser les toits, à prévoir plusieurs pièces, etc.
- Un jeu qui se prête à mille détournements / associations très riches (Playmobils de mon temps, petites voitures, personnages duplo ; animaux Schleich en ce moment)
Remake de la ferme africaine à la maison |
ou palace réalisé chez les Bâtisseurs |
Les boîtes offertes à Noël avaient connu un succès immédiat.
Et depuis que j'ai daigné les ressortir, cela fait des semaines que, tous les soirs, juste avant l'extinction des feux chez F., nous passons tous les deux une bonne vingtaine de minutes à construire un bâtiment (au départ en suivant les plans fournis, maintenant en laissant libre cours à notre imagination).
F. se montre inlassable (vraiment, son intérêt inépuisable pour le monde de la construction, depuis ses 18 mois et sa passion jamais démentie depuis pour les volets, m'impressionne. Je me demande parfois ce que ça préfigure ;-)), moi itou.
(et pour tout vous dire, j'ai déniché deux boîtes supplémentaires de ce style sur Leboncoin, cela fait 3 semaines qu'elles sont dans la chambre conjugale, puisque destinées à Noël, mais alors, avec quelle impatience F. attend le moment de les déballer !! A peine supérieure à la mienne, en fait...)
L'éclate totale.
Et que j'apprécie ce moment de communion avec F. !
- Peu importe que la journée ait été dure, peu importe son taux de conflictualité, ce "temps dédié" à la Jane Nelsen constitue une trêve très douce, un moment de reconnexion assuré.
- Les instants partagés à ce moment sont propices à quelques conversations, un câlin, l'expérience d'un pouvoir (car l'une de mes récentes lectures m'incite à bien prendre soin de laisser F. être le maître des travaux !)
- Par ailleurs, bonus appréciable : un tel jeu de construction, juste avant le coucher, c'est très favorable au calme dudit coucher. Construire calme (tout le monde, hein, y compris la mère), vide la tête, bref, constitue une préparation idéale au lâcher-prise nécessaire au sommeil. J'dis ça, j'dis rien...
Moralité : être ou ne pas être présent à son enfant, je constate que, au moins chez moi, ça pourrait bien se jouer à 3 points
- la lucidité sur ses propres besoins de parent
- l'identification des obstacles vicieux (ex: le fameux smartphone)
- l'identification de moyens / moments privilégiés de plaisir mutuel, pouvant servir de piliers / bases à d'autres moments
Et chez vous ?